"Ici, c'est le placard où je garde les oeufs. C'est ma tante qui me les amène tous les jours." C'est comme cela que nous accueille Antoine Dupont, dans sa maison du Gers. Une maison simple, comme l'homme qu'il est. Avec un geste précautionneux, il se saisit de 4 oeufs de belle taille, encore tièdes, et les casse dans une poêle chaude. Avec une dextérité que plus personne n'ignore.
"C'est mon cérémonial du matin, je crois que je ne serais jamais revenu sans le petit-déjeuner". Pain frais tout juste livré par le boulanger dans sa fourgonnette, fruits frais du verger, tout cela a une saveur authentique, comme le rugby sait les apprécier. De rares extravagances troublent ce rituel. Bacon à la place des oeufs et chocolatine le dimanche sont les rares entorses que cet athlète hors du commun se permet. Mais une chose ne change pas : une fois le café servi dans son mug à l'effigie de Serge Blanco, Antoine Dupont allume sa grande télévision, s'assied sur son massif canapé en cuit beige et, sans aucune hésitation, zappe sur M6 Boutique. Instantanément, le regard fixé sur la présentatrice, Antoine Dupont atteint une forme de plénitude. Nous n'osons le questionner davantage à ce moment de notre entrevue. Une fois arrivée la coupure publicitaire, comme sorti d'un rêve profond, le joueur phare de l'Equipe de France nous avoue que le télé-shopping l'a sauvé lors des longs moments de solitude de sa réhabilitation.
Air Fryer, ensemble de crèmes de jour, épilateur à sourcils, quand les stars du rugby se jettent à corps perdu dans le télé-achat
"Neuf mois, chaque matin, à me poser la question de mon retour, à sentir des douleurs. Et chaque matin, j'ai commandé, j'ai attendu, j'ai espéré, et j'ai reçu tout ce qu'un honnête homme devrait posséder. Vous n'imaginez pas ce qu'aurait été mon quotidien sans le balai-serpillère à vapeur, la machine à sceller des sacs plastique ou le set pour épilation des sourcils." Discrètement, il se lève, se dirige vers l'escalier qui mène à l'étage, et ouvra un vaste placard. Il nous demande de nous approcher, et nous montre tous ces objets accumulés, autant d'amulettes porte chance qui lui ont permis de rester en vie, de garder espoir, et de rester cet immense joueur et cet homme simple et fort. Le corps, le visage et les yeux d'Antoine Dupont traduisent toute sa faiblesse, à ce moment où il se dévoile. L'émotion est très forte, palpable. Presque gênante tant nous venons de rentrer dans son intimité. Antoine Dupont ferme le placard, et se dirige à pas lents vers la table de la cuisine. Là, il s'installe devant son assiette. La posture et le visage ont retrouvé la plénitude celui que tous ses adversaires craignent.
Une fois l'assiette terminée, Antoine Dupont se lève. Droit, assuré, il nous fait face et nous remercie. "Si je suis prêt, c'est grâce à tout ça. Pas seulement, mais je vous épargne la suite". Il s'éloigne et entre dans les WC. Une façon digne de terminer notre interview.