Posted 30 March 2007 - 20:14 PM
Une séquence vidéo où Ségolène Royal préconise d’appliquer les 35h aux enseignants, une autre prise pendant les émeutes Gare du Nord, la vidéo d’Alain Duhamel déclarant son soutien à Bayrou: nombreuses sont les images qui se sont invitées dans la campagne présidentielle.
Qu’elles soient prises sur le vif par des citoyens ou ressorties des cartons par des militants, ces images ont fait cliquer des millions d’internautes. Car c’était dit, la campagne 2007 se jouerait sur l’Internet. Mais où en est cette révolution qu’on attendait tant? Le point sur la «Net campagne» à trois semaines du premier tour.
Ségolène Royal et les profs
«Moi je pense qu'une révolution c'est de faire les 35 heures au collège, c'est à dire que les enseignants restent 35 heures au collège», déclare Ségolène Royal dans une vidéo tournée en janvier 2006, alors qu’elle n’est pas encore candidate. Pourtant, la séquence apparaît sur le Net onze mois plus tard, en novembre 2006, juste avant que les socialistes votent pour désigner leur candidat officiel.
Cette vidéo, vue près de 700.000 fois, reprise dans les journaux télévisés, a eu un impact direct sur le programme de la campagne. «Une main anonyme parvint à imposer son agenda au débat public, relève Daniel Schneidermann. Plusieurs jours durant, une discussion surréaliste sur les heures supplémentaires des profs de collège fut promue thème central de la campagne socialiste, écartant les banlieues et l'intégration, supplantant le réchauffement de la planète, étouffant même dans l'oeuf un éventuel débat sur la panne de croissance française».
A venir: L'interview d'André Gunthert, chercheur à l'Ecole des Hautes Etudes des Sciences Sociales...
La reine du Net
Ni Nicolas Sarkozy, ni François Bayrou, ni Jean-Marie Lepen n’ont été à ce point visés par des images virales. Ségolène Royal est incontestablement la candidate qui a le plus à la fois souffert et profité de vidéos circulant sur son compte. «Ségolène Royal est très représentée sur le Net car elle a une stratégie bien pensée, explique Rémi Douine, thésard en sciences économiques et créateur d’un outil pour mesurer l’audience des vidéos politiques. Les vidéos qui la concernent ne sont pas seulement sur son site «Désirs d’avenir», mais sont aussi diffusées sur des blogs relais. Elle a bien compris que, pour accroître sa notoriété, il fallait délocaliser les contenus. Tout le contraire de Nicolas Sarkozy dont les vidéos sont uniquement sur sa «Sarko TV». Sa communication est très refermée, il pêche là-dessus. Il a encore une stratégie de média de masse, pas une stratégie Internet: il envoie un signal sur «Sarko TV», mais pour voir ce signal, il faut venir sur son site. Résultat? Cela accroche uniquement l’audience sarkozyste, pas les autres internautes».
Outre la séquence des 35 heures pour les profs, outre la séquence où Pierre Bourdieu dit de Ségolène Royal qu’elle a des idées de droite, une autre vidéo a été maintes fois diffusée, celle où la candidate socialiste se trompe sur le nombre de sous-marins nucléaires français. «Un», dit-elle au journaliste d’RMC qui lui pose la question devant la caméra de BFM TV. «Non, sept», rebondit le journaliste. Au final, la bonne réponse était quatre. Au cœur de cette campagne où Ségolène Royal est souvent accusée de mal connaître ses dossiers, cette vidéo illustre la frénésie avec laquelle sont épinglées les petites phrases des candidats dans cette campagne.
Duhamel, victime collatérale?
Si Ségolène Royal ne défaillit pas, il y en a qui résistent moins bien au choc du buzz. Alain Duhamel par exemple. Bayrou, «c’est quelqu’un que j’aime bien et je voterai pour lui», lâche l’éditorialiste, invité à Sciences-Po en novembre 2006 pour débattre avec l’actuelle directrice de campagne de François Bayrou, Marielle de Sarnez, sur les questions européennes dans la campagne présidentielle. La séquence est filmée et se retrouve, le 5 février 2007, sur le site des jeunes UDF. Dix jours se passent encore avant que la vidéo soit l’objet d’un buzz infernal (à ce jour, la vidéo a été vue plus de 145 000 fois). Le tout se finira par la suspension du journaliste, dès le 15 février, de France 2 et de RTL, où il officiait jusqu’alors. Première victime d’une Net campagne, Duhamel? Sans doute…
Insécurité, le retour
Gare du Nord, à Paris, lors des violences du 27 mars 2007. Une vidéo plutôt bien filmée témoigne de la panique ambiante. CRS d’un côté, usagers de l’autre, mouvements de panique entre les deux. «Cette vidéo est très éditorialisée, dit Rémi Douine. Le contexte est expliqué, il y a un texte introductif, comme si le reportage se voulait journalistique».
Les différents candidats ont tôt fait de se rejeter la faute les uns sur les autres. Dans la ligne de mire du PS et de l'UDF, l'ex-ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy. «En cinq ans d'un gouvernement de droite qui avait fait de la sécurité son thème de campagne, on voit que c'est l'échec sur toute la ligne», a déclaré Ségolène Royal. Et voici comment resurgit le thème de l’«insécurité», un sujet tabou depuis le 21 avril 2002, un sujet qui, depuis la précédente élection présidentielle, porte l’ombre de Jean-Marie Le Pen.
Et après?
François Bayrou, le candidat UDF qui a fait une apparition fulgurante dans les sondages il y a un mois, semble suivre la même progression sur le Net. «Des blogs de soutien au candidat UDF apparaissent aujourd’hui, alors qu’ils n’existaient pas en février, dit Rémi Douine. Le 24 mars, on a même enregistré un pic sur les vidéos clips de Bayrou au Zénith, comme pour pallier le manque d’exposition du candidat à la télévision».
Jusqu'à présent, la Net campagne n'est donc pas aussi révolutionnaire qu'annoncée. Selon Thierry Vedel, chercheur au CNRS et spécialiste des nouvelles technologies, «seuls 15 à 20% des électeurs iront chercher des informations politiques sur la toile durant la campagne présidentielle. Alors que 75% des Français regardent un journal télévisé»...
AA
20Minutes.fr, éditions du 30/03/2007 - 18h02