Jacky pensait avec émotion au cassoulet de Toulouse offert la veille par le président Bouscatel, qu’il s’autorisait à appeler « Président » à l’apéritif, « mon ami » pendant le repas et « mon pote Néné » au digestif. Levant la jambe droite il s’apprêta à lâcher un pet majestueux, quand tout à coup la porte s’ouvrit.
Irina, la secrétaire ukrainienne qu’il payait à temps complet malgré ses petites cinquante heures de travail hebdomadaires, franchit le seuil du bureau.
Jacky serra immédiatement les fesses, non par politesse mais parce qu’il espérait bien parvenir à séduire celle qui ne savait dire en français que « bas les pattes vieux cochon ». Le gaz, comprimé à bloc par l’effort, sortit en émettant un bruit suraigu qui n’était pas sans évoquer le regretté Georges Jouvin et sa trompette d’or.
Jacky toussa de toutes ses forces pour couvrir le bruit incongru, mais il parvint ce faisant à décoller son dentier qui fila dans le Yucca avec un reste de chapelure de la veille.
- Iwina, ch’est touchours un plaijir ! bafouilla Jacky
- Toi toucher nichons à moi, toi mourir ! souffla Irina. Tiens, dentier à toi.
- Merchi. Merci, ça va mieux. Belle Irina, quel bon vent vous amène ? demanda Jacky sans songer à l’ambiguïté du mot « vent » dans sa bouche.
- Irina être belle pour Slavek, mari d’Irina. Lui tuer salauds russes sur le front de Bakhmut ! Quand permission lui casser la gueule vieux cochon Jacky ! Moi venir parler match.
- Paris match ? Un portrait du manager de l’année aux Baléares ?
- Non, Stade Jean Bouin, Stade Français !
- La vie n’est qu’une ombre qui marche, un pauvre histrion qui se démène sur scène pour une heure malheureuse… souffla Jacky qui n’était pas capable de citer Macbeth jusqu’au bout.
Pour conjurer le mauvais sort, Jacky chercha fébrilement un chapelet dans le tiroir de son bureau, puis, se souvenant qu’il n’avait pas de chapelet car il ne croyait en rien sauf au fric, il prit un billet de cent euros dans sa poche qu’il se mit à palper frénétiquement.
- Moi pas pute, toi gros porc, lâcha Irina !
Et joignant le geste à la parole, elle décocha une baffe qui envoya le dentier de Jacky dans le bonzaï, avec une peau de saucisse de Toulouse entre deux incisives.
