« Esteban à l’entraînement, Esteban en match, Esteban à la plage… » Grégory Patat était d’humeur taquine, cette semaine dans les couloirs de Jean-Dauger. Le manager charriait gentiment la récurrence des questions sur son troisième ligne depuis le début de la saison. Ce n’est pas ce samedi qu’elles vont s’arrêter. Le joueur de 22 ans a encore crevé l’écran, signant deux essais et une prestation gigantesque lors de l’implacable victoire bonifiée de l’Aviron face à Clermont (44-17).
Pour ne pas lasser le technicien, on a donc retourné la situation. « Quel a été le meilleur de vos joueurs ? » La réponse n’aurait pas dû être simple : beaucoup ont livré une très jolie copie. La réponse coulait de source, et le Gersois, passé un sourire et un silence de plusieurs secondes, s’est rendu à l’évidence. « Je vais parler d’Esteban. Je suis obligé de parler d’Esteban. Il a été incroyable… »
Un bijou
En plus d’une belle activité défensive, l’international à 7 est impliqué sur trois des six essais bayonnais. Il a donné le ton, inscrivant le premier à la 15e minute, en position d’ailier gauche, à la réception d’une transversale du pied droit de Joris Segonds. Ce n’était pas gagné, il restait 30 mètres à parcourir et Léon Darricarrère à contourner. Le « cad deb » a enchanté Jean-Dauger, mais moins que son bijou de coup de pied par-dessus, à la 47e minute, sur un ballon de turnover.
Il court, il plaque, il marque et il prend aussi des photos.
Bertrand Lapègue / SO
L’Aviron menait sereinement (25-10) grâce aux réalisations d’Arnaud Erbinartegaray et Baptiste Germain en première période. Le numéro 7 a alors enclenché sa grande foulée dans ses 40 mètres, avant de jouer au pied pour lui-même. Exit Marcos Kremer, Étienne Falgoux et Selevasio Tolofua. « Le geste, c’est instinctif, dira-t-il après coup. Je tente. Ça me réussit. J’ai de la chance. » Non. Il servait ensuite l’Argentin Mateo Carreras pour le premier de ses deux essais. Joris Segonds ne s’y trompait pas, se jetant sur le Français. Qui signait à son tour un doublé, une grosse dizaine de minutes plus tard, tout en vitesse, en croquant dans un intervalle comme un mort de faim.
« Il est assez hallucinant. Tout ce qui lui arrive, toutes ces standing ovations, tous ces moments où on parle de lui, c’est amplement mérité »
« Il est assez hallucinant, écarquille des yeux son équipier Baptiste Germain. Quand un joueur est en confiance comme ça… Il a vraiment passé un cap et prend beaucoup plus d’envergure. Este, en plus, c’est un mec génial en dehors du terrain. Tout ce qui lui arrive, toutes ces standing ovations, tous ces moments où on parle de lui, c’est amplement mérité au vu du travail qu’il fournit. » À sa sortie du terrain, peu après l’heure de jeu, une grande partie de Jean-Dauger s’est logiquement dressée.
Sur le même sujet
C’était une des révélations du dernier Top 14, c’est une énorme confirmation de ce début de saison. Le troisième ligne bayonnais Esteban Capilla (22 ans), titulaire ce samedi contre Clermont (14 h 30), éclabousse le jeu de l’Aviron et frappe fort à la porte de l’équipe de France
Un peu plus près des Bleus
On imagine mal Fabien Galthié, laudateur sur le joueur ce samedi dans nos colonnes, ne pas l’appeler pour la Tournée de novembre, mercredi prochain. L’intéressé ne préfère pas y penser. « J’essaie de rester à ma place et de me détacher de ce qu’il se dit parce qu’en troisième ligne, le vivier est énorme en France. » Pas un n’est meilleur que lui dans son profil en ces premiers mois de Top 14. Le Nordiste de naissance est dans la forme de sa vie, même s’il s’en amuse : « Je n’ai pas une vraie carrière, elle vient à peine de commencer ! » Il disputait seulement son 22e match professionnel face à Clermont. C’est dire sa marge de progression.
Le deuxième essai d’Esteban Capilla, à la 58e minute de jeu.
Bertrand Lapègue / SO
« Il a un avenir tracé, appuie le demi de mêlée Baptiste Germain. De belles choses l’attendent. » À l’Aviron Bayonnais jusqu’en 2027. Peut-être plus ? Le club fait le forcing pour rouvrir les négociations, un an après sa dernière signature. « Il va falloir casquer », chambrait le joueur, à peine croisé son président Philippe Tayeb dans les vestiaires. Du Capilla tout craché, à la fois culotté et détaché, tout en étant travailleur et performant. On l’a vu remercier son manager qui venait de lui glisser quelques mots au coup de sifflet final. Grégory Patat n’en livrera pas le contenu. « Je ne peux pas répondre. C’est entre lui et moi. On en parlera plus tard. » Avant de quitter la salle de presse, le Gersois, ému, s’est retourné : « Il est extraordinaire, ce mec. C’est vraiment une belle personne. Et un beau joueur. » Personne ne le contredira.
Les notes
9/10 Capilla
8/10 Erbinartegaray, Carreras, Segonds, Tiberghien
7/10 Germain, Heguy, Maqala, Tuilagi
6/10 Johnson, Setiano, Bordelai, Bruni, Bosch, Fischer, Paulos, Leota