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Stade Français CASG


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#2311 FanTalon 63

FanTalon 63

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Posté 22 janvier 2020 - 07:22

Incroyable. Merci beaucoup pour le partage. Et bien sûr, immense respect...
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#2312 jm12

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Posté 22 janvier 2020 - 07:31

La folle échappée de Thierry Futeu, pilier gauche du Stade Français Parti à 18 ans du Cameroun avec l'ambition de devenir pro, le pilier gauche du Stade Français a suivi la route des migrants, jalonnée d'espoir et de désillusions, pour rejoindre l'Europe et réaliser son rêve.

Arrivé au stade Jean-Bouin sur une trottinette électrique toute neuve, Thierry Futeu (24 ans) a accepté la semaine dernière de raconter son histoire. En début de saison, le pilier international espagnol avait choisi de ne pas la dévoiler, désireux de faire d'abord ses preuves sur le terrain dans son nouveau club. Depuis, entré en jeu à sept reprises avec le Stade Français toutes compétitions confondues (192 minutes de temps de jeu cumulé, un essai), « Titi », comme il est surnommé, s'est finalement livré pudiquement, pendant plus d'une heure, détaillant d'une voix douce son parcours, ses aspirations, et sa passion du rugby.

 

Quitter le Cameroun : « J'ai dit à mes parents que je partais pour le week-end »

« J'ai grandi au Cameroun, dans le troisième arrondissement de Douala. C'est un quartier chaud, où il y a des bagarres, des problèmes de drogue, de gangs. Gamin, je jouais au foot. Comme tout le monde, je voulais être Samuel Eto'o. Mais, pour entrer dans une école de foot, il fallait payer. Au départ, mes parents trouvaient ça normal. Sauf qu'ils ont constaté que je m'intéressais plus au sport qu'aux études, alors j'ai dû arrêter le foot. En classe de 6e, un ami m'a proposé de rejoindre son équipe gratuitement. Après les cours, un soir, on y est allés. J'arrive, je vois un ballon bizarre... J'ai d'abord pensé que c'était du foot américain. En fait, c'était une équipe de rugby.

C'est comme ça que je m'y suis mis. L'ambiance et l'harmonie m'ont plu. Mais aussi les contacts, ça correspondait à mon caractère. Petit, j'étais turbulent, j'aimais me bagarrer, j'avais toujours des problèmes.

En bref
THIERRY FUTEU
24 ans
1,85 m ; 115 kg.
Pilier gauche.
Club : Stade Français (depuis l'été 2019).
2019 : le 17 mars, il honore sa première sélection sous les couleurs espagnoles face à l'Allemagne (victoire 33-10) dans le cadre du Tournoi des Six Nations B.

Je me suis mis au rugby sans l'accord de mes parents. Mais au Cameroun, on n'a pas la chance d'avoir des terrains comme ici, c'est de la terre, du sable. Je rentrais souvent avec des blessures, c'est comme ça que mes parents ont appris que je jouais au rugby et m'ont interdit d'y retourner. Donc, j'y suis longtemps allé en cachette.

Plus tard, j'ai été convoqué à une présélection des moins de 20 ans du Cameroun. C'est là où ça a attiré l'attention de mon père, qui s'est dit que c'était du sérieux. Mais la Fédération camerounaise a commencé à avoir de gros problèmes, elle a été sanctionnée, privée de compétitions. Entre-temps, il y avait un gars de l'équipe première du club qui était parti jouer au Maroc. Il nous a dit qu'il y gagnait sa vie. Et que si on le rejoignait, il nous aiderait à avoir un club. Il me fallait une excuse pour quitter la maison. J'avais 18 ans. J'ai dit à mes parents que je partais pour le week-end jouer un tournoi dans une autre ville. C'est comme ça qu'avec un ami, on s'est mis en route pour le Maroc. On se disait que ce serait un voyage simple. Mon but était de gagner de l'argent, de subvenir aux besoins de ma famille, d'évoluer et de devenir pro un jour. »

Rejoindre le Maroc : « On est passés par la brousse, pour déjouer les patrouilles

« Je n'avais ni passeport, ni visa, rien. Juste ma carte d'identité. À la frontière, il fallait donner de l'argent à des passeurs pour entrer. On a d'abord traversé le Nigeria. Puis j'étais au Niger quand mes parents se sont aperçus que je n'étais pas allé disputer un simple tournoi au Cameroun. Le week-end était passé, ils ne m'avaient pas vu revenir, ils s'inquiétaient. Ils ont su par mes amis au quartier que j'étais parti jouer au rugby au Maroc.

J'ai fini par avoir mon père au téléphone alors que j'étais coincé au Niger, sans argent et que je ne savais plus comment faire. Il m'a envoyé des sous par Western Union pour que je rentre.

Toute mon enfance, j'ai eu peur de mon père, il me battait beaucoup. Si je rentrais à ce moment-là, je savais ce qui m'attendait, ce dont il était capable. Alors j'ai continué la route pour le Maroc. Je savais que, si j'y arrivais, en envoyant de l'argent à la famille, ils allaient tout oublier. J'ai pu traverser le Niger, puis il fallait passer en Algérie. C'était compliqué, ce n'est pas une frontière normale, il y a un désert. On a fait une partie de la traversée en voiture, l'autre à pied, en évitant de se faire attraper par les gardes. On est passés par la brousse, pour déjouer les patrouilles. Puis on a rejoint le Maroc. »

Forcer le passage à Melilla : « Je me rappelle avoir saisi une pierre pour essayer de faire peur à un policier »

« Quand on a retrouvé notre ami au Maroc, on s'est rendu compte qu'il ne jouait en fait pas au rugby. Il essayait d'entrer en Europe, en Espagne. Je lui ai dit : "Tu es fou, comment tu vas faire ? Il faut prendre l'avion ou le bateau !" Il m'a alors demandé de le suivre. On est allés sur la lagune de Nador, au mont Gourougou, qu'on a grimpé de nuit. Au sommet, il m'a dit : "Tu vois là-bas, la lumière qui brille tellement ? C'est l'Espagne." C'était Melilla (une enclave espagnole au Maroc). J'ai alors cru que c'était facile d'y aller. Mais mon copain m'a lancé : "Si c'est facile, pourquoi il y a un camp de migrants dans la forêt de Gourougou ? À la frontière, il y a la police, des gardiens, trois barrières, tout est contrôlé."

Je suis resté bloqué six mois au Maroc. En tout, j'ai fait trois tentatives pour passer la frontière. C'était tellement dur, ma famille me manquait. À un moment, j'ai lâché, j'ai voulu retourner au Cameroun. Pour survivre, j'étais obligé d'aller dans la rue demander de l'argent. Des membres d'une famille marocaine, chez qui je faisais des petits travaux, m'ont alors aidé, hébergé. J'ai souvent eu de la chance durant mon voyage... Chez eux, un temps, j'ai même oublié mon désir de passer la frontière. Ils voulaient me trouver une équipe de rugby au Maroc. La semaine où on avait rendez-vous avec un club, j'ai appris que des migrants avaient réussi à passer la frontière. La famille marocaine a compris que je devais tenter à nouveau ma chance. Je suis retourné au camp en forêt...

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(L'Equipe)

 

Le camp était très organisé, divisé par communautés. Il y avait le côté des Camerounais, celui des Maliens, des Sénégalais, etc. Lors de mes deux premières tentatives, je n'avais même pas pu atteindre la première barrière. On s'était fait repousser par les gardes marocains. Cette fois-là, les Maliens avaient décidé de tenter leur chance en pleine nuit. En principe, aucune autre communauté ne devait sortir. Mais nous, les Camerounais, on a pensé que les Maliens, qui ont la réputation de ne pas trop calculer, pouvaient attirer l'attention, et que nous pourrions en profiter. Alors on a aussi tenté notre chance.

Mais on s'est fait repérer, peut-être par le mirador espagnol. Un hélicoptère est arrivé, a tenté de voir où on était avec une lampe. Certains d'entre nous ont battu en retraite. D'autres ont pensé que c'était le moment ou jamais. J'ai paniqué, je ne savais pas quoi faire. Et j'y suis allé. C'était une scène de guerre. Il y avait la police marocaine qui nous attendait, leurs voitures nous fonçaient dessus pour diviser notre groupe. Je me rappelle avoir saisi une pierre pour essayer de faire peur à un policier qui s'approchait de moi. J'ai continué à courir, j'ai passé les barrières. Sur les 1 500 personnes qui ont tenté de passer cette nuit-là, 450 sont entrées, dont moi. C'était le 28 mai 2014, une date inoubliable.

De l'autre côté, à Melilla, il a fallu nous rendre dans un camp de réfugiés sans nous faire attraper par la police espagnole. Je suis resté trois mois et demi dans ce camp. Les conditions de vie étaient bonnes, on nous a donné des vêtements, fait passer des examens à l'hôpital. Il y avait aussi une petite équipe de rugby qui s'était montée, du coup j'allais m'entraîner avec eux pour reprendre la forme. »

S'intégrer en Espagne : « Un pays qui m'a presque tout donné »

« Une fois libéré du camp, on m'a envoyé à Madrid, dans une ONG, Movimiento por la Paz, où j'étais nourri, logé, où j'apprenais l'espagnol. J'ai commencé à rechercher sur Internet des clubs de rugby pour me préparer. J'ai trouvé une équipe de XIII, avec laquelle j'ai commencé à m'entraîner. Un jour, j'y suis arrivé plus tôt que d'habitude. À ma grande surprise, à mon arrivée, j'ai vu cinq policiers en tenue. J'ai commencé à paniquer, je n'avais pas encore de papiers, j'ai cru que c'était un point de contrôle. En m'approchant, je me suis rendu compte que c'était mes coéquipiers.

Je ne pouvais pas y croire ! Sans m'en rendre compte, moi, le sans-papiers, je m'entraînais dans une équipe en bonne partie composée de policiers. Dès lors, j'avais peur de venir au club. Ils ne connaissaient pas ma situation. J'ai fini par leur raconter, ils ont halluciné. Finalement, ils m'ont beaucoup soutenu, conseillé, ils sont devenus des amis. Ils m'ont dit : "Si un jour on t'interpelle, tu nous appelles".

 

Au bout d'un an à Madrid, je n'étais plus couvert par l'ONG, j'avais besoin de régulariser ma situation en trouvant un travail. J'ai donc cherché un club de rugby à XV qui pouvait m'aider. J'ai joué avec une équipe d'étrangers vivants là-bas, les Barbarians de Madrid. Puis un coéquipier a parlé de moi à un club de Première Division espagnole, Alcobendas. Je leur ai expliqué ma situation. Ils m'ont répondu qu'ils devaient d'abord me tester. J'ai disputé un match amical contre la meilleure équipe du pays, ça s'est bien passé. Ils m'ont dit : "Bienvenue dans ta nouvelle famille".

Ils m'ont trouvé un logement et donné 300 € par mois. J'ai beaucoup bossé, j'ai commencé à faire de la muscu. Je suis passé de 90 kg à 115 kg (pour 1,85 m). Je jouais flanker ou deuxième-ligne. L'entraîneur m'a dit : "Si tu veux devenir pro, tu dois devenir pilier". Au bout d'un moment, j'ai donc changé de poste. Puis l'entraîneur m'a parlé de la possibilité de jouer pour la sélection espagnole. Mon but était d'évoluer en Europe mais de jouer pour le Cameroun. Mais comme la Fédération chez moi était toujours en conflit avec World Rugby, j'ai répondu que ce serait un honneur de représenter l'Espagne, un pays qui m'a presque tout donné. Deux semaines après, la Fédération espagnole m'a appelé, ils ont vérifié que j'étais bien éligible à jouer pour eux. Et j'ai été convoqué pour le Tournoi des Six Nations B, c'était il y a un an.

À mon retour de sélection, j'ai été sollicité par des agents. Plusieurs clubs français se sont renseignés sur moi, Carcassonne, Vannes, le Stade Français et Montauban. J'ai fait un essai avec le Stade Français, et ils m'ont proposé un contrat... Je n'arrivais pas à y croire. J'allais pouvoir réaliser mon rêve, dans l'un des plus grands clubs français. »

Toucher au but en France : « Maintenant, mon père est fier de moi »

« Pieter De Villiers (alors entraîneur adjoint) a convaincu tout le monde de ma venue. Il y avait eu un débat au club, parce que je ne suis pas JIFF. Je suis arrivé fin juin à Paris. Je me suis vite intégré dans le groupe, c'était plus cool que ce que je pensais dans le vestiaire. Mais le départ du staff (de Heyneke Meyer, remercié mi-novembre) m'a beaucoup affecté. J'avais confiance en Pieter. Quand il est parti, il m'a dit qu'il était désolé de me laisser.

Avec la concurrence qu'il y a dans l'équipe, c'est également compliqué. Il faut que je tienne, que j'arrête de douter. Avec mon explosivité, ma vitesse, en Espagne, je transperçais les défenses. Ici, je sens que je suis dans un autre monde. Franchement, l'Espagne me manque, je n'ai pas pu y retourner depuis l'été dernier. Ici, je ne sors pas beaucoup, je suis soit au club, soit à la maison avec ma copine, une Française rencontrée en Espagne.

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Thierry Futeu sous les couleurs du Stade Français, lors d'un match de Challenge Cup face à Brive le 18 janvier (défaite 33-29). (M. Blondeau/Icon Sport)

Ma blessure, un début de pubalgie, m'a également freiné. Je n'avais encore jamais été blessé. Je ne savais pas comment la gérer, ça me rongeait.

Mais Laurent (Sempéré, actuel co-entraîneur du Stade Français) croit en moi, il m'aide beaucoup. Je suis certainement le joueur avec lequel il passe le plus de temps. On me dit que je vais progresser en ayant plus d'expérience au poste de pilier. Au club, on me dit aussi que mon problème, c'est que je suis trop gentil, je rigole avec tout le monde. Mais c'est ma nature, je ne peux pas changer du jour au lendemain. J'aimerais jouer davantage, apporter plus à l'équipe, que l'on sorte le Stade Français de cette situation (13e sur 14).

J'aimerais aussi me rendre l'été prochain au Cameroun, où je ne suis pas revenu depuis mon départ. J'ai le projet de monter une école de rugby là-bas. Je collecte du matériel pour soutenir des clubs, mais celui dans lequel j'ai débuté n'existe plus. Mon retour va motiver beaucoup de gens.

 

Maintenant, mon père est fier de moi, de ce que j'ai réalisé, de la façon dont j'aide la famille. Il avait peur que je prenne le mauvais chemin, que je rejoigne un gang. C'était un monde qui m'attirait beaucoup quand j'étais jeune. Je ne sais pas si je serais encore vivant si j'étais resté dans mon quartier. Je crois que le rugby m'a beaucoup aidé. Je n'ai jamais renoncé à y jouer, je ne sais rien faire d'autre. C'est ma passion. Quand je joue, je suis heureux. »

 

 

Comment faire un quelconque commentaire….ce récit d'un migrant parmi bien d'autres nous fera peut-être un peu sortir de notre magnifique confort….

 

Quelle leçon de la vie ; d'une vie parmi tant d'autres ...bcp de respect !


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#2313 Parigot_Paris

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Posté 22 janvier 2020 - 14:26

Ma frangine en a "adopté" un, un Malien, qu'elle aide à trouver du travail. Les traversées en bateau sont encore plus dramatiques.

 

Mais revenons au Stade Français : Lorenzetti enculé, n'est-ce pas ?  B)


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#2314 Codorplusàvie

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Posté 22 janvier 2020 - 14:35

Une bien belle histoire effectivement.

Il vient d'être de nouveau convoqué avec l'équipe d'Espagne pour affronter la Russie.

 

Par contre la traversée de la brousse entre l'Algérie et le Maroc a dû être assez désertique... :D


Et oui Parigot, Lorenzetti, endoffé !!


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#2315 Bougnat et Breton

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Posté 22 janvier 2020 - 18:38

Une bien belle histoire effectivement.

Il vient d'être de nouveau convoqué avec l'équipe d'Espagne pour affronter la Russie.

 

Par contre la traversée de la brousse entre l'Algérie et le Maroc a dû être assez désertique... :D


Et oui Parigot, Lorenzetti, endoffé !!

Tu as raison, restons sur les valeurs sures :rolleyes:



#2316 George Abitbol

George Abitbol

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Posté 09 février 2020 - 23:26

La folle échappée de Thierry Futeu, pilier gauche du Stade Français Parti à 18 ans du Cameroun avec l'ambition de devenir pro, le pilier gauche du Stade Français a suivi la route des migrants, jalonnée d'espoir et de désillusions, pour rejoindre l'Europe et réaliser son rêve.

[...]

 

 

Incroyable histoire.

 

Ça remet pas mal de choses en perspective. Merci pour le partage.



#2317 el landeno

el landeno

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Posté 07 avril 2020 - 20:39

La saga des « Béglais », de Musard à Marcoussis (2/3) : la conquête de Paris Quand Bernard Laporte débarque dans la capitale, rencontre Max Guazzini - président du Stade Français -, prend en main l'équipe en entraînant les Rapetous dans l'aventure ... et remporte le titre 1998 de champion de France.

Avant de relooker Jean-Bouin et de remplir le Stade de France, Max et ses phagocytes disputaient leurs rencontres de Troisième Division - le cinquième niveau national - à Sèvres (Hauts-de-Seine). Plus au sud, viré du CA Bègles par les frères Moga, Bernard Laporte avait changé de trottoir pour prendre en mains les destinées du SBUC (Stade Bordelais Université Club), tandis que Sébastien Conchy, futur DG de la FFR, restait fidèle au club de ses débuts. « Après une parenthèse à Lourdes, je me suis retrouvé avec sept ou huit anciens Béglais au SBUC, raconte l'ouvreur Christophe Reigt, manager du 7 français masculin. Il y avait là Serge (Simon), Bernard (Laporte) et Philippe Gimbert. » Entré à Midi Olympique en 1985, le journaliste Philippe Oustric suivait de près cet épisode girondin. « Bernard Laporte, je l'avais connu jeune joueur à Gaillac avec les cheveux bouclés et quand je l'ai retrouvé entraîneur au SBUC, il avait fait de ce club son laboratoire. En six mois, il était parvenu à composer une équipe capable de tutoyer l'élite. Quand il est arrivé, il y avait 100 spectateurs dans les tribunes de Sainte-Germaine. Quand il est parti, il y avait 4 000 personnes... »

Comme à Bègles, la parenthèse se refermera vite. « J'étais en dispo d'EDF et, quand le SBUC est parti en sucette, Philippe Oustric a initié ma rencontre avec Max Guazzini (voir encadré), n'a pas oublié Bernard Laporte. Face à cet homme qui collectionnait les disques d'or aux murs de son bureau, je n'étais qu'un paysan de province, moi... » Étonnamment, entre le prince du show-biz et le coach en survêtement, le courant passe. « C'était un entraîneur entraînant mais la construction du club, elle, s'est faite de façon empirique, il ne faut pas se raconter d'histoires... », concède Max Guazzini. Reste que pour Laporte, le Stade Français est un outil de rêve qu'il va apprendre à manier dès juin 1995. « Le concept qu'il avait pour faire du SBUC un grand club, il l'a dupliqué à Paris », constate Philippe Oustric. « Bernard monté à la capitale, raconte Christophe Reigt, Philippe Gimbert et moi sommes allés à Dax, Vincent (Moscato) à Brive. Quant à Serge (Simon), il a arrêté. »

Pour se consacrer à l'exercice de la médecine. « J'effectuais des remplacements toute l'année, confirme le docteur Simon. J'essayais de trouver ma voie, généraliste de ville, généraliste de campagne, urgentiste... Je n'avais pas fait un footing depuis un an et demi et pourtant j'ai rejoué en fin de saison au SBUC à la demande du président, qui est un ami. Mais dans mon esprit, après ces matches, c'était fini : je raccrochais les crampons ! Je me revois sur ma terrasse ensoleillée, à Bordeaux, avec mon épouse, à laquelle j'ai dit de ne pas s'inquiéter, que je ne replongerais pas... »

« Bernard (Laporte) a amené les Rapetous alors que tout le monde me disait de ne pas les prendre, que j'allais mettre le cochon dans le maïs »

Max Guazzini, ex-président du Stade Français

 
 
 

C'était sans compter sur Bernard Laporte. Simon raconte : « Il m'appelle et me dit : "Serge, tu viens jouer à Paris !" Ce n'est pas : "Est-ce que tu veux ? ", c'est : "Tu viens !" Et il ajoute : "Serge, c'est simple : Vincent (Moscato) a dit oui, Philippe (Gimbert) a dit oui !" Ce que je ne sais pas, c'est qu'il a dit la même chose aux deux autres (sourire) ... On a plongé tous les trois. Plus tard, quand on s'est rendu compte qu'il nous avait menti, on l'a agoni d'insultes. Plus on l'insultait plus il se marrait (rires) ! Il ne savait que mentir, c'était la seule façon de nous faire rejouer ensemble avec lui. » Le plus difficile à convaincre fut le président Guazzini : « Bernard a amené les Rapetous alors que tout le monde me disait de ne pas les prendre, que j'allais mettre le cochon dans le maïs. J'ai réfléchi sur le moment. Mais in fine, je les ai pris, et je les ai même logés. »

La version de Serge Simon est moins nuancée : « Quand Bernard a annoncé à Max qu'il allait nous prendre, Vincent, Philippe et moi, Max n'a pas voulu ! "Ce sont des voyous, ils sont méchants, ils sentent mauvais, je n'en veux pas !" Mais, devant l'insistance de Bernard, il a fini par nous faire signer... » Un autre champion de France 1991, Christophe Reigt, rejoint la sulfureuse première ligne. « Après Dax, j'avais signé au foot à Bègles. Au mois de novembre 1996, Bernard m'appelle. Le Stade Français est monté de Deuxième Division en groupe B. Il me vend bien le truc... Serge, Philippe et Vincent sont déjà à Paris. Je monte et, avec Serge, on effectue des allers-retours entre Bordeaux et Paris en avion chaque semaine avec un abonnement à l'année et un nombre illimité de voyages. »

Au-delà du choix des hommes et du jeu, Bernard Laporte bascule le premier dans le rugby professionnel. À l'image du club qui innove : pom-pom girls, voiturette téléguidée pour le tee, places gratuites pour les femmes et les enfants, animations d'avant-match, parrainage de stars. « Pour la préparation physique du Stade Français, il est allé chercher Daniel Servais, qui s'occupait des footballeurs. Bernard a été l'un des tous premiers à défricher ce domaine. À l'arrivée, ses joueurs couraient plus vite que tout le monde et plus longtemps, précise Fred Barthe, demi de mêlée du CASG et ancien responsable du centre de formation du Stade Français. Ce qu'il a fait chez les seniors, on l'a fait chez les jeunes et quand en 1999, nous avons été champions de France juniors avec (Mathieu) Blin, (Pierre) Rabadan et compagnie, nous étions déjà dans le prochain rugby... »

« Bernard (Laporte) nous reprochait de mettre en place un rugby d'écrivains, de parler de matrices offensives et défensives... Pour lui le rugby, c'était du combat! »

Fred Barthe, ex-responsable du centre de formation du Stade Français

 
 
 

Mais concernant le jeu, Bernard Laporte reste sur ses convictions. « Il ne voulait pas de profs d'EPS, n'a pas oublié Barthe. Il nous reprochait de mettre en place un rugby d'écrivains, de parler de matrices offensives et défensives... Pour lui le rugby, c'était du combat ! Ça m'a interpellé parce qu'il nous a obligé à revenir sur la technique individuelle. Effectivement, c'est bien beau de parler du jeu mais il faut être capable, techniquement, de le pratiquer. »

Ce socle assuré, Laporte - rebaptisé « Bernie le Dingue » par ses joueurs - cimente l'effectif parisien à sa façon. « C'est un pragmatique passionné, capable de motiver les joueurs. Il les aurait fait grimper sur les mains au sommet de la tour Eiffel, s'il avait fallu. Surtout, il savait leur parler de l'âme du rugby, précise Fred Barthe. Avec Max (Guazzini), ils n'ont pas fait un club du Sud-Ouest à Paris mais un club avant-gardiste. Lui était capable de percevoir les qualités des joueurs. Avec des attaquants du talent de Christophe Dominici, il s'est adapté pour proposer un autre rugby que la seule tortue. En y ajoutant des valeurs de solidarité entre joueurs, ça a donné un mélange fantastique. » Cocktail détonnant qui permet au Stade Français de se hisser en Groupe A, puis de se défaire de Bègles-Bordeaux, justement, en quarts de finale avant d'éparpiller Toulouse en demies (39-3) et de marcher sur Perpignan en finale (34-7 en 1998).

« À Bègles, nous avions un jeu stéréotypé, reconnaît Laporte. Nous étions forts devant, nous ne faisions que les mauls. Pour imaginer autre chose, il aurait fallu qu'on recrute. » Fort de cette expérience, il avait donc consolidé très vite l'attaque parisienne avec Dominguez (Milan), Bolo Bolo (Fidji à 7), Mytton (North Harbour), Gomes (PUC) Comba et Dominici (Toulon). « Le Stade Français, c'est une prise de conscience, analyse Serge Simon. Nous avions une occasion incroyable de donner du sens à ce qui avait paru ne pas en avoir, c'est-à-dire l'aventure de 1991. Se montrer qu'on ne s'était pas menti. Montrer aussi un autre visage, la force de notre lien et l'importance de cette force dans l'aventure humaine qu'est le rugby. » Ce que confirme Christophe Reigt : « Il y a une forme de rachat. À Bègles, on nous avait reproché de ne pas avoir su maintenir un groupe qui aurait dû ramener plusieurs titres d'affilée. L'explosion de l'équipe, on l'a mise sur le dos de ceux qui sont partis ou qui ont été virés à cause de leurs sales caractères. Et voilà qu'on était de nouveau ensemble. Alors, dans un autre contexte, on a montré ce qu'on était capables de faire... »

Reste que pour Bernard Laporte, l'aspect « revanche » n'est pas central « parce que j'étais de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire entraîneur. Mais une chose est certaine : le ciment de ce groupe d'anciens Béglais, c'était notre complicité, la confiance que nous avions les uns dans les autres ». Devenu parisien, l'entraîneur du Stade Français se rendait régulièrement au Stado, restaurant de terroir situé près du Conseil d'État. Il y côtoyait, entre autres, l'animateur de télé et comique Patrick Sébastien, « qui voulait que j'aille entraîner Brive, alors européen, sourit Laporte. Mais il n'était pas question que je quitte Paris. » Seul le Tarbais Bernard Lapasset, alors président de la FFR, parviendra à l'éloigner de Jean-Bouin en lui proposant, entre la poire et le fromage, d'entraîner le quinze de France. C'était en 1999 et le Stade Français venait d'être sorti dès les quarts de finale du Championnat de France.

Quand Bernie séduit Max au « Fouquet's »
Début 1995, l'aventure du SBUC touche à sa fin et Bernard Laporte se met en quête d'un club, si possible situé dans la région Sud-Ouest. Agen est sur les rangs. Son ami Philippe Oustric, journaliste à Midi Olympique, apprenant que Max Guazzini, cofondateur de NRJ et président du Stade Français, cherche un nouveau coach, lui propose de rencontrer Bernard Laporte. La réponse est négative. « Je n'en voulais pas, avoue Guazzini, alors en contact avec Alain Gaillard. J'avais une petite appréhension le concernant. »De son côté, Bernard Laporte n'envisageait pas de s'exiler dans la capitale. Oustric insiste « pour que celui qui ne voulait pas monter à Paris et celui qui ne voulait pas qu'il monte se voient. » La rencontre se déroule au Fouquet's, sur les Champs-Élysées. « À 16 heures, Bernard se pointe avec le blouson bleu marine EDF, rit Oustric. Quand j'ai vu ça, je lui ai prêté ma veste... » Max Guazzini est conquis : « Dès qu'on s'est vus, ça a fait tilt. Ç'a été une question de confiance mutuelle et réciproque. Comme moi, c'était un gagneur, quelqu'un qui voulait se dépasser. » La discussion durera jusqu'à une heure avancée de la nuit. « Bernard, qui devait faire l'aller-retour dans la journée, est resté trois jours, sourit Philippe Oustric. Il s'est très vite lancé dans sa stratégie d'équipe en évoquant le recrutement à venir. Pendant ce temps-là, Max le regardait de pied en cap en lui expliquant qu'il devait changer de veste, allonger la coupe de son pantalon et changer de chaussures... » R. E.


#2318 Parigot_Paris

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Posté 06 juin 2020 - 05:59

Gonzalo, Gonzalo, Gonzalo ! :music01:
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Posté 06 juin 2020 - 08:17

Gonzalo, Gonzalo, Gonzalo ! :music01:

Je te comprends là ! Vraiment vous avez dû mettre le paquet mais excellent retour qui fera 'en doutons pas bcp de bien !



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Posté 06 juin 2020 - 09:41

C'est pas Lombard qui avait dit: "Quesada ? Jamais !"



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Posté 06 juin 2020 - 09:53

Voilà , on sait déjà que le SF ne sera pas 14 eme l'an prochain , s'il visent un recrutement avec des joueurs pas totalement autocentrés rugby donc intelligents on va peut être avoir un retour au premier plan pour faire chier Jacky  .



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Posté 06 juin 2020 - 10:19

C'est pas Lombard qui avait dit: "Quesada ? Jamais !"

Nan il avait dit que Gonza était attaché aux Jaguares. Mais comme y a plus de Jaguars !
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Posté 06 juin 2020 - 10:21

Nan il avait dit que Gonza était attaché aux Jaguares. Mais comme y a plus de Jaguars !

Mouais  ^_^

On va dire ça comme ça.

 

Par contre, retour de l'enfant de mon club chéri du RRC Nice, Christophe Moni.



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Posté 06 juin 2020 - 11:54

Mouais  ^_^

On va dire ça comme ça.

 

Par contre, retour de l'enfant de mon club chéri du RRC Nice, Christophe Moni.

Bon retour également ! :w00t:


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Posté 06 juin 2020 - 14:10

C'est pas Lombard qui avait dit: "Quesada ? Jamais !"

 

Il parlait de Christian des 12 coups de midi






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