
-
Écouter
-
Voir sur la carte
-
Partager
Paul Boudehent s’est imposé comme titulaire au sein de la 3e ligne des Bleus. Une ascension qui couronne un parcours que le Rochelais retrace jour après jour
Membre surprise de la liste retenue pour disputer la Coupe du monde 2023, Paul Boudehent (25 ans, 14 sélections) a crevé l’écran lors de la dernière tournée de novembre. Parce qu’il a inscrit trois essais, dont un doublé face aux All Blacks, mais surtout parce qu’il a impressionné par sa capacité à imposer son impact physique. D’une spontanéité rafraîchissante, le troisième ligne du Stade Rochelais se raconte au fil des jours qui ont marqué sa carrière.
« Je ne viens pas d’une famille de rugbymen. Mon père a commencé à jouer à 36 ans seulement, il l’a fait jusqu’à 42 ou 43 ans : c’était à Angers, en équipe réserve en division Honneur. Mon frère (Pierre) a commencé peu de temps après lui. Et comme je voulais tout faire comme mon grand frère et mon papa, j’ai arrêté le hockey sur glace pour m’y mettre. J’ai commencé en benjamin première année. Il faisait super beau, on jouait à la « Baumette », sur les terrains d’entraînement du SCO d’Angers. J’avais tout de suite accroché. »
Le jour où il a découvert la musculation« Dans la famille, on est très sportif. Je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée (sourire), mais notre père nous disait toujours que pour être en forme, il fallait courir et faire « pompes, abdos, gainage ». Pierre est parti un peu avant moi à Nantes. Il a découvert la muscu à ce moment-là et, du coup, il m’a fait faire toutes les exercices qu’il faisait là-bas sur un petit banc de muscu, chez nous, à Angers, alors que j’étais encore au collège. Je devais avoir 13 ans. J’y ai pris goût tout de suite. Mais là où j’ai vraiment commencé, c’est quand j’étais à Nantes. On était dans la meilleure division nationale, mais on n’avait pas le niveau. J’ai gagné trois matchs en trois ans ! Malheureusement, l’équipe s’est un peu « réfugiée » dans la muscu. Quand on jouait au rugby, on était catastrophique. Donc au centre de formation, c’est là qu’on trouvait notre plaisir (sourire). C’est ce qui m’a effectivement permis de me développer. Mais je n’ai jamais fait plus de muscu qu’un autre. »
« En arrivant à La Rochelle, je me suis fait casser les dents. Le fossé était monstrueux »Le jour où il est arrivé à La Rochelle
« Je suis arrivé en Espoirs, à 17 ans. Je venais d’une petite équipe dans laquelle j’étais dominant. En arrivant à La Rochelle, je me suis fait casser les dents. Le fossé était monstrueux : sur le niveau, l’état d’esprit, l’exigence. J’ai passé six mois pendant lesquels je n’ai pas compris ce qui m’était arrivé. Mais avec du recul, je pense que c’est ce qui me fallait. Malgré les défaites à Nantes, j’étais dans une forme de confort où je n’avais pas à me remettre en question. Ça a été dur, mais un très bon apprentissage. Comme je ne jouais pas en Espoirs, n’étant pas du tout au niveau, j’ai fait beaucoup de 7. C’est ce qui m’a aidé et m’a lancé à La Rochelle, mais aussi les moins de 19 ans ou de 20 ans en équipe de France, puis en pro. »
Le jour où il est retenu pour la Coupe du monde« Je m’en souviens très bien : on était à Seignosse, en préparation depuis plus d’un mois. C’est à la fin de ce stage dans les Landes que le groupe avait été annoncé. Ça avait été énorme. Sans même me dire que j’allais jouer des matchs, même si je le souhaitais de tout cœur, je me disais que participer à une Coupe du monde, c’était fantastique. Ne serait-ce que trois mois avant, je ne l’aurais pas cru. J’ai vécu ça échelon par échelon… Les 42, les 33, la compétition. Ça a été très riche d’enseignements. Que ce soit pour la gestion des émotions, du stress, du corps, de la compétition… »
Le jour de son premier match avec les Bleus« Contre l’Écosse, à Murrayfield, lors du premier match de préparation à la Coupe du monde. On fait une superbe première mi-temps avant de s’écrouler lors de la seconde. J’estime que j’ai eu beaucoup de chance dans le sens où j’ai été très bien préparé. On venait d’être champions d’Europe avec La Rochelle contre le Leinster, on avait perdu en finale face à Toulouse… Dans l’intensité, le combat, le déplacement, ces matchs étaient déjà conformes au niveau international. Donc sans avoir jamais porté le maillot de l’équipe de France, j’estime que quand tu joues face au Leinster, c’est comme si c’était une équipe nationale. »
« Je ne vous cache pas que pendant la dernière tournée, ça commençait à me gonfler qu’on ne parle que de mon physique »Le jour où il a été comparé à Monsieur Indestructible
« Je le prends avec le sourire aujourd’hui. Mais je ne vous cache pas que pendant la dernière tournée, ça commençait à me gonfler qu’on ne parle que de mon physique. J’avais envie de répondre, « au-delà d’être bodybuilder, je suis un peu rugbyman » (sourire). Même si c’est un peu réducteur, ce n’est pas insultant : je le prends avec le sourire. Mais le message que j’ai envie de passer, c’est « je suis plus qu’un physique ! » (rire). On m’en parle tellement tout le temps ! Alors forcément, je préfère ça au fait qu’on me compare au Bossu de Notre-Dame. Mais j’espère avoir d’autres qualités. »
Le jour de ses trois premiers essais en Bleu« À la base, je ne suis pas un grand marqueur. Je ne crache pas sur ces trois essais : deux contre la Nouvelle-Zélande, un contre le Japon. Mais je n’ai pas traversé le terrain, ni fait de grands gestes techniques. J’ai ramassé la balle pour aplatir dans l’en-but qui était 50 centimètres plus loin. Je suis content pour ma famille que mon nom se soit affiché sur l’écran du stade, mais ça ne va pas plus loin. Ce qui est malheureux, c’est que les gens ne retiennent que ça. Il y a d’autres gestes techniques qui demandent tellement plus d’efforts, de technique ou de courage. Des joueurs mettent des plaquages le week-end sur lesquels ils s’engagent à 200 %. Je trouve ça beaucoup plus impressionnant et marquant. Sur le terrain, l’impact psychologique est beaucoup plus important que de se contenter de prendre la balle et de marquer. »
Le jour où il s’est senti légitime en Bleu« On ne l’est jamais à 100 %… Il y a tellement d’attente sur le niveau… À partir du moment où tu te crois légitime, tu ne l’es plus en fait. Parce que tu arrêtes de bosser, tu n’es plus sur tes gardes, et donc tu es en déclin. […] J’espère avoir plus de chances de jouer. Mais je ne suis pas plus légitime qu’un autre. Quand je regarde les troisième ligne en France, il y en a plein qui mériteraient de jouer aussi. Je préfère rester mesuré sur le sujet. »
Le jour qu’il espère vivre en Bleu« Une victoire en Coupe du monde. Il y a des Tournois avant cela, l’armoire à trophées n’est pas pleine. Mais le titre que la France n’a jamais eu, c’est celui-là. C’est LA compétition. La prochaine est en Australie, si j’ai la chance de pouvoir la jouer et la gagner, ce serait le summum. »