C'est le rêve absolu de tout joueur en fin de parcours : évoluer une dernière fois à domicile dans un stade plein, devant sa famille et ses amis, sans pression, au sortir d'une semaine marquée par les célébrations d'un nouveau sacre en Coupe des champions. Ça n'arrive jamais ? Bah si, c'est ce que s'apprête à connaître Sofiane Guitoune contre La Rochelle, ce dimanche soir (21h05), au Stadium de Toulouse. À 35 ans, le trois-quarts centre international du Stade Toulousain mettra un terme à sa carrière sportive à la fin du mois.
Ce match de gala face aux Maritimes sera donc son dernier dans la Ville rose. « C'est sûr que c'est plus facile d'appréhender un tel rendez-vous après une semaine pareille, souffle-t-il. Je ne dis pas que je suis heureux d'arrêter, parce que c'est difficile de se dire que dans un mois je ne serai plus joueur de rugby, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Les dix-sept ans de carrière professionnelle que j'ai vécus, tous ces titres gagnés avec le grand Stade Toulousain (3 Brennus, 2 Coupe des champions), ces sélections en équipe de France (9), ces deux participations à la Coupe du monde (2015, 2019), le petit Sofiane de Vierzon que j'étais à dix piges n'aurait jamais imaginé pouvoir les vivre, même s'il était le meilleur de son club et de la région Centre. Rendez-vous compte : à l'époque, mon grand frère (Sid), qui était mon éducateur, me disait que j'étais le champion du monde de la région des nuls (rires) ! »
De Vierzon à Toulouse en passant par Brive, Agen, Albi, Perpignan et Bordeaux-Bègles, le petit Sofiane a pourtant gravi les échelons, s'affirmant au fil des saisons comme l'un des centres les plus habiles et créateurs du pays. Jusqu'à cette dernière saison, sa huitième à Toulouse, où il n'a plus beaucoup joué depuis la fin du dernier Tournoi des Six Nations (un seul match contre Toulon), à cause d'une féroce concurrence à son poste.
« Même quand je suis à la maison avec mes gosses et qu'on joue au Monopoly, j'ai envie de gagner »
Sofiane Guitoune, trois-quarts centre de Toulouse
Mais où il s'est parfaitement acquitté de cette mission de guide auprès des plus jeunes trois-quarts de l'effectif que le staff lui avait assignée. « J'aurais aimé jouer un peu plus, parce que quand tu es un compétiteur, tu as envie de croquer, dit-il. Même quand je suis à la maison avec mes gosses et qu'on joue au Monopoly, j'ai envie de gagner. Alors, j'ai parfois été frustré, c'est vrai, mais quand je me pose et que je réfléchis un peu, quand je vois où en est le club aujourd'hui, je me dis que ce n'est pas trop mal. »
« J'aime bosser avec les jeunes parce qu'ils te poussent en permanence et t'aident ainsi à rester compétitif »
Sofiane Guitoune
Guitoune a quand même aimé ce rôle de grand frère dans le vestiaire que d'autres illustres anciens comme Yohann Huget (36 ans) ou Maxime Médard (37 ans) ont tenu avant lui. « J'aime bosser avec les jeunes parce qu'ils te poussent en permanence et t'aident ainsi à rester compétitif, confie-t-il. Ils ont envie de jouer et c'est normal. À leur âge, j'étais pareil. Je voulais jouer de partout, relancer, tenter des choses parfois impossibles. » Lui aussi a eu quelques mentors à l'époque.
Comme l'ex-talonneur Djalil Narjissi et l'ex-ouvreur Jérôme Miquel à Agen (2007-2010). « Ils me servaient d'exemple, raconte-t-il. C'étaient les plus vieux et ils ne voulaient jamais lâcher. Djalil, c'était toujours le premier au physique, et quand un jeune venait à passer devant lui, il lui disait : "OK, ça ne me dérange pas que tu passes devant, mais si tu le fais, je veux que ce soit toute l'année, pas seulement une fois de temps en temps". »
« Mon départ va aussi permettre à un espoir toulousain de grandir encore plus »
Sofiane Guitoune
Guitoune se souvient aussi des Frédéric Manca (ex-arrière) et Martin Gady (ex-pilier) à Albi (2010-2012), ou encore de Florian Fritz (ex-centre), un peu plus tard, à Toulouse. « J'ai encore en tête une phrase de Florian le jour de son départ à la retraite, en 2018. Il avait dit : "Ma fin de carrière va permettre à un jeune du club d'éclore" C'est exactement ça. Mon départ va aussi permettre à un espoir toulousain de grandir encore plus. »
L'avenir ? Guitoune y a évidemment pensé. Passionné de prépa physique, il a validé cette année son BPJEPS (Brevet professionnel de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et du sport) et devrait trouver une place dans l'organigramme du Stade Toulousain dès la saison prochaine. « Comme j'ai passé beaucoup de temps à l'infirmerie durant ma carrière, j'ai croisé beaucoup de kinés et de prépas, explique-t-il. C'est comme ça que j'ai appris à aimer leur métier et que j'ai repris des études dans ce domaine. C'est un truc qui me correspond à 100 % et qui, je l'espère, me permettra de kiffer autant la deuxième partie de ma vie professionnelle que la première. »
Le futur retraité assure ne rien regretter, même pas ces nombreuses blessures qui ont jalonné son parcours, parce qu'elles ont contribué aussi à façonner son mental de champion. « Pour tout ce qu'il a fait dans ce club, on va tous essayer de lui offrir une belle dernière fois à domicile, promet l'arrière Ange Capuozzo. Sofiane mérite de sortir par la grande porte. »