Tournoi des VI Nations : "Il pourrait passer sous les 11 secondes au 100 m", décryptage du phénomène Bielle-Biarrey
De matchs en matchs, Louis Bielle-Biarrey ne cesse d’affoler les compteurs. Avant Italie-France dimanche (16 heures), nous avons demandé à Jérémie Thiébaud, coach professionnel d’athlétisme, d’analyser le phénomène. Si l’ailier tricolore parvient à atteindre une telle vitesse, il le doit à une technique et des capacités physiques au-dessus de la moyenne.
Alors que ses camarades de club Damian Penaud et Matthieu Jalibert ont fait les frais de la défaite en Angleterre (26-25), Louis Bielle-Biarrey, lui, ne cesse d’épater la planète ovale par ses exploits et ses courses. À Twickenham, l’ailier bordelais a déjà inscrit ses 13e et 14e essais en seulement 16 sélections. Un phénomène de vélocité qui ne cesse d’affoler les compteurs. Pour mieux comprendre le prodige, nous avons envoyé quelques vidéos à Jérémie Thiébaud, coach professionnel d’athlétisme spécialisé dans le sprint et expert dans le développement de la vitesse. Décryptage et analyse du TGV Bielle-Biarrey.
Fréquence et amplitude
Louis Bielle-Biarrey l’a annoncé à nos confrères de Midi Olympique il y a quelques semaines, sa pointe de vitesse a déjà été flashée à 37,8 km/h. Loin d’Usain Bolt lors de son record du monde du 100 mètres en 2009 (44,72 km/h), mais très au-dessus dans le monde du rugby. Jérémie Thiébaud a tout de suite remarqué son amplitude de foulée. C’est là-dessus que l’ailier fait la différence sur ses adversaires.
« Ce qu’il faut prendre en compte, c’est l’amplitude de la foulée multipliée à la fréquence gestuelle. Au rugby, certains joueurs ont de grandes amplitudes, mais possèdent de petites fréquences. Pour d’autres, c’est le contraire. Louis Bielle-Biarrey a les deux. Il développe une très bonne fréquence, ce qui est relativement normal pour un trois quart. Mais surtout, il parvient à créer une grande amplitude. À chaque fois qu’il pose son pied au sol, son corps avance plus loin qu’un autre joueur. Et c’est pour cela qu’il court plus vite. »
Un physique idéal
Si Louis Bielle-Biarrey parvient à développer de si grandes foulées, il le doit avant tout à un physique idoine. Avec 1,84 m pour 79 kilos, « il possède des mensurations d’un sprinter de 100-200 mètres », certifie Jérémie Thiébaud. Un physique qui lui permet d’aller effectivement très vite. « La force qu’il a, c’est qu’il est léger. Quand tu cours, c’est toi qui es ton propre engin. Si on lui met un sac de dix kilos sur le dos, il va forcément avancer moins vite. »
Et de poursuivre sur la biomécanique de l’ailier. « Ce n’est pas évident d’avoir une si grande foulée. Il parvient à lever le genou plus haut que les autres et il n’est pas en cycle arrière comme le font les autres. Cette position, c’est typiquement ce que l’on recherche en sprint. Je ne dis pas qu’un rugbyman doit courir comme un sprinter, mais la biomécanique de base reste la même. »
Une force latérale épatante
Ses capacités physiques supérieures à la moyenne se logent même dans ses chevilles et son tronc. L’élasticité de ses articulations conjuguée à la solidité de son bassin lui permet de changer de direction sans perdre de la vitesse. La force latérale que Louis Bielle-Biarrey parvient à exercer et la vitesse à laquelle il parvient à faire varier son centre de gravité demeurent exceptionnelles comme l’explique l’entraîneur d’athlétisme.
« Pour créer de la vitesse, il faut lever son centre de gravité. À l’inverse, quand tu veux changer de direction avec des angles de jambe importants, il faut pouvoir le descendre. Louis Bielle-Biarrey alterne de manière très efficace. Il parvient à sous-virer rapidement sans se blesser. Son corps accepte ça. Si l’on regarde bien, quand il fait un cadrage débordement, son angle peut atteindre 20 ou 25 degrés. Il parvient à mettre énormément de force latérale tout en gardant la même vitesse. Il arrive à créer de la force avec une cheville qui se retrouve de travers… Mais sans se blesser. »
S’il s’agit avant tout de quelque chose d’inné, l’ailier des Bleus a aussi dû fournir un énorme travail. « Il a forcément dû s’exercer pour créer de telles forces latérales. C’est de l’entraînement de course en courbe, c’est du freinage latéral… Il y a énormément de contrainte de fuite. Le corps doit pouvoir résister à cela. Beaucoup se feraient une cheville, voire les ligaments croisés. »
Combien sur 100 m ?
Face à de telles aptitudes, nous avons demandé à Jérémie Thiébaud combien vaudrait-il sur 100 mètres départ arrêté ? Avec un entraînement poussé, le technicien le voit sous les 11 secondes. « Il lui faudrait des bases de coordination et une structure plus adaptée. Le départ dans les starting-blocks est déjà une coordination à part entière. Mais si l’on en juge ses data, il parvient à courir entre 10 et 10,5 mètres secondes. Cela pourrait donner approximativement 11”10. Mais il court sur des pelouses avec des chaussures de rugby. Si on l’entraîne, Louis Bielle Biarrey peut facilement passer sous les 11 secondes départ arrêté. »
A. Clergue (LM - 22/02/25)