Le drôle de statut de la cocaïne dans la lutte contre le dopage Déclarée « substance d'abus » depuis 2021 par l'Agence mondiale antidopage, la cocaïne, à laquelle le 3e ligne rochelais Oscar Jegou a été contrôlé positif, est seulement interdite en compétition mais n'est pas sanctionnable le reste du temps. [...]
Pour cela, le sportif doit prouver qu'il n'a pas ingéré la cocaïne en vue d'améliorer ses performances. « La substance reste au maximum trois jours dans les urines chez un sportif de haut niveau, indique Jean-Claude Alvarez, directeur du laboratoire de toxicologie du CHU de Garches (Hauts-de-Seine). Ensuite, on peut faire une analyse des cheveux pour savoir si c'est un cocaïnomane, car l'analyse urinaire permet juste de donner un regard à l'instant "T", mais pas de savoir si la prise est régulière. » C'est donc la concentration retrouvée qui sera le juge de paix. [...]
Super psychostimulant, la cocaïne permet de repousser ses limites, avec une phase d'euphorie et d'anesthésie de la douleur, qui n'est évidemment pas anodine sur des terrains de sport. Les chiffres de l'AFLD montrent d'ailleurs une augmentation du phénomène dans le rugby (XIII et XV) avec un contrôle positif en 2017 contre trois en 2019 et cinq en 2021.
Quelques éclairages sur l'analyse capillaire, où l'on retrouve "l'affaire Gasquet" : (la mise en gras n'est pas de moi).
[Extraits] Par le Pr Pascal Kintz, expert en toxicologie mondialement reconnu, notamment grâce à sa pratique des analyses des cheveux. ll est expert judiciaire auprès de la Cour d’Appel de Colmar et expert agréé par l’Agence française de lutte anti-dopage pour les analyses de contrôle.
La première fois que j’ai utilisé cette technique à la demande d’un sportif, c’était en 1997. Le judoka Djamel Bouras, champion olympique, a été contrôlé positif à la nandrolone, un stéroïde anabolisant. Il y a eu une controverse scientifique sur le fait qu’il puisse en produire naturellement. Pour ma part, je n’ai pas retrouvé de nandrolone dans ses cheveux. La sanction initiale – deux ans de suspension – a été réduite à quinze mois. Mais c’est depuis l’affaire Gasquet, en 2009, que la technique de l’analyse capillaire est vraiment reconnue par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). [...]
Quand cet examen est-il pertinent ?
L’analyse capillaire est précieuse quand l’analyse d’urines ne montre quasiment rien – soit parce que la quantité de substance dans l’organisme est faible, soit parce que sa consommation est ancienne – mais surtout quand la concentration mesurée est ininterprétable. Dans ces cas limites, l’analyse des cheveux peut trancher. Chaque centimètre de cheveux représente ce qui a circulé dans le corps pendant le mois correspondant : si on y retrouve clairement la substance, cela signe une consommation chronique et ancienne, donc renforce l’hypothèse d’un dopage. S’il n’y a rien dans les cheveux, c’est la piste de la contamination accidentelle qui est étayée.
Comment un athlète peut-il avoir involontairement une substance dopante dans son organisme ? Deux scénarios sont possibles. D’abord, il a pu ingérer le produit à son insu. Des substances dopantes ont déjà été retrouvées dans de la viande ou du dentifrice. Idem avec certains diurétiques qui sont prohibés par les instances antidopages car ils «masquent» la prise de produits dopants. On peut retrouver des traces de ces diurétiques dans des médicaments qui eux sont autorisés. Deuxième scénario : l’athlète s’est involontairement imprégné d’un produit interdit, soit au contact d’une personne qui en consommait régulièrement – on parle alors de contamination «croisée» – soit parce qu’il a été exposé à une contamination «environnementale». [...]
Qu’est-ce que la « sex defense » ?
Typiquement, la contamination croisée se produit lors d'échanges intimes. Les juristes anglo-saxons ont donc baptisé cette ligne de défense «the kissing defense» ou «sex defense». L’affaire Gasquet est à ce titre emblématique.
En 2009, le tennisman français a été contrôlé positif à la benzoylecgonine, le principal métabolite de la cocaïne. Il a nié toute ingestion intentionnelle. Par contre, il avait embrassé à plusieurs reprises une consommatrice de cocaïne quelques heures avant le contrôle.
Nous avons analysé huit segments de ses cheveux, chacun mesurant 0,5 cm, depuis la racine jusqu’à la pointe. Nous n'avons pas retrouvé de cocaïne, quel que soit le segment étudié, ce qui signifiait que l’intéressé n'était pas un consommateur habituel. Ce résultat négatif n’invalidait pas celui de l’analyse urinaire, mais indiquait simplement une exposition à la cocaïne très faible.
Dans deux études précédentes, j’avais montré que l’on peut détecter une dose de 15mg de cocaïne dans les cheveux, mais pas une dose de 4mg. L'athlète avait donc consommé ou été en contact avec une dose très faible, inférieure à 15mg, sans effet sur les performances. Par ailleurs, d’après l’analyse d’urines, la consommation de cocaïne remontait à environ douze heures avant le contrôle, et correspondait plutôt à une dose de 2-3mg. Cette quantité est très faible puisqu’une «ligne» classique est de l’ordre de 50 à 100mg de cocaïne. L'hypothèse d’une contamination accidentelle a été retenue par les juges et Gasquet a reçu une sanction minimale. [...]
Publié le 07/04/2021 - Source de l'article entier ici : https://www.esanum.fr/today/posts/dopage-les-cheveux-des-athletes-volent-a-leur-secours-interview-du-pr-kintz
Et un petit rappel (sans piqûre !) pour nos amis cyclistes :
Les idées reçues du dopage : les cheveux décolorés servent à cacher la prise de produits dopants
Publié le 11/03/09 à 00h00 — Mis à jour le 12/03/09 à 17h26
DECRYPTAGE - Entre mâchoires qui se déforment et clitoris géants, l'hématologue Gérard Dine, éminent spécialiste du dopage, revient chaque jour sur les petites et grandes légendes urbaines de la triche médicamenteuse. Aujourd'hui, les coupes de cheveux des cyclistes...
Tout le monde se souvient de la conférence de presse des Festina lors du Tour 1998. Alors que le scandale du dopage à l'EPO ébranle la Grande Boucle, un Richard Virenque en pleurs donne rendez-vous «A l’année prochaine» à tous ses fans . La moitié de l’équipe au cœur de l'affaire, de Richard Virenque à Pascal Hervé en passant par Christophe Moreau, affiche à cette époque une crinière d’un blond peroxydé du meilleur effet.
Le peloton a ainsi toujours arboré des extravagances capillaires. Dans la décennie qui a suivi, il y eut la mode des crânes rasés (Marco Pantani, la boule à zéro, pousse le vice jusqu’à se décolorer le bouc). Alors que cela ne pourrait être qu’un effet de mode (après tout, Florent Pagny a lui aussi tout essayé), la rumeur a toujours existé que ces coupes de cheveux servaient à embêter les contrôles antidopages et à camoufler la prise de produits dopants…
Alors docteur? «Beaucoup de produits chimiques exogènes (non secrétés par le corps) comme les stéroïdes, les stimulants, les drogues se déposent dans les cheveux. On peut non seulement retrouver toutes ces substances dans un cheveu mais on peut aussi établir une antériorité, c’est-à-dire l’ordre chronologique de la prise de produits (un peu à la manière d’un tronc d’arbre dont on connaît l’âge en le coupant, le cheveu pousse et marque la prise de produits, ndlr).»
«Une des réponses des sportifs, aux contrôles très efficaces sur les cheveux, a pu être les colorants ou se raser le crâne. C’est vrai qu’un colorant perturbe l’analyse mais ne l’empêche pas (cela prend juste un peu plus de temps). Pour les crânes rasés, les contrôleurs peuvent aller chercher un poil, c’est exactement comme un cheveu. Si les sportifs font ça pour empêcher la détection, c’est une bataille vaine au milieu d’une guerre plus globale contre le dopage.»
Et maintenant? Deux des grands dopés du Tour 2008, Ricardo Ricco et Stefan Schumacher, avaient les cheveux colorés pour l’un et la boule à zéro pour l’autre. Ce n’est sûrement qu’un effet de mode ou qu’une conséquence de l’amour des cyclistes pour les peaux bien lisses car les dopages sanguins high-tech à l’EPO ou à l’hormone de croissance ne sont pas détectables dans les cheveux puisque ce sont des produits endogènes (naturellement produits par le corps) et que ces deux cyclistes ont été convaincus de dopage à la CERA, une EPO de 3e génération. A moins que la rumeur sur les coupes de cheveux ne coure toujours dans le peloton...
Publié le - Source de l'article ici : https://www.20minute...roduits-dopants