L'équipe du jour :
RUGBY
MONTPELLIER TOP 14
Altrad divise
PHILIPPE PAILHORIES
PRIS À PARTIE PAR CERTAINS DE SES HOMOLOGUES, DONT L'AGENAIS ALAIN TINGAUD, LE PRÉSIDENT MONTPELLIÉRAIN A TENU À CLARIFIER LES CHOSES. SANS MASQUER SON IRRITATION.
MONTPELLIER - Il pèse chacun de ses mots, même si certains disent de l'agacement. Mohed Altrad a pris le temps avant de réagir aux propos cinglants de certains de ses condisciples, et notamment ceux du président d'Agen, Alain Tingaud. Le vice-président de la LNR en charge de la formation et de la reconversion a parlé dans Midi-Olympique de «comportement de prédateur», de «gens qui ne respectent plus rien» à propos du cas de Mike Tadjer, le talonneur lot-et-garonnais censé rejoindre Montpellier alors qu'il lui reste un an de contrat au SUA. Dans son sillage, le Bordelais Laurent Marti a argué sur Eurosport du fait que Mohed Altrad « ne connaît pas encore les us et coutumes» d'un monde qu'il pratique pourtant depuis cinq saisons maintenant... Des attaques pas vraiment du goût d'un homme déjà apostrophé dans l'affaire Willemse, dont le départ de Grenoble l'été dernier, un an avant le terme de son contrat, n'avait que très peu été goûté par le président Marc Chérèque. « J'ai aussi parlé avec Jacky Lorenzetti, insiste Tingaud, qui a quelques griefs contre le MHR concernant le départ d'un de ses joueurs (Dumoulin).»
Sur le fond de toutes ces récriminations, Mohed Altrad est prêt à échanger. La forme, en revanche, le contrarie beaucoup. «Alain Tingaud dit que j'ai réussi en ma qualité d'entrepreneur, que je ne suis pas le seul, que j'ai des millions mais qu'il n'a pas de leçons à recevoir de quelqu'un comme moi. Mais de quoi se mêle-t-il et en quoi ma vie, ma fortune ont-elles une influence dans l'affaire qui nous occupe ? Il mélange tout. Peut-être nourrit-il simplement un complexe par rapport à la réussite, l'argent, je n'en sais rien. Tout ça n'est pas très constructif. J'aurais préféré qu'il me contacte directement plutôt que de chercher à se faire mousser dans la presse.»
Le fond, alors... Pour commencer, le cas Mike Tadjer. «Il faut savoir que sa belle-famille est d'origine catalane et que son profil, oui, nous intéresse. Son agent nous a fait une proposition, il a ensuite amené un contrat signé par Tadjer lui-même. Mais comme il est toujours engagé avec Agen, nous n'avons pas apposé notre signature. » Sur chacun des faits reprochés, Mohed Altrad avance des arguments tout aussi recevables. « Dumoulin, dit-il ainsi, était en fin de contrat. Son agent l'a proposé à beaucoup de clubs. On lui a fait une offre, il l'a choisie. Je ne vois pas la faute, l'erreur, je ne vois pas où est le scandale. »
15 : Le nombre de joueurs recrutés par Montpellier cette saison : Jan. Du Plessis, B. Du Plessis, S. Van der Merwe, Willemse, Jac. Du Plessis, Liebenberg, N. White, Wright, Catrakilis, Malzieu, O’Connor, F. Steyn, Nakailagi, Mogg, Spies. Sans compter les jokers médicaux arrivés depuis le début de saison (Van Wyk, Vulivuli, MacKintosh ou Kubriashvili)
"On est montré du doigt, c'est vrai" MOHED ALTRAD
L'affaire Willemse ? « Quand Willemse a vu que nous recrutions certains de ses amis d'enfance (Liebenberg, Jacques Du Plessis), il a demandé à venir chez nous, raconte Altrad. On a commencé à discuter, mais comme il était sous contrat, nous lui avons indiqué que nous ne souhaitions pas payer la dernière année. À l'entraînement, il a eu une altercation, avec Hendrik Roodt je crois, et il n'a plus voulu rester. Il s'est donc acquitté luimême de cette dernière année. Le club lui a avancé une partie de la somme que nous ponctionnons sur son salaire. Je ne vois pas, là non plus, où est la faute.»
Le cas Pierre Bernard est peutêtre le plus épineux. «Son agent, Yoan Lamaison, nous a expliqué, une première fois, une deuxième fois, une troisième fois, que Bordeaux était disposé à le libérer. On lui a fait savoir que ça pouvait nous intéresser et on en est resté là. L'agent m'a demandé d'appeler Laurent Marti. Je l'ai eu de vive voix. Là, il m'a dit que Bernard avait encore un an de contrat, qu'il voulait bien le lâcher à condition que je paie une année de son salaire. J'ai dit qu'il n'en était pas question, voilà, la page Bernard est tournée.»
Pas sûr que toutes ces justifications tempèrent l'exaspération des uns et des autres. Montpellier, aujourd'hui, est un club dont l'image est écornée. On critique ses méthodes, ses codes, sa stratégie et notamment le nombre de joueurs sud-africains (15) mis au service de Jake White. « On est montré du doigt, c'est vrai, soupire Altrad, et je ne sais pas pourquoi. Je n'attaque personne, je n'insulte personne, je fais juste en sorte que le modèle économique que nous avons choisi fonctionne. Sans doute, d'ailleurs, fait-il des jaloux, ou les autres ont-ils peur.»
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Une polémique confuse
R.B.
CERTES ACTIF SUR LE MARCHÉ DES TRANSFERTS, MOHED ALTRAD SEMBLE POURTANT EN RESPECTER LES RÈGLES.
Les colères d'Alain Tingaud (Agen) et Laurent Marti (UBB) à l'endroit de Mohed Altrad ont surpris par leur violence, mais surtout par leur objet. Le patron du MHR a contacté des joueurs (Tadjer et Bernard) encore sous contrat pour leur faire signer des précontrats pour la saison 2016-2017. Une pratique assez répandue dans le monde professionnel. Par exemple, à l'heure actuelle, les patrons du Top 14 planchent déjà sur leurs effectifs de l'exercice 2017-2018, ce qui les conduit, inévitablement, à discuter avec des joueurs liés à leurs couleurs actuelles pour un moment encore. Comme n'importe quel salarié, un joueur peut casser son CDD de trois manières, énumère Christian Chevalier, expert en droit du sport : « D'un commun accord, pour faute grave d'une des deux parties, et dans un cas de force majeure. »
Aucune des conditions n'étant remplie, ici, il s'agit d'entamer une négociation de gré à gré dont l'objectif est de satisfaire les envies d'ailleurs du joueur, et de fixer le montant du chèque, seul capable de faire digérer ce départ à son futur ex-président. Sans accord, le joueur est bloqué. « Tant que la LNR n'a pas reçu d'avenant de résiliation au contrat, elle ne considérera pas
que celui-ci est rompu et n'enregistrera pas le nouveau, précise l'avocat. C'est comme ça que la Ligue bloque le système et oblige les joueurs à se mettre d'accord avec les clubs. » Elle prévient ainsi l'illusion de l'instauration d'un mercato façon football. « Pour qu'il y ait un marché des transferts, il faudrait déjà qu'il y ait un marché, coupe l'agent Laurent Quaglia. Dans ce cas, il faudrait qu'il y ait trois, voire quatre offres et des négociations entre les parties qui font monter les enchères. » Aujourd'hui, un joueur quittant un club avec lequel il est encore engagé paie très rarement au-delà du montant de sa dernière année de contrat, sauf bras de fer entre les deux clubs.