Léo Barré est l'une des révélations de la saison. Des performances remarquées qui ont permis à l'arrière parisien, 21 ans, de connaître ses deux premières sélections en équipe de France lors du Tournoi. À l'inverse, Melvyn Jaminet (24 ans), après une Coupe du monde dans la peau d'un remplaçant et un changement de club tardif vers Toulon après l'échec de son passage au Stade Toulousain, a traversé une saison difficile. Mais le Toulonnais revient fort. Yoann Huget, ex-arrière ou ailier international (62 sélections) et Jonathan Wisniewski, ex-ouvreur, consultant pour Canal , décryptent le duel.
« De par sa formation de numéro 10, Léo Barré a ce côté animateur et créateur, pose Wisniewski. Il vient souvent se proposer comme un deuxième ouvreur. Il a plus de mains et amène donc ce liant, cette continuité, cette créativité. Il produit comme une seconde vague, une seconde profondeur, un second choix avec cette faculté de lâcher le ballon dans le bon timing, de pousser la passe sur les extérieurs et de débloquer des situations. »
« Léo fait des choses incroyables, mais surtout prend des initiatives payantes, confirme Huget. J'ai en tête son essai contre Toulouse (27-12, le 3 décembre) ou des actions qui permettent à son équipe de marquer (12 ''clean break'' et 47 défenseurs battus cette saison). Il a une lecture de jeu très intéressante. Il ne surjoue pas. Quand il relance, c'est qu'il a vu quelque chose. Enfin, il fait jouer derrière lui. On ressent une évolution dans son jeu depuis le début de saison. Il se propose un peu partout. Barré est finalement à l'image de la saison du Stade Français. Il a surfé sur cette confiance. »
« Il faut souligner qu'après deux saisons compliquées, Jaminet a su se relever et semble retrouver son meilleur niveau »
Yoann Huget
« Melvyn Jaminet a besoin de confiance, enchaîne Wisniewski. Il a eu des éclairs de génie à Perpignan (2019-2022), mais depuis son passage à Toulouse (2022-2023), avant de rebondir à Toulon, il a plus de mal. En cette fin de saison, il retrouve ses mains. Il a un côté finisseur avec une bonne accélération, un peu comme un ailier puncheur. »
« Melvyn a aussi cette capacité de relance, celle de gagner le maximum de mètres (941 mètres en 13 matches soit 72 de moyenne pour Jaminet contre 1 262 en 22 matches soit 57 de moyenne pour Barré cette saison), à la manière de Brice Dulin, insiste Huget. Mais il faut souligner qu'après deux saisons compliquées, Jaminet a su se relever et semble retrouver son meilleur niveau. »
Avec deux joueurs du calibre de Barré et Jaminet, dont le jeu au pied est une des principales qualités, les deux arrières seront sans aucun doute très sollicités sur les ballons hauts. D'autant que du côté du Stade Français, il y aura deux autres artilleurs de chandelles en la personne du demi de mêlée Rory Kockott et de l'ouvreur Joris Segonds. Idem du côté du RCT avec Baptiste Serin. « Les deux sont à l'aise sur les ballons hauts et maîtrisent ce secteur de jeu, assure Wisniewski. Ils ont de la maîtrise sur les timings et sont très rassurants pour leur équipe. »
« Les deux joueurs sont performants dans ce domaine, confirme Huget. Mais Jaminet a sans doute plus d'expérience et offre donc plus de garanties de par son parcours en équipe de France. » Sur la couverture du terrain, « elle est propre à chaque équipe et au style de défense mis en place, poursuit l'ex-ailier. À Toulon, j'ai la sensation que Melvyn est plus aidé par ses ailiers pour couvrir le terrain. Mais sur l'anticipation, je lui mettrais un avantage sur Barré. »
« Léo Barré, formé à l'ouverture, a un jeu au pied de qualité, mais Melvyn Jaminet a sans doute le jeu au pied le plus long, le plus haut et le plus précis au niveau mondial, estime Wisniewski. Sur le jeu au pied de déplacement et d'orientation, Jaminet et Barré se ressemblent avec cette capacité de renvoyer le jeu très loin sur le fond du terrain et de tenir un ping-pong. » « Ils ont les mêmes caractéristiques sur les coups de pied longs et hauts quand le jeu est fermé, appuie Huget. Mais sur les petits jeux au pied rasant, Melvyn Jaminet est plus à l'aise, avec de l'intelligence tactique. Il est plus complet. »
Pour Wisniewski et Huget, le tir au but est le « super pouvoir » de Jaminet (198 points en Top 14 cette saison), même si Barré bute aussi, sans avoir cette responsabilité en club pour le moment. « Il détient une qualité exceptionnelle face aux perches, apprécie le premier, ex-buteur (3 085 points durant sa carrière). Il a la possibilité de buter de 60 mètres et même au-delà. Avec lui, ça fait quasiment trois points à chaque fois. Sa précision au but l'a d'ailleurs maintenu la tête hors de l'eau. » « Quand il a connu une période difficile, son pied n'a jamais tremblé, insiste le second. Même s'il était en dedans dans le jeu, alors que la confiance va de pair, il est resté infaillible, ce qui prouve sa qualité dans ce domaine. »