International à 42 reprises entre 1985 et 1991, vice-champion du monde en 1987, Éric Champ, légendaire guerrier de la Rade à Toulon (double champion de France en 1987 et 1992), est une voix qui porte dans le rugby français. En 2016, au moment des élections à la présidence de la Fédération, le Varois s'était engagé aux côtés de Lucien Simon. À l'époque, l'évolution de son sport le préoccupait déjà. Cela l'est tout autant, aujourd'hui. Sinon davantage.
Le licenciement de Guy Novès, les troublantes pratiques du président Bernard Laporte,... : Éric Champ, consultant à La Provence depuis 2013, livre son avis. Cash.
Que vous inspire la situation actuelle à la tête du rugby français et de l'équipe nationale ?
Eric Champ : Tout ce qui s'est passé et tout ce qui se passe encore me fait davantage regretter que l'on n'ait pas poursuivi, avec Lucien Simon, le projet qui consistait à mener une candidature, lors des dernières élections à la présidence de la FFR. Car ce qui arrive, aujourd'hui, on l'avait senti venir.
D'un côté, il y a les résultats sportifs du XV de France qui sont catastrophiques. De l'autre, il y a ces gens qui sont arrivés pour diriger le rugby français en voulant tout révolutionner et en adoptant des attitudes provocatrices. Ils ont multiplié les promesses. L'une d'elles, et ce n'est pas la moindre, s'est concrétisée avec l'obtention de l'organisation de la coupe du monde 2023, mais si c'est pour y jouer les seconds rôles le moment venu, il aurait mieux valu la laisser à l'Afrique du Sud.
Qu'est-ce qui vous heurte encore ?
Eric Champ : À côté de ça, ils ont pris des décisions par rapport à une faillite sportive dans laquelle, et il est bon de le rappeler, le président Laporte est impliqué, car il a oeuvré dans le championnat français (à la tête du RC Toulon entre 2011 et 2016) avec succès, mais à grands renforts de joueurs non-sélectionnables, et il a donc contribué, à sa manière, à dégrader le niveau du rugby français. Concernant le choix de se séparer de l'entraîneur en place (Guy Novès), la perplexité est de mise. Si l'entraîneur en question était mauvais, on le saurait depuis au moins vingt ans, car celui-ci a été auréolé d'un certain nombre de titres (avec le Stade Toulousain). Mais ils ont pris la décision de le 'sortir' (sic) et je dis 'pourquoi pas ?' Ce qui a été choquant, en revanche, ce fut la suite.
C'est-à-dire ?
Eric Champ : La façon dont ça s'est opéré est innommable. Sur un coup comme ça, ils ont brisé les codes du rugby, notre loyauté, la notion de respect et d'amitié. Il aurait fallu agir différemment. C'est comme dans une entreprise, on convoque les personnes concernées sans faire la Une des journaux. On est dans un monde professionnel ; on paye ce qu'on doit, on se serre la main et on passe à autre chose. Là, rien de tout ça n'a été fait.
En étant aux affaires, j'aurais pu prendre la même décision à propos du sélectionneur, mais par rapport à ce que représente Guy Novès - l'homme et sa carrière -, j'aurais fait les choses en conformité avec son contrat, car il vaut mieux un bon accord qu'un mauvais procès. On aurait essayé d'en sortir correctement, et ce, vis-à-vis de Guy Novès, car cette période n'est pas facile pour lui. Or, là, on l'a sorti comme un malpropre.
Cela vous scandalise-t-il ?
Eric Champ : Complètement. Et en plus, à côté de ça, on donne quelle image ? L'équipe de France ne gagne plus, on sort Novès de manière minable et parallèlement, la Fédération, qui dirige un monde amateur, signe un contrat avec BMW et tous les gros bonnets de la Fédé roulent en grosse bagnole, quand les éducateurs d'Avignon ou d'ailleurs, eux, vont chercher trois minots, sur leurs propres 'talbins', pour les faire jouer le mercredi après-midi à Villeneuve ou aux Angles, par exemple. Dans le regard du rugby amateur, l'image que notre sport renvoie est 'formidable'... C'est ce mélange des genres qui est révoltant.
Vous reprochez à Bernard Laporte de ne pas être en phase avec son discours de campagne, lequel s'articulait autour du credo suivant : 'Laver plus blanc que blanc'...
Eric Champ : Je suis surtout surpris par le niveau d'amateurisme qu'on est en train de découvrir. Comment un président de Fédé peut aller signer un contrat de 150 000€ à titre personnel avec un propriétaire (Mohed Altrad) d'un club (Montpellier) de Top 14 pour quatre conférences (*) et à qui, de surcroît, on vend le maillot du XV de France ? Comment peut-on accepter ça ? Comment voulez-vous, ensuite, allez parler à des éducateurs bénévoles, sur les terrains, le mercredi ? Je n'en reviens pas !
(*) Une enquête judiciaire est en cours ainsi qu'au sujet d'une présumée ingérence auprès de la commission d'appel de la Fédération en faveur, encore, du club de Montpellier.