Près de 5 000 spectateurs pour un match de préparation, il y a bien longtemps que l'USM n'avait pas vécu pareille effervescence à l'aube de sa saison. C'était vendredi soir dernier, dans la cuvette de Sapiac. Montauban recevait Castres dans le cadre du trophée Ibrahim Diarra, comme tous les ans depuis la disparition du troisième-ligne international en décembre 2019. « C'est vrai qu'on a l'habitude d'affronter le CO tous les étés, observait l'ouvreur Jérôme Bosviel après la rencontre. Mais cette année, on va les jouer trois fois parce qu'on est en Top 14. »
Oui, même si certains doivent encore se pincer pour y croire, l'USM fait aujourd'hui partie des quatorze meilleurs clubs du pays depuis son titre de championne de France de Pro D2 et sa montée dans l'élite en juin dernier. Et vendredi, pour son premier galop d'essai avant le grand saut, elle a pu mesurer l'immense fossé qui sépare les deux divisions (défaite 21-42). « C'était un premier match, il fallait passer par la case dépucelage et c'est fait, constatait Sébastien Tillous-Borde, le manager du club. C'était une balle blanche. Il y en aura une deuxième ce jeudi, contre l'UBB (à Agen), et après ça sera une vraie face au Stade Français (le 6 septembre, 1re j.). Si on perd les deux premiers matches et qu'on gagne le troisième, ça m'ira très bien. »
Si l'USM en est là, c'est parce qu'elle a réussi l'exploit de gagner ses trois matches de phase finale face aux trois premiers de la saison régulière de Pro D2, à chaque fois à l'extérieur (23-26 à Colomiers en barrage, 13-29 à Brive en demi-finales et 19-24 contre Grenoble à Toulouse en finale). Un enchaînement insensé, qui a forcément créé un immense engouement (le club est passé de 800 à 2 500 abonnés) et rappelé aux plus anciens supporters les grandes heures du passé. Thierry, par exemple, avait 6 ans, en 1967, lorsque le club du Tarn-et-Garonne décrocha son premier et seul titre de champion de France de Première division au Parc Lescure de Bordeaux face au CA Bègles (11-3). « Je me souviens que mon père m'avait pris sur ses épaules pour accueillir les joueurs à leur retour de Bordeaux », raconte-t-il.
Ce pur Montalbanais a aussi connu les années glorieuses du tandem d'entraîneurs Labit-Travers, au début de ce siècle, avant la rétrogradation financière du club en Fédérale 1 en 2010. Ce retour en Top 14, il l'espérait, mais sans doute pas cette année, alors que l'USM avait frôlé la relégation en Nationale un an plus tôt. « On a un peu peur de ce qui nous attend maintenant. Je crains qu'on fasse comme Agen il y a quatre ans (2020-2021). Qu'on perde 26 fois en 26 matches. Mais en même temps, je me dis aussi que cette équipe, qui a été capable de se sublimer il y a trois mois pour déjouer tous les pronostics, peut le refaire. Peut-être pas de se maintenir directement, mais au moins de gagner 6 ou 7 matches pour arracher la 13e place et disputer le barrage. »
« Je me fous de ce que les gens pensent »
Sébastien Tillous-Borde, manager de l'USM
Depuis la montée, l'USM a engagé un contre-la-montre pour se rapprocher le plus possible d'un club de l'élite. Elle a incorporé un nouveau centre d'entraînement (centre d'excellence sportive du Ramiérou) et multiplié les démarches auprès de la ville, détentrice des infrastructures, pour améliorer l'accueil des supporters et des partenaires à Sapiac. Une tribune d'appoint de 1000 places assises sera bientôt érigée, tandis que des salons, des loges et un chapiteau seront également dressés pour accompagner la croissance du sponsoring. Sapiac devrait être entièrement opérationnel le 11 octobre pour la venue de... Castres en Top 14 (6e j.). « Ça veut dire qu'on jouera nos deux premiers matches de Championnat à domicile (contre Lyon et Montpellier) avec une capacité inférieure, explique Johan Dalla Riva, le directeur général. Ensuite, on atteindra 9 200 places, dont 6 000 assises au lieu de 5 000. »
Le club partira avec un budget de 13,8 M €, de loin le plus modeste du plateau (celui de Vannes, précédent promu, était de 19,6 M € la saison passée). C'est sans doute pour ça que la plupart des observateurs ne lui donnent aucune chance de se maintenir. Pourquoi réussirait-il là où les Bretons, malgré leurs moyens supérieurs et leur rugby séduisant, ont échoué ? « Je me fous de ce que les gens pensent, assure Tillous-Borde. Ces gens-là ne disaient pas non plus qu'on serait champion de France de Pro D2 la saison dernière. » « On n'a pas peur, ajoute Bosviel. Parce que si on avait peur de jouer contre les meilleurs joueurs et les meilleures équipes du monde, ça ne servirait à rien d'y aller. »
L'USM aura-t-elle la profondeur de banc pour absorber le rythme infernal du calendrier ? Son effectif a très peu évolué. Quatre joueurs sont arrivés (les piliers Nugzar Somkhishvili et Valentin Simutoga et les troisièmes-lignes Vaea Fifita et Nafi Ma'afu), un autre a prolongé (le talonneur Vaktang Jintcharadze). Ça fait peu pour un promu. Mais Dalla Riva y voit davantage une force qu'une faiblesse : « Ils savent que ça sera difficile, mais il faut leur faire prendre conscience qu'ils peuvent le faire. Il y aura des matches où ils craqueront, d'autres où ils perdront de peu, d'autres où ils feront ce qu'il faut pour gagner, et d'autres où ils créeront l'exploit là où ça semblait impossible. En fait, c'est plus le changement de rythme que le niveau des joueurs qui fait peur. La profondeur d'effectif aussi, car si on a des blessés on sera vite en difficulté. »