La meilleure équipe a sûrement gagné, vendredi soir, dans la fournaise du Groupama Stadium. Mais pas dans les proportions (32-25) que beaucoup imaginaient avant la rencontre. Car même face à un Aviron Bayonnais supposé plus faible sur le papier, le Stade Toulousain a joué comme il a l'habitude de le faire en demi-finales du Top 14. Mais sans le panache et la fluidité dans le jeu qui le caractérise en temps normal. Il a abordé cette partie avec ce je-ne-sais-quoi de fébrilité qui accompagne généralement les équipes en manque de rythme après plusieurs semaines de préparation ou de matches sans enjeu.
Le manager Ugo Mola avait prévenu : dans une phase finale, la demie est sûrement le match couperet le plus difficile à préparer. Parce qu'on ne peut pas s'empêcher de penser déjà fort au match d'après. Parce que l'équipe en face, qui sort d'un barrage gagné (en l'occurrence contre Clermont), est dans une dynamique qui la transcende.
Mais le club rouge et noir a suffisamment d'expérience pour savoir comment contourner ces écueils. Vendredi, il a été beaucoup sanctionné, surtout en première période : ici sur des hors-jeu grossiers (1re, 10e), là sur un déséquilibrage en touche, (19e), là sur une faute au sol (28e), ici aussi sur un en-avant volontaire (34e). Des fautes qui ont longtemps permis à la botte impeccable de l'ouvreur Joris Segonds de maintenir son équipe en vie. « Notre indiscipline les laisse dans le match, regrettait Thomas Ramos sur Canal+. On leur donne 15 points en première période, alors qu'ils ne viennent pas une seule fois dans nos 22 mètres. Si on fait ça en finale, on va en prendre 40, peu importe contre qui. »
« Il reste pas mal de choses à gommer pour la semaine prochaine si on veut soulever le bouclier »
Romain Ntamack
Mais même dans un jour moyen, même fragilisé par une touche inconstante, le Stade Toulousain a toujours ces fulgurances qui lui permettent de garder l'ascendant sur son adversaire. Le double champion sortant a planté des essais qui ont empêché le club basque d'y croire trop longtemps. D'abord par Romain Ntamack - son troisième en trois matches - au soutien d'une percée et d'une passe intérieur magnifiques de l'ailier Juan Cruz Mallia (12e). Puis par le demi de mêlée Paul Graou, lui-même au soutien d'une action au large et d'une belle chevauchée de Thomas Ramos (31e). Le match aurait encore pu tourner en début de seconde période, après le carton jaune reçu par le capitaine Julien Marchand pour un acte d'antijeu consécutif à un franchissement de l'ailier bayonnais Mateo Carreras (51e), mais cet avantage numérique fut aussitôt anéanti par un autre carton pour hors-jeu écopé par l'ouvreur de l'Aviron Camille Lopez, qui venait à peine d'entrer en jeu (55e).
La fin de match, jusqu'à l'essai pour l'honneur du pilier basque remplaçant Lucas Martin, s'est résumée à un duel de buteurs finalement remporté par Ramos, auteur d'un remarquable 8/8 face aux perches (22 points). Mais la joie mesurée des Toulousains à l'issue de la rencontre montre bien qu'il manquait quelque chose au club haut-garonnais pour être pleinement satisfait.
« On est quand même heureux parce que jouer une demi-finale, c'est important, mais c'est encore mieux de la gagner, estimait Romain Ntamack sur Canal+. On a fait le match le plus sérieux possible, même s'il reste pas mal de choses à gommer pour la semaine prochaine. On n'est pas forcément satisfaits dans le contenu, mais on s'est rassuré dans l'intensité, la solidarité et l'envie. » « On n'a jamais pu réellement mettre notre rugby en place, ajoutait Ugo Mola. Mais je peux vous assurer qu'être en finale, après la saison qu'on vient de vivre, les corps meurtris, les blessures, c'est déjà très bien. On va essayer de montrer un meilleur visage la semaine prochaine. »
Cette génération toulousaine n'a perdu jusqu'ici aucune de ses finales depuis 2019 (4 en Top 14 et 2 en Coupe des champions). C'est dire l'étendue de ses ressources et la force qu'il faudra à son adversaire en finale pour la faire tomber de son piédestal.
-
Écouter
-
Voir sur la carte
-
Partager
Depuis la demi-finale de Champions Cup face à Toulouse, l’international français enchaîne les belles prestations avec l’UBB. Il sera encore très attendu face à Toulon ce samedi (21 h 05)
Il est prêt. Sûr de ses forces. Et libéré de tout ce qui a pu le freiner sur les fins de saisons précédentes. Depuis quelques mois, Matthieu Jalibert (26 ans) affiche un petit sourire et une décontraction qu’on ne lui connaissait pas à l’heure des grands rendez-vous. L’international français (35 sélections) a pesé de tout son poids dans les matchs couperets qui ont mené l’Union Bordeaux-Bègles vers son tout premier titre en Champions Cup. Il sera encore très attendu sur cette demi-finale de Top 14 face au RC Toulon ce samedi (21 h 05), du côté de Lyon.
« Je le sens en confiance dans son rugby, dans sa préparation, témoigne Yannick Bru, le manager girondin. Son leadership a beaucoup évolué cette année autour de l’équipe. Il a fait des efforts et il a envie de se payer. On est en fin de saison, on n’est à l’abri de rien, mais j’espère qu’il va continuer à nous amener autant de détermination. »
« Tout a compté pour lui : son cheminement, ses désillusions avec les Bleus, la remise en question… »
Depuis la Coupe du monde 2023, le demi d’ouverture de l’UBB n’a pas été épargné par les critiques. Souvent blessé à l’approche des matchs qui comptent, il a aussi souffert de la comparaison incessante avec Romain Ntamack, son concurrent du Stade Toulousain, numéro 1 sur le poste chez les Bleus. Le Bordelais a même vécu un dernier Tournoi des Six-Nations très compliqué durant lequel il est descendu encore un peu plus dans la hiérarchie des ouvreurs. Il aurait pu craquer. Mais il a su se ressourcer dans son cocon girondin et puiser des forces pour repartir de l’avant.
Petite revanche personnelleMoins rebelle qu’auparavant, il a su se remettre en question. « Quand il est à l’UBB, il est sans paillette, explique Yannick Bru. Il est franc, honnête… Il a son caractère et sa confiance mais c’est un garçon intelligent. Notre relation ne pouvait pas s’abîmer pendant cette période. Tout a compté pour lui : son cheminement, ses désillusions avec les Bleus, la remise en question, le travail qu’il a effectué… Il est allé chasser beaucoup de gains marginaux. Dans sa préparation personnelle, dans sa récupération, dans le travail de ses points faibles dont on a beaucoup parlé (la défense), son implication dans le groupe « attaque » chez nous. Il a additionné des petits plus qui font que la lumière jaillit. Cette saison, il est très professionnel. »
Après avoir manqué les phases finales de Champions Cup et de Top 14 l’an dernier, malgré un retour précipité sur une jambe en finale à Marseille, Matthieu Jalibert a cette fois enfin été épargné par les pépins physiques. « Le fait d’avoir pu faire tourner tout au long de la saison, ça change la donne, souligne Thibault Giroud, le directeur de la performance. Tu évites les pépins musculaires, les pètes… Là, il est frais, il est fringant. Le physique rayonne sur le mental. Les deux sont liés. »
Souvent porté par l’orgueil du champion, Matthieu Jalibert a tout de même mis un point d’honneur à prendre une petite revanche personnelle. Il a mis tout le monde d’accord sur la demi-finale de Champions Cup face au Stade Toulousain début mai au Matmut Atlantique. Sur ce rendez-vous, il a su mettre son talent individuel au service du collectif. Depuis, il enchaîne les prestations XXL avec l’UBB. « Ce match face à Toulouse a été une validation parce qu’on attendait beaucoup de ce duel de numéros 10, rappelle Yannick Bru. Matthieu a confirmé ça en finale de Champions Cup mais aussi contre Vannes. Il symbolise aussi les efforts de tous les autres qui sont autour de lui. Il est un peu le porte-drapeau en ce moment. »
Porté par un nouvel élan, le demi d’ouverture a mis le feu sur chacune de ses sorties ces dernières semaines. Ses prises d’initiatives ont souvent fait mouche. Mais il a aussi su se montrer gestionnaire et calmer ses ardeurs lorsque son équipe traversait des moments difficiles. Face à Toulon, il aura encore un grand rôle à jouer pour aider l’UBB à pousser les portes d’une nouvelle finale de Top 14. Où il espère bien être à 100 % cette fois.