Jacky souffla. Son haleine renvoyait les effluves de verveine auvergnate et de merguez bordelaise, cadeau de Christophe Urios qu’il avait été obligé d’ingurgiter lors de la réception d’après match à l’Hôtel du Grippe-sou et du Pneu réunis, place de Jaude, Montferrand, service compris 15%, fermé les jours de titre.
Le plat prolétarien et l’alcool cégétiste brouillait la digestion du dirigeant Ciel et Blanc qui pour le coup virait au vert Céladon. Jacky rangea la lettre anonyme qu’il destinait au Dr Hans Peter Wild, dirigeant du Stade Français, tout aussi Suisse que Jacky mais beaucoup plus riche, ce qui contrariait grandement le président du « Racing 92 Balkany Lé Inosan » puis il se dirigea vers les cabèches, le pas lourd et l’haleine toujours forte.
Après avoir rendu son dîner de la veille, Jacky s’assit à son burlingue, lâcha un pet triomphant et se remit à l’ouvrage. Il était arrivé au passage dramatique de sa lettre anonyme (« Sale Boche, j’ai tondu ta mère en 45 ») quand un être falot, palot, fluet, chétif et vêtu de tergal gris fit son entrée dans le bureau.
Reconnaissant son comptable, Jacky ne put réprimer un sourire carnassier.
- Chantal Goya annule tout, on va pouvoir faire le barrage à domicile, demi-portion ! Prépare la caisse enregistreuse, rien que les gardes du corps de Wild ça va commencer à chiffrer.
- Justement, le match d’hier…
- Eh quoi, j’ai entendu à la radio que les parigots s’étaient fait repasser comme des caves par une équipe en couche Pampers ! Ha ! Tiens, je le rajoute dans ma lettre : dans ton cul, Hans-Peter, DANS TON CUL !
- Oui mais…
- Oui mais quoi ? Y a pas de mais, comme à la Légion, rétorqua Jacky qui lâcha un pet d’opéra pour appuyer son propos.
- Notre match au Stade Marcel Michelin…
- Me souviens plus, j’ai trop picolé. Mais vu leur équipe de demi-sel et leur dynamique négative comme mon relevé fiscal français, je pense bien qu’on leur a mis le piston dans le cornet, me trompé-je ?
- Vous ne vous trompez jamais, balbutia l’homme des chiffres ou alors…
- Ou alors ?
- Par défaut de mémoire… couina l’homme en gris qui sentait venir la baffe. On… on a perdu.
- Oui mais avec le bonus défensif on devrait… supputa Jacky.
- Non. On a perdu sans bonus, déglutit l’être chétif.
- Putain de merde, alors on va chez qui ?
- A Paris je crois…
Jacky péta de colère si bien qu’une entêtante odeur de verveine kabyle envahit la pièce. Il rota de surcroît et se rafraîchit l’haleine en pulvérisant sur son dentier une giclée de « soir dans la chambrée » de Guerlasse, aux notes poivrées de cuir ciré et de Famas frais sorti de l’armurerie.
Reprenant sa lettre anonyme Jacky y coucha quelques jurons bien sentis : nique ta mère sale tricheur, Nadine Ou ha le dick (car Jacky se piquait de parler comme ses terrassiers), tu vas voir ce qu’on va te mettre, Fait à Nanterre, ton toujours bien affectionné, Jacky Lorenzetti.