Le Stade Toulousain face à la menace d'un retrait de points dans l'affaire du transfert de Melvyn Jaminet
INFO L'ÉQUIPE. Après s'être acquitté d'une amende de 1,3 million d'euros dans le volet salary-cap de l'affaire du transfert de Melvyn Jaminet, le Stade Toulousain est désormais convoqué le 8 décembre devant le conseil de discipline du rugby français.
L'affaire Stade Toulousain-Melvyn Jaminet n'est pas encore classée. Certes, le club le plus titré de France et d'Europe a réglé, au printemps dernier, une amende négociée de 1,3 million d'euros, reconnaissant avoir enfreint le règlement du salary-cap. Certes, Jaminet, qui s'est établi à Toulon, a fini par être remboursé par Toulouse de tout ou partie des 450 000 euros qu'il avait « avancés » pour casser son contrat à Perpignan et ainsi rejoindre le club de Didier Lacroix en 2022.
Mais il restait à attendre le résultat de l'instruction menée par l'A2R (Autorité de régulation du rugby). Connue jadis sous le nom de DNACG, elle s'était saisie au mois de mars dernier du dossier de ce transfert, non pas sous l'angle salary-cap, déjà purgé via l'amende de 1,3 million, mais sous celui purement comptable.
Des manquements aux obligations faites à tous les clubs constatés par l'A2R
Après sept mois d'investigation, après de nombreuses auditions des parties prenantes de ce dossier complexe, l'A2R, cogérée par la Fédération française de rugby (FFR) et la Ligue nationale de rugby (LNR), a décidé, selon nos informations, de saisir la formation « Régulation » du conseil de discipline du rugby français. Le Stade Toulousain est convoqué pour une audition le 8 décembre. Cela signifie qu'à l'issue de son instruction, l'A2R, chargée de veiller à l'équité économique du Top 14 et de la Pro D2, a constaté des manquements aux obligations faites à tous les clubs.
S'agissant du transfert de Melvyn Jaminet entre Perpignan et Toulouse, l'A2R devait s'intéresser au contrat passé entre Toulouse et la société Pacific Heart, en vérifier la sincérité et la réalité, et ainsi s'assurer de la conformité des écritures comptables.
Dans L'Équipe du 28 janvier dernier, nous révélions pourquoi Jaminet avait contracté deux emprunts personnels afin de pouvoir « sortir » de son contrat avec l'USAP (il lui restait deux saisons à honorer) et rejoindre ainsi le Stade Toulousain, respectant en cela une clause tout à fait régulière entre Perpignan et le joueur. Nous révélions surtout que ces 450 000 euros n'avaient pas été restitués à l'arrière international (25 ans, 20 sélections) alors qu'ils devaient, en toute logique, être compensés par le Stade Toulousain.
Melvyn Jaminet, en 2021, alors sous les couleurs de Perpignan. (F. Seguin/L'Équipe)
Derrière ce transfert, un montage financier impliquait à la fois l'ancien avocat Arnaud Dubois et le Stade Toulousain du président Didier Lacroix, dont tout indique qu'il cherchait alors un moyen de contourner le salary-cap, son club ayant atteint le plafond autorisé.
Et derrière ce montage, un contrat en particulier intriguait : celui passé entre le Stade Toulousain et la société Pacific Heart, inscrite au registre du commerce de Papeete (Tahiti) et dirigée par Cynthia Teinaore. Dans le cadre de cet accord commercial, le Stade Toulousain avait versé à Pacific Heart un montant de l'ordre de 500 000 euros, une somme proche des emprunts de Melvyn Jaminet, dans le but d'organiser un stage aux Fidji ainsi qu'un match. Mais Toulouse a rapidement abandonné le projet « Fidji » tout en consentant à payer cette somme d'argent considérable, alors même que les termes du contrat lui permettaient de ne pas s'en acquitter.
L'A2R a la possibilité de saisir un procureur de la République
Comment justifier ce mouvement financier ? Qu'est devenu l'argent versé par Toulouse à Pacific Heart ? À quoi et à qui a-t-il réellement servi ? Ces questions auraient pu convaincre un parquet d'ouvrir une enquête. Ce n'est peut-être qu'une question de temps. Parallèlement à la saisine du conseil de discipline du rugby français, l'A2R peut saisir un procureur de la République en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale. En cas de sanctions, ce ressort judiciaire pourrait être actionné.
Composée à parité de membres désignés par la FFR et la LNR, en général des personnalités qualifiées issues du monde de l'entreprise et de cabinets d'expertise comptable, la formation « Régulation » du conseil de discipline dispose d'un large panel de sanctions selon la gravité de l'infraction constatée.
Il peut s'agir d'une amende, d'une interdiction de recruter, d'un retrait de points au classement du Championnat, d'une interdiction de participer à la phase finale, d'une rétrogradation en division inférieure, d'un blocage des versements de la LNR... Le retrait de points, tout comme l'interdiction de phase finale, ne peuvent être prononcés pour la saison en cours que si la décision intervient avant le 31 janvier.
Sinon, ils sont reportés sur la saison suivante. Si le dossier toulousain, qui pourrait être traité le 8 décembre sous l'angle du point de règlement « comptabilisation frauduleuse et/ou financements détournés », fait l'objet de sanctions sportives, elles seront applicables pour la saison en cours, l'appel n'étant pas suspensif. Ces dernières saisons, pour des incohérences de budget, parfois assorti du non-respect de dispositions préalables de l'A2R, Grenoble a écopé d'un retrait de 12 points fermes en première instance, Dax de 5 et Biarritz de 3.