- De toute façon je reste pas !
Bernard Laporte, son matelas encore sous le bras gauche, sa brosse et son verre à dents dans la main droite restait debout à l’entrée de la cellule où quatre autres détenus se tenaient, qui accoudé à la table, qui allongé sur son bat-flanc – (j’écris bat-flanc pour vous prouver que j’ai des lettres, tas de sous-culturés, mais vous avez compris qu’il s’agit de couchettes).
- T’es qui, toi ?
Lança sur un ton menaçant Ali Boukmakeur, dit « le fort chibré », qui remplissait les fonctions informelles mais acquises de haute lutte de chef de chambre et occupait à ce titre le lit du haut à droite en entrant.
- Et toi, t’as gagné quoi ? répliqua le nouvel entrant sur un ton tout aussi venimeux. Moi j’ai des coupes d’Europe que je les compte plus et des boucliers que je sais plus où les mettre. Si t’es pas un gagnant t’as pas d’avenir avec moi !
Ali le Fort Chibré parut un instant déstabilisé mais, trop attaché à son statut dominant pour s’en laisser conter par un binoclard d’un mètre soixante-dix, il tenta un retour de service. Le problème c’est qu’il ne voyait pas exactement ce que l’autre entendait par « bouclier ». En effet le seul bouclier qu’il connaissait c’était celui entièrement pare-balles que le GIGN avait utilisé le jour de son arrestation.
- Coupe d’Europe mon cul ! lança le chef de chambrée informel, dont le ton se faisait cependant moins menaçant : je m’y connais en foot, tu n’as jamais joué au Bayern ou à Chelsea ou à Man City ou à Liverpool…
- Je me fous des manchots, je parle qu’à des hommes, tu ignores d’où je viens mais moi je sais que je l’ai mise profond aux Saracens !
- Ici on s’en prend pas à la race ! tenta Jose Da Silva De Figueiredo dit « Rocky la Mort », deuxième lieutenant d’Ali le Fort Chibré et à ce titre autorisé à lui allumer sa cigarette, les sarrasins comme tu dis, c’est aussi des gagnants ! Enfin ils ont des gagneuses…
- Laisse Rocky, souffla Lorenzo le Gitan, premier lieutenant du chef de chambrée qui avait coutume de manger les hérissons crus sans ôter leurs épines, quand il n’était pas au trou pour vol de métaux avec violence, Mhôssieuh l’affranchi va sûrement nous expliquer ce qui l’amène dans notre compagnie.
- Ouais ouais, gronda à mi-voix Eddy le souffre-douleur qui n’était lieutenant de personne et devait de ce fait approvisionner la cellule en cigarettes, crache un peu pourquoi tu es chez les hommes !
- J’ai niqué un président de la République, j’ai bousillé le ministère des sports, j’ai truqué des appels d’offre, j’ai corrompu une commission de discipline et j’ai signé Byron Kelleher au SF !
- Ah ouais, respect, souffla Ali Le Fort Chibré. Heu… tu es sûr que tu ne restes pas ?