Il y a quelque chose de contre-nature quand, sur un énième ballon récupéré au sol, Sébastien Bézy tape en touche pour sécuriser le bonus défensif de Clermont (20-15) plutôt que de faire tomber un fruit rochelais bien trop mûr. Marcel-Deflandre n’en croit pas ses yeux, en cet après-midi humide, et accepte avec joie l’offrande. L’ailier Jules Favre, pourtant d’une sécurité à toute épreuve face aux assauts auvergnats, est dans le même cas : « Heureusement qu’ils ne veulent pas jouer, parce qu’ils pouvaient nous mettre à mal encore un peu plus. »
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C’est que, si c’est La Rochelle qui s’est imposée 20 à 15 devant son public dans un match à trois cartons jaunes de chaque côté, c’est bien le vaincu, en l’occurrence l’ASM, qui affiche le visage d’une équipe forte d’une belle dynamique. Là aussi, c’est tellement contradictoire que l’on s’emmêle les pinceaux au moment de demander son avis à Christophe Urios. Le manager des Jaunards s’en amuse, lui qui a eu si peu l’occasion de sourire lors de ses derniers déplacements en Charente-Maritime, avec l’UBB puis Clermont.
Clermont n’est pas Bath ou Bristol
« J’ai trouvé que La Rochelle avait beaucoup subi. Elle s’en sort bien mais c’est la réalité du match et des grandes équipes. Parfois, tu te fais secouer, et même avec deux ou trois situations, tu marques, relève-t-il. Nous, on avance mais on n’est pas encore une grande équipe. On n’est pas dans la cour de La Rochelle. En revanche, on construit des bases qui vont nous permettre de regagner. Et partout. Si on continue à travailler comme on le fait, ce club regagnera bientôt. On n’a pas encore la confiance et la qualité de certaines équipes, mais on progresse. » Peut-on en dire autant des Jaune et Noir, dont on en oublierait presque qu’ils sont les vainqueurs ? Avec 32 points au classement, un de moins que les Auvergnats, ils sont pour l’instant à la lutte avec leur adversaire du jour, Bayonne et Castres. Un peu décrochés de Toulouse, Bordeaux-Bègles et Toulon.
« J’ai trouvé que La Rochelle avait beaucoup subi. Elle s’en sort bien »
Surtout, quand bien même Christophe Urios les sait dans une sphère supérieure, ils n’ont jusqu’ici qu’une autonomie limitée quand le niveau s’élève. Car Clermont, ce n’est pas Bath, ce n’est pas Bristol. Les coleaders de Premiership, battus en Champions Cup, sont autrement moins armés quand il s’agit de frapper fort sur la ligne d’avantage, sur les ballons portés et en défense, avec une stratégie qui n’est pas sans rappeler les grandes heures du club à la caravelle.
Dans le Somerset, après un succès là encore très disputé face aux partenaires de Finn Russell (20-24), Ronan O’Gara espérait que son équipe pourrait rapidement viser le fait d’être forte pendant une heure. Samedi, Rémi Talès, son adjoint en charge des trois-quarts, estimait qu’elle n’a pour l’instant que quarante bonnes minutes dans les jambes. Car « on fait quand même une première mi-temps assez complète », souligne le Landais.
Alldritt n’est « pas inquiet »
De fait, malgré une agressivité générale rarissime à l’heure actuelle en Top 14, les Jaune et Noir virent en tête à la pause avec 14 points d’avance et un seul carton au compteur, contre trois unités et autant de jaunes en face. Ce, grâce à une maîtrise et un réalisme supérieur, via les essais de Teddy Thomas (10-3, 23e) puis Ultan Dillane (17-3, 34e). Mais ensuite, « les rapports se sont un peu inversés, regrette Talès. On a été chacaillés dans nos rucks, un peu plus contrés en conquête. C’était dur, mais on a gagné. Ça va nous permettre de passer quatre jours relativement plus tranquilles. »
« Il fallait gagner à tout prix ; il faut savoir savourer des victoires comme ça »
Si à la 78e minute, Clermont n’était pas reparti de l’en-but local sans marquer, lui qui avait su le faire via un essai de pénalité (17-10, 47e) puis un rush de Raka (20-15, 55e), l’ambiance aurait été tout autre. « Si on avait enchaîné une deuxième défaite à domicile en championnat (après Vannes, 13-24, NDLR), ça aurait été dur de réenclencher cette dynamique, de partir en famille pour Noël sans se poser pas mal de questions, admet Talès. Il fallait gagner à tout prix. Il faut savoir savourer des victoires comme ça. »
Ce discours, lucide, illustre-t-il une forme de doute, malgré une série de trois succès ? « On n’est pas dans le dur, répond Grégory Alldritt. Si on arrive à marquer des points de suite en deuxième mi-temps, ça bascule différemment. On doit surtout arriver à gérer nos temps forts. On n’y était pas arrivés non plus à Bath après la pause. Petit à petit, ça va venir. Je ne suis pas inquiet. On engrange quand même beaucoup de confiance, maintenant il faut se lâcher et se donner à 100 % pendant 80 minutes. » Car le menu des fêtes n’est ni plus ni moins qu’un voyage à Perpignan suivi des réceptions de Toulouse et du Leinster… On a connu plus digeste pour qui peine à tenir la distance.
Les notes
8/10 Seuteni 7/10 Alldritt, West, Favre, Skelton, Berjon, Dillane 6/10 Thomas, Cancoriet, Botia, Lespiaucq, Penverne, Dulin 5/10 Leyds, Atonio