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Posté 31 janvier 2024 - 21:02

Jérôme Bayle, du rugby aux manifestations d'agriculteurs Figure de l'actuel mouvement de colère des agriculteurs, dont il a été à l'initiative en Haute-Garonne, l'éleveur Jérôme Bayle a rêvé d'une carrière de rugbyman, stoppée prématurément par une grave blessure.

« Respect, solidarité, détermination. » On visualise parfaitement ces trois mots placardés à l'entrée d'un vestiaire ou écrits par le coach en haut du tableau blanc sur lequel les dernières consignes sont rappelées, quelques minutes avant le coup d'envoi d'un match. Une fois n'est pas coutume, ce mot d'ordre n'a pas été récemment utilisé dans un cadre sportif mais au blocage routier de l'autoroute A 64 au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), à une quarantaine de kilomètres de Toulouse.

 
 

À la tête de ce mouvement qui a initié d'autres manifestations d'agriculteurs partout en France pour obtenir de meilleures conditions de travail et de rémunération, un homme carré, à la barbe drue et au crâne dégarni souvent recouvert d'un bonnet ou d'une casquette à l'envers. Encouragé par ses collègues et amis, Jérôme Bayle (42 ans) a pris la parole devant quelque mille personnes sur la place du Capitole à Toulouse le 16 janvier, après le discours du représentant régional de la FNSEA. « On n'était pas satisfaits car il nous demandait d'attendre, de ne rien faire. Mes amis savent que je suis un peu écouté, ils m'ont donc dit de prendre le micro et d'y aller. C'est parti comme ça », retrace l'intéressé sans une once de prétention dans la voix.

Jérôme Bayle en bref
42 ans.
2013 : victime d'un plaquage à retardement, il est paralysé cinq jours et ne peut plus jouer au rugby.
2015 : il reprend seul les rênes de l'exploitation agricole de son père, qui s'est suicidé.
2024 : mécontent des conditions de travail, de rémunération et de la considération accordée aux agriculteurs, il prend la tête du mouvement de contestation qui met en place le premier blocage routier, le 17 janvier.

Avant d'enchaîner les plateaux télé et les interviews (y compris pour le New York Times) pour défendre haut et fort sa cause - « Je me suis servi des médias, ils ont été un allié » -, l'éleveur était déjà connu dans la région pour d'autres faits d'armes. À batailler coûte que coûte, les pieds et les mains dans la boue, déjà, mais sur un terrain de rugby.

Originaire de Montesquieu-Volvestre (3 000 habitants) au pied des Pyrénées, Jérôme Bayle est tombé tout aussi rapidement dans l'agriculture - « j'ai appris à marcher au milieu des vaches » - que dans le rugby. « J'ai une passion pour ce sport depuis que je suis tout petit. Mon père y jouait et, dans le village, si tu voulais faire du sport, il n'y avait que ça », confie-t-il.

 
 
Il a arpenté tous les terrains de sa région pendant trente ans

Pendant près de trente ans, il a arpenté tous les terrains de la région, et même au-delà, en passant d'un club à l'autre. Auch, Castanet, Saint-Girons, Haut-Salat, Blagnac, Saverdun ou Quillan sont autant de villes dont il a fièrement représenté les couleurs, le temps d'une seule saison, parfois. « J'aime bien découvrir, donc ça ne me gênait pas de bouger », avance celui qui a souvent été capitaine, tout en avouant avoir perdu le fil du nombre de clubs qu'il a fréquentés.

Partout où il est passé, le solide troisième-ligne (1,85 m, 100 kg) a laissé de très bons souvenirs. « C'était un bon garçon, il fédérait facilement autour de lui », se souvient Eric Cavaillé, président de l'Union Sportive Haut Salat-Castillon et l'un de ses anciens entraîneurs. « C'était un vrai meneur d'hommes, confirme Benjamin Roquebert, agriculteur de la région qui l'a croisé à plusieurs reprises sur un terrain. Il portait beaucoup le ballon, voyait bien le jeu et était plutôt bon techniquement. Mais surtout, c'était un joueur vraiment rugueux. »

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Jérôme Bayle sous le maillot auscitain, le 16 février 2003. (Dominique Bragagnolo/PhotoPQR/la Dépêche du Midi)

« S'il avait vécu à Auch, il serait devenu pro parce qu'il en avait l'âme, l'esprit. »

Henry Broncan, entraîneur d'Auch entre 1998 et 2007

 
 
 

Le voir prendre la tête du mouvement de colère paysanne n'a donc été une surprise pour personne. Il a même, lors de ses prises de paroles, ramené ses plus proches acolytes quelques années en arrière. « C'était comme un discours de vestiaire, en rigole Joël Tournier, l'un de ses ex-coéquipiers à Saint-Girons, en Fédérale 2. Je me rappelle très bien de sa façon de parler. Mais là, il était un peu plus soft quand même. Dans les vestiaires, il était plus cru. »

L'apogée de la carrière de Jérôme Bayle se situe au début des années 2000, à l'aube de sa vingtaine. Il évoluait alors dans l'équipe espoirs du RC Auch Rugby, alors en Pro D2. S'il n'a fait que quelques apparitions en Deuxième Division et n'est jamais devenu professionnel, son passage a une nouvelle fois été remarqué. « Il avait des qualités incontestables même s'il manquait un peu de taille, de vitesse. Mais s'il avait vécu à Auch, il serait devenu pro parce qu'il en avait l'âme, l'esprit », estime Henry Broncan, entraîneur de l'équipe première auscitaine de 1998 à 2007 et père de l'actuel entraîneur du CA Brive, Pierre-Henry Broncan. Bayle reconnaît avoir manqué cette opportunité. « À l'époque, je n'ai pas mis tous les moyens de mon côté pour atteindre le plus haut niveau. Je le regrette. »

Un terrible accident en Fédérale 2

« On lui avait tous dit qu'il pouvait passer professionnel. Mais Jérôme, c'était un troisième-ligne. À ce moment-là, ils voulaient le faire jouer talonneur et ce poste ne lui plaisait pas », avance Joël Tournier, plus loquace que le principal intéressé sur le sujet. Mais à entendre Henry Broncan, la vraie raison est à chercher ailleurs. « Il avait deux passions : la terre et le rugby. C'était difficile de concilier les deux. Et la terre a gagné. Jérôme est un paysan dans l'âme. » Malgré des études dans le génie civil, le jeune Bayle a changé de voie et rétrogradé de quelques divisions pour se consacrer à l'exploitation familiale. Comme nombre d'agriculteurs, son père rencontrait d'importantes difficultés, il se suicidera en 2015.

Deux ans auparavant, Jérôme Bayle avait été victime d'un terrible accident lors d'un match de Fédérale 2 avec Quillan. « J'aurais dû sortir deux minutes plus tôt, mais j'avais voulu continuer. Et malheureusement, sur un plaquage un peu limite... J'ai failli devenir tétraplégique. » Il est paralysé pendant cinq jours, sa moelle épinière a souffert et lui interdit depuis la pratique de tout sport à risque. « Le plus difficile, c'est de ne pas avoir pu tenir ma parole de revenir jouer dans mon village, là où tout a commencé. Je n'ai pas pu choisir ma sortie... »

« Comme en rugby, tant que l'on n'est pas battu, il faut se relever. Lui a réussi à trouver les leviers pour s'en sortir. »

Benjamin Roquebert, agriculteur ami de Jérôme Bayle

 
 
 

Reconnu travailleur handicapé à 100 %, il continue néanmoins de travailler seul auprès de son élevage de 90 vaches limousines sur une propriété de 150 hectares et d'honorer la promesse faite à son père de rendre l'exploitation reconnue. « Il lui a fallu se relever de tout ça et avancer dans la vie. Mais c'est un gagneur, il n'aime pas perdre. Comme en rugby, tant que l'on n'est pas battu, il faut se relever. Lui a réussi à trouver les leviers pour s'en sortir », salue son ancien adversaire devenu ami, Benjamin Roquebert.

Aujourd'hui éloigné des terrains - « l'entraînement, j'ai essayé, mais ce n'était pas pour moi » -, Jérôme Bayle continue d'aller ponctuellement supporter ses collègues, pour beaucoup rugbymen. Son caractère et sa mentalité de meneur d'hommes lui servent maintenant sur d'autres fronts. Dans une profession où il considère que la solidarité s'est peu à peu étiolée, il s'attache à retrouver les valeurs perdues. Lors du premier blocage routier du 17 au 26 janvier (ses revendications ont été entendues par le Premier ministre Gabriel Attal lors de sa visite surprise sur l'A 64 vendredi dernier), il rappelait ainsi tous les soirs, dans son discours : « Ensemble, on ne risque rien »

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Les jours de blocage de l'autoroute A 64 au niveau de Carbonne (Haute-Garonne). La mobilisation a pris fin après la visite surprise du Premier ministre Gabriel Attal vendredi soir dernier, les revendications des agriculteurs (dont le remboursement des frais pour la maladie hémorragique épizootique qui sévit dans la région, et la non-augmentation du prix du gazole non routier) ayant été en partie entendues.

 


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