Posted 12 June 2025 - 20:17 PM
« Je suis très en colère. » Le 2 juin dernier, Maxime Saada a convoqué le service rugby de Canal+, et tous les smartphones ont été préalablement déposés dans un bac pour éviter tout enregistrement. Le patron de la chaîne cryptée a présenté les résultats d'une enquête interne lancée après le licenciement en décembre dernier d'un reporter-commentateur de la rubrique pour des comportements et propos sexistes jugés inappropriés envers deux de ses collègues.
Les deux jeunes femmes s'en étaient plaintes et avaient pu montrer de nombreux messages obscènes reçus sur leur téléphone. L'une d'entre elles aurait également indiqué s'être vue proposer avec insistance de la drogue. Elles ont communiqué des captures d'écran des messages qu'elles ont reçus que nous n'avons pas souhaité reproduire ici, mais dont la teneur - « J'ai envie de te démonter » par exemple - paraît sans équivoque.
L'une des jeunes femmes qui a, depuis, changé de service, est actuellement en arrêt maladie. Le reporter à l'époque s'était défendu auprès de quelques collègues en évoquant des échanges consentis et des messages tronqués. Son licenciement faisait suite à l'éviction, à l'automne 2024, d'un journaliste en CDD récurrent sur Infosport+, la chaîne d'info sportive du groupe Canal+, cette fois pour « harcèlement d'ambiance » (blagues sexuelles). Les deux hommes, qui n'ont pas souhaité nous répondre tout comme les salariées qui ont dénoncé les faits, contestent les sanctions. Le premier a engagé une procédure aux prud'hommes et le second serait sur le point de le faire.
Un fonctionnement « masculiniste » dénoncé dans certains témoignages
La chaîne, après ces évènements, a donc décidé de lancer une enquête interne sur d'éventuels comportements sexistes et de harcèlement au sein de la rubrique rugby. Selon nos informations, sur les 34 témoignages recueillis, avec un anonymat préservé, trois quarts feraient état d'une ambiance de travail irréprochable, professionnelle, et un quart signalerait un fonctionnement « masculiniste » et des comportements sexistes.
Deux visions s'opposent et elles ont pesé fortement cette saison sur le service dirigé par Eric Bayle. « Avant l'hiver, au moment du licenciement, on a eu peu d'informations et d'explications sur ce qui s'était vraiment passé, et on ne savait pas ce qui nous attendait avec l'enquête », raconte un membre du service. L'un des consultants de la chaîne, Mathieu Blin, l'ancien talonneur du Stade Français, dans les émissions et pas au quotidien dans la rédaction, reconnaissait, il y a quelques semaines, avant le rendu de l'enquête, avoir eu écho « d'une ambiance compliquée. Même si les sujets sont totalement différents, j'avais déjà connu cela lors du licenciement de Sébastien Thoen (en novembre 2020 pour une parodie de l'émission de Pascal Praud sur CNews) et de la pétition de soutien signée par une partie des gens de Canal (148 signataires dont 48 anonymes). Cela crée forcément de la méfiance, de la défiance ou de l'anxiété dans les discussions. Avec souvent deux groupes qui s'opposent. »
Des preuves accablantes selon Maxime Saada
+Libres, le syndicat majoritaire de Canal+, explique que l'un de ses élus « a participé à l'enquête en tant que représentant du personnel, en étroite collaboration avec un représentant de la direction des ressources humaines » et ajoute que « le dossier est désormais entre les mains de la direction, qui devra, le cas échéant, prendre et appliquer les sanctions nécessaires. »
Devant la rédaction rugby, le 2 juin, Maxime Saada aurait précisé avoir lui-même pris connaissance des messages adressés aux deux salariées qui ont dénoncé les faits concernant le reporter licencié et que les preuves étaient accablantes. Il aurait rappelé sa ligne de tolérance zéro sur ces sujets, tout comme le directeur des sports Thomas Sénécal, et qu'il y aurait des conséquences. Elles n'ont pas tardé : trois journalistes du service, en CDD jusqu'au 30 juin, ainsi que deux CDI, ont fait l'objet cette semaine d'une mise à pied conservatoire. D'autres faits sont ressortis de l'enquête, notamment des propos inappropriés qui ont été diffusés sous forme de verbatims lors de la restitution de l'enquête au service rugby. Un journaliste, pour évoquer un supposé manque d'aisance d'une consultante rugby à l'antenne, aurait ainsi déclaré : « Elle devrait se faire violer par un mec qui sort des Baumettes, ça lui ferait du bien ».
Mathieu Blin, qui connaissait le reporter licencié en décembre, et lui avait d'ailleurs adressé quelques messages au moment de l'affaire, dont il ne connaissait pas les détails, est très engagé sur le sujet des violences sexistes et sexuelles, notamment au sein de la Fondation pour le sport inclusif dont il est co-président. Il réclame une vigilance de tous les instants sur ce sujet : « J'ai la chance d'avoir été élevé par des personnes très engagées, notamment dans des mouvements féministes. » Néanmoins, par le passé, il m'est déjà arrivé de m'interroger : « Ai-je pu être lourd à un moment ? » Je ne le crois pas, en tout cas certainement pas par des attitudes interdites par la loi, ça j'en suis sûr. Malheureusement, certains peuvent encore les banaliser aujourd'hui : « Oh, ça va, c'était juste une main au cul », « Oh, ça va, je lui ai juste reluqué les seins », « Oh, ça va, j'ai juste insisté cinq fois pour lui offrir un verre ». Non, il n'y a pas de « ça va ». Draguer, ce n'est pas insister, ce n'est pas harceler. » Contacté, le groupe Canal+ n'a pas souhaité réagir.
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