Jacky s’éveilla, nimbé de sueurs froide et de cauchemars gluants. Dans son rêve trempé de peur, un supporter du Stade Français, le rival honni et seul club de la capitale, réussissait à s’introduire dans sa chambre et lui enfonçait un objet aux forme biscornues dans le fondement.
Jacky sortit du lit, de fort mauvaise humeur, au point que, dans sa fureur, il fixa son dentier sur ses arcades sourcilières et ses lunettes à ses gencives. N’y voyant rien il passe machinalement à la salle de bain attenante à sa chambre, et heurtant une forme allongée, trébucha et se retrouva la tête dans la baignoire.
Dentier et lunettes se détachèrent. Recouvrant une partie de ses sens une fois ses appendices artificiels tombés au fond du tub, Jacky pesta, péta, se retourna, uniquement pour voir la forme allongée se redresser. Dans le brouillard de sa myopie il lui semblait reconnaître quelqu’un. Mais qui ?
Jacky se perdait en conjectures quand une main puissante l’attrapa par le col puis lui maintint la tête dans la baignoire.
- Putain quelle cuite hier soir, s’exclama le propriétaire de la main ! Tiens, un bon coup d’eau fraîche sur le citron, ça va te remettre d’aplomb.
- Monsieur Gombier, mon comptable ? Si c’est vous, je vous chasse sur le champ, immédiatement et séance tenante !
- Non, c’est pas Gombier, répliqua Hugo Mola avec son accent ensoleillé, ton comptable doit être occupé à compter les billets de banque, parce que, pardonne-moi, mais c’était toulousain hier soir dans ta guinguette ! Entre le Huit parisien, les trois qui avaient pris l’avion et les gamins de ton centre de formation qui mettent nos maillots les jours de matchs, on était bien mille dans ta discothèque, soit 890 de plus que tes supporters. Je suis sûr de mes chiffres. J’ai compté les glands sur les mocassins et j’ai divisé par quatre. Enfin. Quelle biture mes aïeux !
Tout revint d’un coup à la mémoire de Jacky : le match, la défaite, l’hospitalité d’après-match durant laquelle il s’était horriblement soûlé au champagne en compagnie d’Hugo Mola qui l’avait transporté jusqu’à sa chambre et avait fini par dormir sur la peau d’alpaga de la salle de bains.
Jacky se redressa de toute sa hauteur, négligeant l’eau glacée qui lui ruisselait à présent sur le torse.
- Ah. Hugo. Cher Hugo ! Effectivement nous avons fêté comme il se doit le fameux Trophée du Baron ! En preux chevaliers de l’Ovalie !
- Je ne connais pas Ophélie rétorqua Mola qui avait un poil d’alpaga dans l’oreille, mais si tu as son zéro six…
- Le Baron ! Le Baron de Coubertin, pas la boîte échangiste ! Quelle belle bataille entre nos deux grands clubs, aha ! J’ai apprécié !
- Ah oui, la sculpture en toc que tu nous offres tous les ans ! Franchement je sais plus où les foutre ! Tu n’aurais pas un truc plus pratique, genre un four à raclette. Baille et Marchand aiment la raclette. Mallia préfère les barbecues. Mais la raclette c’est bon.
Evoquant le trophée Jacky se remémora son cauchemar.
- J’ai fait un rêve terrible. On m’enfonçait le trophée dans le… dans la… Enfin, c’était affreux.
- Ah oui en effet, c’était quand ?
- Ce matin même, vers sept heures.
- Bon. Ben tu peux le retirer !
