Michelin, jusqu’à présent premier partenaire de l’ASM Clermont Auvergne et jamais très éloigné des affaires du club, vole à son secours. Le jaune et bleu ayant viré au rouge, avec un déficit de 6,5 millions d’euros au terme du présent exercice qui s’ajoute à d’autres saisons délicates, il en allait sans doute de la survie même du club. L’entreprise a donc décidé d’intervenir de façon décisive en reprenant le contrôle du club, qui devient filiale du groupe, ainsi que nous l’a confirmé dans un entretien exclusif Jean-Claude Pats, qui est à la fois président de l’ASM Clermont Auvergne et directeur du personnel du groupe Michelin : "Le club était dans l’incapacité de faire face. A minima, il allait être relégué, au pire, il pouvait disparaître."
Une aide exceptionnelle de 11 millions d'euros
L’ASM Clermont Auvergne, qui appartenait presque en totalité à l’ASM Omnisports, quitte le giron de l’association. Michelin entre au capital, en devient actionnaire à 100 % et va débloquer pour le club, son club, 10e cette saison en Top 14 et désormais filiale du manufacturier, une aide exceptionnelle de 11 millions d’euros. Comme le veut la procédure, la DNACG, gendarme financier du rugby professionnel et fédéral, a examiné une première fois la situation comptable de l’ASMCA il y a peu. L’organisation ne l’a pas sanctionné, sous forme de rétrogradation administrative provisoire par exemple, ce qui signifie que ces garanties financières ont été présentées. Garanties que seul le géant du pneu était prêt à apporter. Et qui permettront au club de repartir dans l’élite du rugby professionnel. "Pour l’entreprise, compte tenu de ce que le club et elle-même représentent pour le territoire, la relégation ou la disparition n’était pas envisageable, ajoute Jean-Claude Pats. Un partenaire, Michelin ou autre, aurait pu simplement combler le déficit, mais cela n’aurait résolu en rien le problème de fond. Il fallait imaginer autre chose, réinventer un modèle sain."
Décision officialisée ce vendredi matin
La décision de Michelin a été communiquée au comité directeur de l’ASM Omnisports le 6 juin. Elle a aussi été entérinée à l’unanimité mardi dernier, 13 juin, lors de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de l’ASM Clermont Auvergne. L’opération vient d’être officialisée ce vendredi, par communiqué, peu après que le président Jean-Claude Pats a pu informer les joueurs, membres du staff et l’ensemble du personnel du club. Outre le fait de ne pas laisser sombrer l’emblème du rugby auvergnat, pilier de l’histoire sportive de la ville, de celle de Bibendum et du club omnisports créé par Marcel Michelin lui-même en 1911, il s’agit pour le groupe Michelin de contribuer à relancer une machine grippée, mais pas seulement.
Attirer à terme d'autres partenaires
L’ambition clairement affichée est de bâtir un modèle économique pérenne, indépendant pour l’essentiel des aléas sportifs, et d’attirer à terme d’autres partenaires du territoire dans le capital. C’est la feuille de route assignée à Jean-Claude Pats ainsi qu’à son directeur général Benoît Vaz, nommé à ce poste le 1er juin (il était arrivé en janvier en tant que chargé de mission) et qui devra conduire le développement de l’ensemble des activités du club.
"L'ambition est d’ouvrir, le plus vite possible, le capital à d’autres partenaires. Car Michelin n’a pas vocation à rester propriétaire d’un club sportif. Les 11 millions, c’est un montant défini par nos experts sur la base de la situation et sur des projections en termes de résultats sur les trois prochaines saisons, poursuit le président de l’ASMCA. Cela doit permettre au club de s’asseoir sur des fonds propres suffisants pour lui permettre de mettre en œuvre son nouveau modèle économique. À nous de travailler pour que Michelin ne soit pas obligé de combler d’autres pertes."
En 2004, Michelin était déjà intervenu
Ce n’est pas la première fois que Michelin vient à la rescousse de l’ASM. En 2004, alors que le rugby s’était professionnalisé depuis moins de dix ans, l’ASM (le sigle signifiait encore simplement AS Montferrand) était déjà en grande difficulté financière. Le patron de l’époque, Edouard Michelin, avait accordé une aide de 2,5 millions d’euros pour boucher le trou. Surtout, il avait placé René Fontès à la tête du club, lui donnant pour mission, déjà, de développer ses ressources et partenariats, avec le soutien des collectivités. L’ASM était devenue au passage l’ASM Clermont Auvergne. C’était annoncé : Michelin s’en tiendrait désormais chaque saison aux 2,8 millions de subventions toujours en vigueur. L’aide exceptionnelle d’alors devait être une dernière. Deux décennies plus loin, Florent Menegaux en accorde une autre et va donc plus loin. Le sauveur de l’ASM porte une nouvelle fois l’habit de Bibendum, mais celui-ci prend résolument les commandes. Provisoirement, assure-t-il. Un déficit de 6,5 millions d’euros à causes multiples L’ASM présentait cette saison un budget de 30 millions d’euros. Le déficit au terme de l’exercice se monte à 6,5 millions. Un trou aux raisons multiples : les retombées de la crise Covid et la fin des aides de l’État, des départs dans le staff induisant des charges exceptionnelles, une baisse régulière de la billetterie, notamment.
Patrice Campo et Christophe Buron