Depuis qu'il a édicté une nouvelle règle qui prive les défenseurs - les fameux « escorts » - de se glisser sur la trajectoire des attaquants pour les empêcher de convoiter un ballon aérien, World Rugby a sérieusement compliqué la tâche des réceptionneurs.
Le plus souvent seul sous les ballons il n'y a pas si longtemps encore, ces derniers voient désormais se ruer vers eux des adversaires à une allure si rapide qu'elle leur donne forcément un avantage au moment de l'impulsion. En plus, comme ces voltigeurs offensifs des temps modernes cherchent moins à capter le ballon qu'à le dévier dans leur camp, en espérant qu'un bon rebond viendra régaler un partenaire au soutien, la tâche des défenseurs s'en trouve encore plus périlleuse.
« Comme il n'y a plus de protection, c'est du 50-50 à la retombée »
Thomas Ramos
Conséquence ? Il faut batailler très fort, aujourd'hui, pour sortir gagnant de ces empoignades très au-dessus du gazon. « On voit qu'il y a de plus en plus de duels dans les airs, observait récemment l'arrière du Stade Toulousain et des Bleus Thomas Ramos. Avant, quand tu récupérais un ballon en défense, t'essayais de le conserver plutôt que le rendre aussitôt à l'adversaire en tapant au pied. Mais maintenant, avec cette incertitude liée à l'absence d'escorts, tu vois de plus en plus d'équipes taper des chandelles offensives pour aller batailler à la réception et tenter d'obtenir des bons ballons de turnover. Elles savent que même avec des très grands preneurs de balle en face, comme il n'y a plus de protection, c'est du 50-50 à la retombée. Peut-être que ceux qui établissent les règles veulent un peu plus de spectacle dans les airs, je ne sais pas. »
Du spectacle en altitude, il y en aura forcément sur la pelouse de Twickenham, ce samedi après-midi, à l'heure du thé, car les Anglais sont plutôt friands de ces ballons hauts susceptibles de semer la zizanie dans la défense adverse. Même sans leur meilleur spécialiste, l'arrière Freddie Steward, écarté de la feuille de match par le sélectionneur Steve Borthwick, les partenaires de Mr et Mr Smith (Fin l'ouvreur et Marcus l'arrière) sont suffisamment rodés à ce type d'exercice pour bien pourrir la vie des arrières français.
« On a vu qu'ils avaient beaucoup utilisé ce type de jeu au pied de pression dans les derniers matches, relevait vendredi depuis Twickenham le demi de mêlée et capitaine des Bleus Antoine Dupont. Comme la plupart des équipes, d'ailleurs, qui savent qu'en raison des nouvelles règles, c'est souvent du quitte ou double à la réception des ballons hauts. »
Les Bleus sont donc prévenus. Pas de panique. Avec Ramos, Damian Penaud et Louis Bielle-Biarrey, ils disposent de joueurs plutôt adroits dans les airs dans le triangle arrière. Et des parades existent. « Il ne faut pas avoir peur de s'engager parce que ça arrive vite et ça cogne fort, conseille Ramos. Il faut essayer de prendre la place et de sauter plus haut que l'adversaire. Face à des équipes qui ont cette arme-là, c'est plus difficile à dire qu'à faire, évidemment. Dans tous les cas, il faut les empêcher de se mettre en situation de nous balancer des coups de pied hauts. Ça veut dire qu'il faut les faire reculer le plus possible dans leur camp et les obliger à nous mettre des jeux au pied longs plutôt que de les laisser remonter le ballon jusqu'à leurs 40 m pour ensuite nous infliger des chandelles. Les joueurs qui se replient ont aussi un rôle important à jouer, parce qu'on voit beaucoup de ballons traîner à la retombée. Sur dix duels aériens, il y en a peut-être sept ou huit qui se finissent avec un ballon dévié qui tombe par terre. Les mecs autour du réceptionneur doivent donc être très attentifs. »
