« Quel est l'adversaire qui vous a le plus impressionné ?
Le joueur que j'ai beaucoup apprécié, c'est Barry John, l'ouvreur gallois. Face à lui, il fallait se méfier de tout : l'extérieur, l'intérieur, le centre... Il était délié, fluide, avec une double accélération imperceptible. Et puis il y a aussi le demi de mêlée néo-zélandais Syd Going : au ras de la mêlée, il était insaisissable car il était véloce, compact, avec un centre de gravité très bas et des appuis puissants. Une morphologie à la Antoine Dupont, quoi.... Avec, comme lui, un démarrage foudroyant.
Quel est le partenaire avec lequel vous vous êtes le mieux entendu ?
C'était Pierre Villepreux, ''Pierrot'', que ce soit avec l'équipe de France ou le Stade Toulousain. Nous étions associés dans le sens où, sur le terrain, nous étions tout le temps en train de relancer. Nous étions proches dans la vie et, dans le jeu, nous avions cette soif d'attaque, toujours... Quand il réceptionnait un ballon, j'étais derrière lui, ou à côté, et inversement.
Quelle a été votre plus grosse colère ?
Ce n'est pas une colère mais un coup de gueule. Contre quelqu'un qui était mon ami, un joueur exceptionnel qui nous a quittés l'an dernier, Jean-Pierre Lux. À Colombes en 1972 contre l'Angleterre, il feinte la passe, et il a une première, une deuxième puis une troisième accélération, comme lui seul pouvait réaliser ça... Une course folle. J'ai joué avec les meilleurs centres, que ce soit Jo (Maso), Jeannot (Trillo) ou Claude (Dourthe), mais Jean-Pierre, lui, savait tout faire. Alors il marque, donc, et moi, je déboule dans l'en-but et je l'engueule sous les poteaux parce qu'il avait bouffé un ''trois contre deux''...
Y a-t-il une joie qui dépasse toutes les autres ?
Une joie, oui, mais c'est aussi le plus mauvais moment de ma carrière. On se qualifie avec le Stade Toulousain en 1969 pour la finale après avoir battu Tulle, Agen, Montferrand et Brive en phase finale. On se voyait champions de France et la déception a été à la mesure de l'enjeu. On a perdu (11-9) contre Bègles, qui était l'outsider. Jean Trillo (trois-quarts centre international) marque en interceptant une passe qui m'est destinée, pour le plus grand bonheur de notre ami Denis Lalanne, qui s'est ensuite servi de cette photo pour illustrer sa chronique dans L'Equipe (sourire).
Y a-t-il une consigne de jeu que vous n'avez jamais suivie ?
Tous les entraîneur que j'ai connus me disait : ''Aujourd'hui, il faut taper en l'air, faire ceci, faire cela...'' Sans doute parce qu'ils avaient peur de perdre, ils voulaient que je mette l'équipe en sécurité par des coups de pied. Mais je n'ai jamais aimé ça. Nous étions des hommes libres et nous ne voulions pas être enfermés dans des carcans.
Parmi les troisièmes mi-temps, laquelle fut la plus mémorable ?
J'ai en vécu beaucoup, des troisièmes mi-temps. (rires).. Mais il y en a une vraiment particulière. C'était après le dernier match de l'équipe de France à Colombes en 1972. Bruno Coquatrix avait bu des coups avec nous et nous avait invités à l'Olympia. Pendant le concert de Marcel Amont, on est monté sur scène. Je lui ai pris le micro, j'ai fait arrêter l'orchestre, et j'ai demandé à la salle de frapper dans les mains en cadence pendant que nous chantions ce qui devait être un chant folklo quelconque... Il a suffi qu'une personne commence - c'était l'épouse du journaliste de Midi-Olympique, Henri Gatineau - pour que toute la salle se mette a taper dans les mains. Ça aurait pu être un four et finalement, ça s'est bien passé (sourire).
En dehors de Toulouse et de Dax, y a-t-il un club où vous auriez aimé jouer ?
Après la tournée du XV de France de 1968, j'aurais pu rester en Nouvelle-Zélande. Les Néo-Zélandais avaient beaucoup d'estime pour notre jeu d'attaque, à ce moment-là. C'est un pays de nature, de chasse, de pêche, qui me correspond bien. Mais ça ne se faisait pas, à l'époque, et j'avoue ne pas y avoir pensé plus que ça. Il faut dire que j'étais assez casanier. Mais avec le recul, oui, j'aurais bien aimé.
Qu'elle est l'anecdote que vous n'avez jamais racontée ?
Il y a cette bagarre en Australie, après le test-match de 1968. Personne n'en a jamais parlé, sauf de façon édulcorée : les journalistes qui nous accompagnaient sont restés très discrets sur cet épisode (rires). Après le match, nous sommes allés dans une boîte de nuit et nous étions les rois du monde. Voilà que Benoît Dauga monte sur scène pour danser au milieu d'un spectacle de filles dénudées. Ça n'a pas plu à la direction de l'établissement. Jean-Claude Noble (pilier international voultain) et moi sommes arrivés pour écarter les videurs et ça s'est calmé. Mais alors que nous avions retrouvé nos tables, tout d'un coup, on a vu les pieds de Pierre Besson (ailier international briviste) partir au-dessus de la piste de danse, et hop, c'est reparti de plus belle ! Façon de parler... Pierre Villepreux a pris un coup de poing terrible qui lui a fermé complètement l'oeil. On cherchait Benoît (Dauga), on ne le trouvait plus. Alors on est partis à pied vers notre hôtel, qui était à deux kilomètres, pour ramener le reste de l'équipe et libérer Benoît. On revient et Walter (Spanghero) balance un videur dans la vitrine. On s'est battus, pire que des chiffonniers. Un vrai western... On a vainement cherché Benoît et quand on a fini par le retrouver, il était au commissariat depuis plus d'une heure, en train de jouer aux cartes avec les policiers australiens (rires). »








