
« Comment appréhendez-vous ce dernier match devant votre public de Pierre-Fabre ?
En fait, j'essaie de me mettre en retrait de tout ça, de me détacher autant que possible de ce contexte particulier. Je n'ai pas envie que l'émotion prenne le dessus, surtout au regard de l'importance de ce match pour la qualification en phase finale (à deux journées de la fin, Castres est 5e).
Trop y penser avant serait le meilleur moyen de se planter. Mais j'imagine qu'au coup de sifflet final, tout un tas d'émotions surgiront, même si je serai toujours au club la saison prochaine, certes dans un rôle différent (il sera entraîneur des trois-quarts). Là, il s'agira juste de dire adieu à ma carrière de joueur.
Êtes-vous convaincu que c'est le bon moment pour arrêter votre carrière ?
Oui, même si je me sens très bien physiquement. Dans un coin de ma tête, je me suis toujours dit que je préfèrerais arrêter en étant encore en forme plutôt qu'en ayant des douleurs un peu partout et en n'étant plus vraiment dans le groupe. Cette saison, j'ai eu la chance de matcher encore pas mal. Franchement, je préfère partir comme ça plutôt qu'après sur une saison où je n'aurais joué que 4 ou 5 matches. Je n'ai vraiment aucun regret sur ma décision.
« Au final, j'aurais participé à pas mal de matches qui on écrit l'histoire du club. J'en retire évidemment beaucoup de fierté »
Que retiendrez-vous en premier de votre aventure au CO ?
Déjà beaucoup de fierté d'avoir joué autant de temps et de matches (271 au total) dans ce club. Il y a onze ans, quand j'ai débarqué au Castres Olympique, j'arrivais de Lyon, en Pro D2. Le club m'a fait confiance et, au final, on s'aperçoit que l'histoire a été belle. Mais c'est passé hyper vite. Ça fait onze ans et pourtant, j'ai l'impression que c'était avant-hier. J'ai tellement engrangé de bons souvenirs ici que les moments de joie l'emportent sur les moments de peine.
Et si vous deviez n'en retenir qu'un ?
Forcément le titre de champion de France en 2018, qui a été l'aboutissement dont rêve tout joueur de rugby. Je n'oublie pas 2022, aussi, malgré la défaite en finale (10-29 contre Montpellier). Ça avait été une édition incroyable puisqu'on avait terminé en tête de la saison régulière, ce qui n'était jamais arrivé au club. Quand je me retourne, je vois aussi la qualification cette saison pour les quarts de finale de la Coupe des champions. Au final, j'aurais participé à pas mal de matches qui on écrit l'histoire du club. J'en retire évidemment beaucoup de fierté.

À l'inverse, quel a été votre plus grand regret ?
Honnêtement, je n'en ai pas. Il y a eu des moments difficiles, mais j'ai toujours essayé de les prendre comme des paliers à franchir pour continuer à progresser. Je pense encore à cette finale du Top 14 perdue en 2022. C'est un regret parce qu'on n'a pas réussi à toucher le Brennus à la fin, mais on était tombés sur plus fort que nous ce soir-là. Le problème, c'est qu'on avait joué la finale le match d'avant, en demies (24-18 contre Toulouse). On n'avait pas su se préparer aussi bien que Montpellier.
Mais c'est comme ça, le destin avait décidé qu'on ne serait pas champions cette année-là. Tu prends une claque, parce que tu ne sais pas trop si l'opportunité se représentera un jour, mais il faut savoir l'accepter parce que le Top 14 ne te laisse pas trop le temps de gamberger et parce que ce sont des moments qui te permettent ensuite de rebondir.
Pour rester dans le registre des souvenirs, quel a été l'essai le plus important de votre carrière ?
Il y a celui de la finale de 2018, forcément, mais si je devais en sortir un autre, ça serait celui de la demi-finale contre Toulouse en 2022. C'était à Nice, dans un stade en folie, et j'ai eu la chance de marquer devant notre virage de supporters. Ça avait été un grand moment de communion entre nous et le public. Cet essai a une saveur particulière parce qu'on jouait la 78e ou 79e minute et qu'il nous faisait basculer vers la victoire.
« Si j'avais commencé ici dans les catégories jeunes, j'aurais très certainement réalisé toute ma carrière dans ce club »
Au final, comme qualifieriez-vous ce lien qui vous unit depuis si longtemps au CO ?
Ça a été comme une histoire d'amour. Je me suis tout de suite reconnu dans les valeurs de ce club, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Ma famille et moi avons trouvé ici un équilibre de vie qui nous correspond complètement. Il y avait tout pour que l'aventure soit belle et elle l'a été. Je crois que si j'avais commencé ici dans les catégories jeunes, j'aurais très certainement réalisé toute ma carrière dans ce club, tellement c'était une évidence.
Des joueurs avec qui vous avez effectué toute votre carrière ici risquent de vous regretter...
Oui, je pense à Antoine (Tichit), à Mathieu (Babillot), à Geoffrey (Palis)... Mais notre relation actuelle sera intacte la saison prochaine. Ça sera forcément différent, parce que je serai leur entraîneur, mais notre amitié restera, parce que je ne suis pas de nature à changer quoi que ce soit. On a passé de grands moments ensemble sur le terrain. J'espère qu'il y en aura d'autres.

Vous avez toujours été aussi un des chouchous des supporters du CO...
J'ai eu cette chance, oui. Le CO, ici, c'est une vraie religion. C'est ce qui a fait aussi que j'ai immédiatement été séduit par ce club. On est poussés tout le temps, dans les bons comme dans les mauvais moments. Pendant la période du Covid-19, quand les matches étaient à huis clos, je me rappelle encore de ces supporters qui essayaient de voir les matches en se tenant debout sur des camions garés aux abords du stade. Je me rappelle également des boutiques et des devantures des maisons aux couleurs bleues et blanches pendant les phases finales. On sent vraiment que le CO est le poumon de la ville.
Quelle serait la fin de saison rêvée pour vous ?
Qu'on gagne face à Bayonne, déjà, pour qu'on continue à se donner les moyens de basculer en phase finale. C'était l'un de nos objectifs principaux de la saison, avec la qualification pour la phase finale de la Coupe des champions. Bayonne, en plus, pour la petite anecdote, c'est le club que j'ai affronté lors de mon premier match avec le CO à domicile (victoire 30-6, le 30 août 2014).
Cette saison-là, notre premier match contre le Stade Français avait été délocalisé à Béziers à cause de travaux au stade, mais le suivant avait bien eu lieu à Pierre-Antoine (le nom du stade Pierre-Fabre à l'époque), et c'était contre Bayonne. Je trouve que c'est un joli clin d'oeil du destin, assez symbolique. »