des fois qu'il vienne vraiment chez nous. Pas qu'un mercenaire...
Malakai Fekitoa, après le tsunami qui a déferlé sur les îles Tonga : «Un désastre pour les Tonga» Sans nouvelle de certains proches, le champion du monde all black d'origine tonguienne et ancien du RCT, raconte comment il a vécu, depuis l'Europe, le tsunami qui a dévasté une partie des îles Tonga.
Les premières images sont parvenues des Tonga, dimanche, et si certains habitants s'affichent avec un sourire pour la photo, il ne reste plus grand-chose de leur « chez-eux », parfois un amas de débris humides et recouverts par la poussière. Entre le 14 et le 16 janvier, le volcan Hunga Tonga, au nord des îles qui composent l'archipel éponyme, a rappelé à quel point il pouvait être dévastateur. L'onde de choc qui a suivi l'éruption a traversé la planète entière et la vague créée par le réveil du volcan a détruit une partie des Tonga. Les communications, coupées, n'ont été que très partiellement rétablies depuis, et la communauté internationale prend peu à peu conscience de l'ampleur de la catastrophe. Le nuage qui a jailli aurait recouvert la moitié de la France. Malakai Fekitoa, lui, a eu des nouvelles de ses soeurs après notre conversation. Ce week-end, il espérait encore en avoir de sa maman et du reste de sa famille, habitants de l'île Ha'apai, là où il a grandi.
« Depuis le 15 janvier, et le tsunami provoqué par l'éruption du volcan Hunga Tonga, chez vous aux îles Tonga, comment vous sentez-vous ?
C'est un choc. On n'a pas eu d'avertissement ou de signal qui pouvait laisser présager de la catastrophe. Les familles, dont la mienne, n'étaient pas informées de ce qui allait arriver. C'est un désastre pour les Tonga. C'est à partir du moment où la vague est arrivée sur les terres que j'ai perdu tout contact avec mes proches. Ensuite, j'ai vu les images... On est tous choqués. C'est le sentiment qui domine. Les Tonga, c'est petit, un archipel. Les gens vivent tranquilles avec un gros amour pour leur terre. Ils vivent d'elle. Il y a beaucoup d'affect. L'éruption du volcan, et le tsunami qui a suivi, a détruit des habitations et la plupart des choses sur son passage. Ça va prendre du temps avant de retrouver tout ça.
Depuis l'Europe, vous n'avez eu aucune information ?
C'est le noir complet. C'est ça qui est le plus dur. Comme tout le monde, j'ai vu les informations. Mais ça s'arrête là. Je n'en sais pas plus que les autres et c'est ça qui nous touche tous : l'incertitude, ne pas savoir ce qui va arriver. Ça a peu évolué au fil des jours. Les communications étaient rompues, donc on est dans l'attente. On n'a pas eu de nouvelles des autorités ou de qui que ce soit, mais c'est normal, tout est ravagé. On attend un signe. Au moment où on parle, il y a quelques moyens de communiquer, mais pour ma part, je n'ai aucune nouvelle de ma famille. Toujours pas.
Vous avez décidé de mener une opération pour lever des fonds, Help Tonga, all with Tonga, qui a pu récolter plus de 50 000 livres sterling. Pourquoi ?
Ça me tenait très à coeur. J'ai la chance de pouvoir jouer au rugby un peu partout à travers le monde et j'ai l'opportunité d'avoir une plateforme pour partager ce qu'il se passe. Ça permet une prise de conscience, d'abord, à propos de la catastrophe qui touche les îles Tonga. Et je ne veux pas être seulement attentiste... J'essaye d'aider à travers ça. C'est le minimum. Le but est de récolter des fonds dans l'espoir d'apporter le nécessaire à la maison. Cela va aider les gens dans les prochains mois avec des biens de première nécessité : du riz, de la farine pour cuire du pain, de l'eau potable. Ce sera précieux dans les six prochains mois. Ils en ont besoin.
«Les gens à travers le monde peuvent aider, participer à des opérations de charité, des cagnottes.»
Vous ressentez une grosse solidarité ?
Énormément de gars en Europe endurent le fait de ne pas avoir d'informations et de nouvelles. Donc on essaye juste de faire ce qui est en notre pouvoir. On est beaucoup de joueurs tonguiens, en France, en Angleterre, en Nouvelle-Zélande. Il ne faut pas mentir, c'est dur. Mais je crois que notre aide est la bienvenue, que ce soit pour récolter de l'argent ou envoyer ce dont nos compatriotes ont besoin. Plusieurs pays apportent leur aide également. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Japon sont les premiers à apporter nourriture, eau et matériel de secours. Il faut que les gens comprennent ce qu'il s'y passe. Les gens à travers le monde peuvent aider, participer à des opérations de charité, des cagnottes. Je veux que tout le monde le comprenne. Tout ça sera précieux pour les Tonga. Ça ira directement aux familles et au pays. La plus petite aide est bonne à prendre. Ça sera déjà génial.
Comment expliquer aux gens ce que représentent les Tonga pour vous ?
Je suis d'une île qui s'appelle Ha'apai, une des plus petites par rapport à l'île principale. C'est magnifique, un paradis sur Terre. C'est comme ça que je l'ai toujours vécu : cool et ensoleillé. Les gens sont aimants, avec une communauté très forte et de la solidarité. C'est la paix, sans stress. Un style de vie incroyable et calme. On fait pousser nos légumes et on pêche beaucoup. La population se nourrit comme ça, avec énormément de partage des ressources naturelles. J'ai toujours gardé des liens énormes avec ma terre. Je suis né là-bas, j'ai grandi là-bas, la moitié de ma famille vit encore à Ha'apai. C'est là que j'ai appris à jouer au rugby également. C'est ma famille qui m'a inspiré cette passion pour le rugby, notamment mon père (décédé quand il était adolescent). J'ai une connexion très forte avec la maison. C'est mon chez-moi. J'y retournerai un jour pour vivre. C'est une vie sans prise de tête que la catastrophe va bouleverser.
Des îles qui étaient déjà menacées par le changement climatique...
Ça avait beaucoup changé ! (il insiste.) J'ai pu le voir au fil de mes voyages. J'ai en tête des images complètement différentes entre le moment où je suis parti (en Nouvelle-Zélande pour jouer au rugby à l'âge de 17 ans) et bien plus tard. Les îles changent, le paysage aussi. Surtout les petites îles. Certaines parcelles de terre ont été avalées par l'océan. C'est le cas extrême, mais le niveau de l'eau monte de manière générale, à un point inquiétant. Tout le monde là-bas s'en rend compte. Mais le tsunami, c'est un changement brutal, bien plus que tout.
Y a-t-il une place pour le rugby dans ces moments-là ?
C'est vraiment difficile. Difficile de se lever le matin avec la même énergie que d'habitude. On est loin, sans nouvelle, dans l'inquiétude. Mais j'essaye de faire au mieux... Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de solutions si ce n'est attendre que les choses s'arrangent. »