Joris Segonds (28 ans, 2 sélections) était titulaire lors de la victoire de l’Aviron Bayonnais à Perpignan samedi dernier (19-26). Un premier succès en terre catalane depuis 55 ans pour le club basque auquel l’ouvreur, désormais international depuis la tournée de juillet en Nouvelle-Zélande, a largement contribué par la précision de son pied. Quelques jours auparavant, en marge de la conférence de presse de rentrée du Top 14 à Paris, il s’était confié à « Sud Ouest ».
On dit souvent qu’un joueur n’est plus le même lorsqu’il a joué contre les All Blacks en Nouvelle-Zélande. En quoi pensez-vous être différent aujourd’hui ?
Franchement, hormis le décalage horaire, je ne pense pas avoir changé beaucoup de choses (sourire). C’était un rêve d’enfant. Mais ce n’est pas parce que j’ai fait deux matchs avec l’équipe de France que j’ai changé. C’est une chance énorme de jouer face aux All Blacks. Quand j’étais gamin, on les supportait rien que par rapport au haka. En plus, j’ai eu la chance de jouer contre Barrett (Beauden) à deux reprises : en tant que joueur, je le bade. Mais j’étais très heureux de retrouver mon petit cocon à Bayonne et de reprendre cette nouvelle saison.
« Je me suis posé beaucoup de questions à l’idée de repartir pour quatre semaines à l’autre bout du monde »
Vous attentiez tout de même ces premières titularisations après les tournées en Australie (2021) et en Argentine (2024) lors desquelles vous n’aviez pas disputé le moindre match…
Avoir fait trois semaines en Australie sans jouer avait forcément été frustrant. Mais d’un autre côté, ça m’avait donné envie d’y retourner. Après la tournée en Argentine, où je n’ai pas joué une nouvelle fois, j’ai commencé à me dire « stop, j’aimerais bien profiter des vacances l’été » (sourire). Mine de rien, le championnat est très long. Du coup, quand j’ai eu le coup de fil pour aller en Nouvelle-Zélande, même si j’étais content, je ne savais pas trop… Je me suis posé beaucoup de questions à l’idée de repartir pour quatre semaines à l’autre bout du monde. J’en ai parlé beaucoup avec ma compagne et ma famille. Ça s’est joué à rien de dire que je n’étais pas prêt à y aller. Mais au final, je ne regrette pas du tout.
Joris Segonds a vécu ses deux premières sélections lors de la tournée en Nouvelle-Zélande en juillet.
AFP
Ces deux matchs ont-ils réveillé une ambition en vous ?
Je sais qu’il y a du monde devant. J’ai eu la chance de partir parce que Romain (Ntamack), Matthieu (Jalibert) et Thomas (Ramos) n’étaient pas là. Je suis conscient de leur niveau. J’essaie d’apprendre de ces joueurs, mais je ne changerai pas ma manière de jouer. Je n’aurai jamais la pointe de vitesse de Matthieu. Je ne me prends pas spécialement la tête avec l’équipe de France.
« Lors de certains matchs, Camille a poussé le staff pour que je commence plutôt que lui »
Joris Segonds dans les bras de Camille Lopez.
AFP
Cette tournée récompense une saison, votre première à Bayonne, durant laquelle vous vous êtes finalement imposé à l’ouverture en dépit de la présence de Camille Lopez. Est-elle réussie au-delà de vos espérances ?
Quand j’ai signé à Bayonne, je savais très bien qu’il y avait Camille (Lopez). Mais c’était un choix de partir dans un club où il y avait une pointure. C’était le roi à Bayonne. J’ai eu de la chance d’être avec lui, il m’a pris sous son aile dès que je suis arrivé. Il m’a énormément aidé. Lors de certains matchs, il a poussé le staff pour que je commence plutôt que lui. En signant à Bayonne, c’est sûr que je ne m’attendais pas à disputer les phases finales dès ma première saison. Je me disais que ça serait déjà énorme si on arrivait à accrocher le top 6. C’est beau ce qu’on a fait. On a qu’une seule envie, y retourner. Mais à attention à la redescente…
Que vous apporte Camille Lopez en tant qu’entraîneur ?
Camille a toujours eu l’âme d’un leader. Quand on faisait les réunions pour définir le jeu, le lundi, il avait déjà un peu basculé dans le rôle du coach : il donnait beaucoup de consignes. Ça s’est fait tellement naturellement que le groupe n’a pas l’impression d’avoir un entraîneur de plus. A titre personnel, il me donnait des conseils comme s’il était déjà coach.
Camille Lopez et Joris Segonds.
Bruno Béreau
Au départ de Camille Lopez s’est ajouté celui de Guillaume Rouet pour votre charnière : dans quelle mesure cela obligera-t-il à se réinventer ?
Au-delà du fait que c’étaient de bons joueurs, c’étaient des « Français » : jouer à la charnière, ça impose de parler énormément. Le club a recruté le Sud-Africain Herschel Jantjies et le Gallois Gareth Anscombe. Même si on parle le même langage sur le terrain, la barrière de la langue peut être compliquée. Au début, ça peut être compliqué pour l’organisation. Ce sera aussi à Max (Machenaud), Baptiste (Germain) et moi de les aider. Guillaume était un enfant du club, il connaissait tout de l’Aviron. Mais Herschel et Gareth sont des internationaux, ils vont nous amener leur vécu.
« Rien n’a changé depuis que j’ai repris : notre directeur, c’est Greg »
Quand vous évoquez la saison à venir, vous dites : « attention à la redescente ». Est-ce quelque chose que vous répète le staff en boucle ?
Le staff est revenu sur la saison passée : elle a été magnifique. Il nous a d’ailleurs demandé de nous appuyer sur ce qui était bien la saison dernière. Mais les compteurs sont remis à zéro, tout le monde repart sur la ligne de départ. Cette saison sera encore plus dure que la précédente. L’an dernier, on est la seule équipe à ne pas avoir perdu à domicile. Je pense que ce sera un objectif pour les autres clubs de nous faire tomber à Jean-Dauger. On n’est plus l’outsider ou la surprise, nos adversaires vont vouloir faire tomber un demi-finaliste.
Le groupe peut-il être affecté par la cohabitation délicate entre Laurent Travers (directeur sportif) et Grégory Patat (manager) ?
On a une vie en dehors du stade, on voit évidemment passer plein d’articles. Mais ça ne nous regarde pas forcément. J’ai raté les réunions de début de saison (NDLR, en raison de sa participation à la tournée), mais rien n’a changé depuis que j’ai repris hormis le fait que Camille soit dans le staff. Notre directeur, c’est Greg.