« Quel est le partenaire avec lequel vous avez été le plus complice ?
C'était Jean-Pierre Romeu (demi d'ouverture international, 34 sélections entre 1972 et 1977). Nous étions moniteurs d'éducation physique aux écoles Michelin. Nous travaillions dans le même bureau et nous étions du matin au soir ensemble. Sur le terrain, avec l'ASM, il n'y avait qu'à lui envoyer le ballon et il faisait le reste (rires). On s'embête maintenant à faire des sorties de camp avec trois ou quatre regroupements, mais avec lui, quand nous étions dans nos vingt-deux mètres, d'un coup de pied il nous amenait dans les vingt-deux mètres adverses...
Quel a été l'adversaire le plus compliqué à jouer ?
C'est Jacques Fouroux (demi de mêlée international, 27 sélections entre 1972 et 1977). On a commencé à s'affronter vers 1961, quand il était avec les juniors à Auch et moi à Lourdes. Il y avait une grosse rivalité entre nous. Nous avons joué ensuite très jeunes, à dix-sept ans, en Première Division. Autour des touches, c'était un vrai poison qu'il fallait sans cesse surveiller. Physiquement, c'était une force de la nature.
Quelle est la troisième mi-temps la plus mémorable ?
Je ne vais pas en sortir une plutôt qu'une autre. À Clermont, on se retrouvait tous les dimanches soir à "L'Auto Club", chez Raphaël Geminiani (ancien coureur cycliste et directeur sportif). C'était réglé comme du papier à musique. Quand on jouait à l'extérieur, on avait la chance d'effectuer nos déplacements en avion, un bimoteur de vingt-deux places, et le pilote faisait office de dirigeant (sourire). Dès la fin des matches à l'extérieur, on remontait dans l'avion et on atterrissait à Clermont vers 23 heures, au plus tard... Jacques Rougerie (pilier international en 1973), le père d'Aurélien (trois-quarts aile international, 76 sélections entre 2001 et 2012), organisait tout et on avait nos bouteilles de whiskys réservées, les copines étaient là, il y avait tout ce qu'il fallait... Raphaël, c'était un conteur-né, et on finissait systématiquement vers quatre heures du matin.

« Un troisième-ligne, que je ne nommerai pas, a shooté dans ma tête comme s'il s'agissait d'un ballon de football »
Quel est votre pire souvenir ?
Un match à Mont-de-Marsan avec Lourdes en 1963. Sur une touche, j'ai plongé pour passer le ballon à Jeannot Gachassin et un troisième-ligne, que je ne nommerai pas, a shooté dans ma tête comme s'il s'agissait d'un ballon de football. J'ai eu l'artère temporale sectionnée. Pour vous donner une idée de la violence du coup, du côté opposé de l'impact l'arcade sourcilière a éclaté... Notre soigneur m'a vite compressé l'artère avec du coton et ma chance, c'est que l'hôpital était juste à côté du stade. Heureusement que j'ai été immédiatement opéré... Après cela, je n'ai plus jamais effectué de passe plongeante tellement ça m'avait traumatisé. Du coup, ça m'a obligé à travailler mes appuis sur la passe.
Quel est le plus bel essai que vous avez inscrit ?
En huitièmes de finale du Championnat avec Lourdes contre Cahors, à Toulouse, en 1964. C'est un exploit personnel sur cinquante mètres. Je me suis retrouvé dans l'intervalle grâce à une passe remisée à l'intérieur autour d'une mêlée sur la ligne médiane, je suis arrivé face à l'arrière et je l'ai crocheté pour marquer. Un bon souvenir.
En dehors de Lourdes et de Clermont, y a-t-il un autre club où vous auriez aimé jouer ?
Quand j'ai quitté Lourdes en 1965, j'ai hésité entre l'ASM et Toulon. Christian Carrère, qui était capitaine du RCT et de l'équipe de France, voulait que je vienne jouer à Mayol. Mais mon père m'a conseillé l'ASM avec Michelin plutôt que Toulon, où c'était un peu plus aventureux, professionnellement. Mais j'aurais aimé rester à Lourdes, si ça avait été possible. Car c'est le club de mon enfance, c'est là où j'ai découvert le rugby, vu le Bouclier de Brennus. Mais j'étais en concurrence à la mêlée avec Jean-Henri Mir (sélectionné en équipe de France à deux reprises en 1967 et 1968) et j'ai préféré tenter ma chance ailleurs. Et puis l'ASM, via Michelin, m'a proposé un poste de moniteur d'EPS et je n'ai pas hésité. Je ne l'ai jamais regretté.
Quel est l'entraîneur qui vous a le plus marqué ?
C'était Maurice Prat, à Lourdes (trois-quarts centre international, 31 sélections entre 1951 et 1958, entraîneur du FCL de 1962 à 1965). Pour nous, les juniors, ce qu'il disait était parole d'évangile. On se retrouvait, Michel Arnaudet, André Campaes, Raymond Halçaren, Michel Hauser et moi autour de lui, dans son restaurant, après les matches. Nous restions pendant des heures à l'écouter, à le regarder bouger les sucres et les tasses de café pour nous expliquer le jeu de ligne. Ce n'était pas un pédagogue : soit tu adhérais à ce qu'il disait, soit tu dégageais... Mais il était intraitable sur la technique individuelle, et ça m'a beaucoup servi lors de la carrière d'entraîneur.

Quel a été votre plus gros moment de honte ?
À Lourdes, avant chaque entraînement, il y avait une partie de rugby "à toucher". Elle était d'un niveau technique exceptionnel. C'était la base éducative du jeu lourdais. Tu n'avais pas le droit de vendanger un surnombre et de te faire attraper avec le ballon. Le moment de honte, c'est quand l'entraîneur t'ordonnait de passer dans l'équipe d'en face... Là, tu savais que tu avais été vraiment mauvais, ballon en main.
« Je l'ai échappé belle à Rovigo »
Quel match aimeriez-vous rejouer ?
Un match avec l'équipe de France juniors en 1962 contre le pays de Galles à Bergerac, que j'ai joué blessé. Je traînais une déchirure aux reins depuis plusieurs semaines. Dans cette équipe, il y avait Walter Spanghero, Jeannot Salut, Jean-Claude Roques, Jean-Michel Capendeguy, Michel Arnaudet... J'ai été frustré de ne pas m'exprimer pleinement ce jour-là. Je pouvais courir, mais pas à cent pour cent.
Quelle est la plus grosse bagarre à laquelle vous avez participé ?
Je l'ai échappé belle à Rovigo, lors d'une tournée de fin de saison en Italie avec l'ASM. Une bagarre éclate et je vois arriver un troisième-ligne italien qui m'a mis en point de mire. J'ai eu la présence d'esprit de le laisser venir et de lui échapper au dernier moment grâce à une feinte de corps et d'appuis. Sinon, je crois bien qu'il m'aurait arraché la tête...
Quelle est l'anecdote que vous n'avez jamais racontée ?
Lors d'un de mes premiers matches avec Lourdes, lors d'un déplacement à Lyon. J'étais junior et au repas d'après match, Jeannot Gachassin m'appelle et, du bout de la table, me lance une assiette. Il me fait signe de lui renvoyer et, au moment où je la lance à mon tour, il fait mine de discuter avec son voisin et l'assiette va se briser un peu plus loin. Le propriétaire du restaurant m'a regardé, incrédule, et moi je me suis senti idiot. Pendant ce temps, Jeannot était plié de rire, et mes coéquipiers aussi... »