Son adaptation à Clermont
« Il faut trouver sa place, prendre ses repères, voir le fonctionnement du vestiaire, du staff, s'approprier l'outil de travail, qui est exceptionnel, trouver le rythme, des entraînements, des matches. C'est une intégration qui s'est faite petit à petit, elle n'est pas facile. Je suis arrivé sur la pointe des pieds ! Je dois prouver ce que je suis capable d'amener au club, aux joueurs : est-ce que je suis capable de les faire progresser ? Quand tu arrives dans l'excellence, tu es obligé d'être excellent. À force de travail, j'ai trouvé ma place.
6/7 Clermont est en quarts de finale de la Coupe d'Europe pour la sixième fois en sept ans. Seule absence lors de la saison 2015-2016 quand les Jaunards avaient terminé derniers de leur poule, avec tout de même 15 points.
J'ai compris que l'ADN de Clermont n'est pas que basé sur le jeu d'avants ! Ça a pu lui jouer des tours sur certains matches, certaines finales. Ce que Franck m'a demandé, c'est d'avoir le secteur de la conquête au vert. On n'est pas que sur de l'évitement ou sur un jeu de vitesse. On est capables d'affronter. C'est ce que font très bien les Blacks ou l'Irlande ! Voilà le travail qui m'a été demandé, apporter une arme supplémentaire et tirer la quintessence de notre paquet d'avants. Tu apprends, il y a des choses que tu mets en place qui fonctionnent et c'est plaisant. Maintenant, on est capables d'être performants sur les phases statiques, avec des avants conquérants qui ne font pas que neutraliser le paquet adverse, mais qui sont capables de le dominer.
La mauvaise passe de l'ASM
Quand un club a tout connu et vient d'être champion de France, il y a un petit soulagement qui est mécanique, humain, c'est pour ça qu'on a eu un début de saison difficile. Quand d'un coup ça ne fonctionne pas, c'est normal que les regards se portent vers celui qui vient d'arriver. Je l'ai senti sur les regards extérieurs, et dans un club où il y a une grosse passion, il faut l'accepter. Mais j'ai l'expérience pour m'apercevoir vite des choses et ce qui m'intéressait, c'était ce qui se passait dans le vestiaire, avec les joueurs, le staff. Et ce regard qui vient de l'intérieur pétille toujours ! À aucun moment, je n'ai eu l'impression qu'on disait, côté sportif : "C'est la faute à Bernard Goutta."
Même si moi, je me suis remis en question ! Est-ce que j'ai trouvé ma place, est-ce que je fais les choses correctement ? Tout ça pour trouver des solutions. Moi, ce qui me fait bander au rugby, c'est le collectif. Je prône ça, rien ne doit être plus fort que l'équipe, tu as trop besoin de ton partenaire au rugby pour pouvoir t'exprimer. Par moments, on l'oublie, le joueur devient la priorité, parce qu'il est puissant, perforateur, parce que c'est un facteur X, et on délaisse le collectif. L'ASM, c'est avant tout un collectif, une grosse cohésion. Je ne sais pas quel club aurait pu tenir le choc avec tous les blessés qu'on a eus !
Le caractère est là, des joueurs se révèlent leaders. On n'a parlé que d'une chose, construire les victoires collectivement. Je reste persuadé que la période difficile qu'on a vécue, elle va nous servir à l'avenir.
Sa réputation de lève-tôt
(Sourire.) Oui, c'est vrai, j'ai fait sonner l'alarme du centre d'entraînement un matin...Le personnel d'entretien arrive à 5 heures, et si tu arrives avant, un vigile intervient vite pour voir. J'étais arrivé à 4 h 30. Je me couche tôt aussi, 22 heures maximum... Maintenant, ils savent ! Bon, ça ne fait pas de moi un bon entraîneur ! Mais je suis un passionné... Ça me plaît d'avoir le temps de préparer.
Son premier passage en Auvergne
C'était en 1989, quand j'avais dix-sept ans. Je me suis engagé pendant deux ans à l'école militaire d'Issoire. Je voulais suivre les traces de mon père, qui était harki, a fait la guerre d'Indochine, puis d'Algérie, s'est retrouvé à combattre son pays... Ce qui me plaisait, c'était la discipline, la rigueur, la cohésion de groupe, que j'ai retrouvée dans le rugby ou que j'ai mise en place dans les équipes où j'ai joué, quand j'étais capitaine à l'USAP.
La première année, je me suis concentré sur ma scolarité, qui était exigeante, et j'ai rencontré un lieutenant-colonel qui s'occupait des juniors d'Issoire. Il m'a demandé si je voulais les rejoindre, parce que je jouais déjà au club militaire tous les mercredis. Avec l'USI, je me suis régalé et on a fait une finale de Championnat de France, perdue 21-19 dans le money-time, contre Bazas ! Puis il y a eu le décès de mon père et ma mère m'a demandé de revenir près d'elle. Et j'ai ensuite eu ma carrière à l'USAP. Comme quoi, il faut écouter les mamans ! »