Pour moi , un recrue de choix pour un vrai projet. extrait de Sud Ouest
» TOP 14 / SECTION PALOISE Les horizons de « Monsieur Perez » Nouveau directeur de la formation de la Section Paloise, Pierre Perez a formé des générations entières de joueurs professionnels et internationaux en tant que responsable des pôles espoirs d’Ussel et de Bayonne
«Vous allez essayer de me faire parler ? Je vous préviens, je n’ai pas trop l’habitude… »
Signé Pierre Perez, l’avertissement est trompeur. Un tel préambule pourrait laisser supposer que le nouveau directeur de la formation de la Section Paloise est avare de mots. Il n’en est rien. Le sexagénaire est en réalité volubile. Passionné, parfois habité, ce tout frais retraité de l’Éducation nationale vit pour le partage des idées et des expériences. Mais cet exercice, le Bigourdan le pratiquait jusque-là dans l’ombre médiatique. Si son nom ne trouve pas toujours de résonance auprès du grand public, il est incontournable dans le petit monde du rugby. Demi de mêlée de Tarbes, du Racing et d’Ussel, club avec lequel il a joué en première division, entraîneur de Brive à la fin des années 80 et de Bayonne au milieu des années 90, cet ancien professeur d’EPS présente un CV particulièrement consistant. Il le reconnaît dans un sourire : « Ma carte de visite est assez sympa. »
Paradoxalement, c’est en s’éloignant des terrains de l’élite que sa réputation a gagné en envergure. Responsable des pôles Espoirs d’Ussel de 1982 à 1992, puis de Bayonne jusqu’à cet été, Pierre Perez a contribué à former et à détecter un nombre incalculable de joueurs pros et internationaux. De Magne à Hastoy Olivier Magne, Serge Betsen, Sébastien Viars ou encore Philippe Bidabé se sont nourris de ses enseignements. Plus récemment, Romain Buros, Arthur Iturria, Lucas Rey, Yann Lesgourgues, Alexandre Roumat, Quentin Lespiaucq, ou encore Antoine Hastoy ont fréquenté les classes du lycée René-Cassin de Bayonne où il officiait. Près de 40 ans de formation oblige, cette liste est non exhaustive… Comme pouvait le laisser suggérer son différend avec les dates - « je ne me retourne pas sur le passé » - Pierre Perez n’apprécie pas le petit jeu du recensement : « Il ne faut pas s’attacher qu’aux internationaux. C’est la vitrine. Mais les autres, même ceux qui font autre chose aujourd’hui, ne sont pas moins riches. » Placer l’humain au centre de tout, voilà le mantra de Pierre Perez : « Comment pourrionsnous mettre l’humain en dehors du rugby ? Une victoire et une défaite, c’est de l’émotion ! » Une approche devenue une marque de fabrique. « Pierre a une incontestable légitimité dans le domaine de la formation », insiste Sébastien Piqueronies, manager de la Section qui l’avait contacté dès le mois de mars dernier pour l’attirer en Béarn : « C’est l’un des seuls qui fait totalement l’unanimité par rapport aux jeunes dont il a eu la charge : il laisse une trace indélébile. » Romain Buros confirme sans restriction : « On a fait un repas avec les copains de la promo. Il nous disait qu’on pouvait le tutoyer, mais on n’y arrivait pas. Pour nous, ce sera toujours Monsieur Perez. » Et l’arrière de l’UBB de relancer : « Il accorde tellement d’intérêt à la personne. J’en parle presque comme d’un deuxième père parce qu’il m’arrivait de craindre presque plus ses réactions que celle de mon père lorsque j’avais des mauvaises notes. Il a un charisme énorme. » L’anecdote ébranle un Pierre Perez ému : « Je donne pour que l’élève ait le goût de ce qu’on peut lui donner. La seule chose qu’il risque, c’est de le perdre. » Modernité Le directeur de la formation de la Section aime à répéter que «le rugby n’est qu’un prétexte à la rencontre ». Un « prétexte » auquel il s’est pourtant totalement dédié. Petit-fils de l’un des fondateurs du Stadoceste Tarbais, fils d’un ancien dirigeant et entraîneur du club tarbais, Pierre Perez a grandi avec les images d’Epinal du rugby. Enfant, il a vu le Brennus de 1979 trôner dans la cuisine de ses grands-parents. Il a observé sa grand-mère cirer les lourds ballons en cuir chaque semaine. Il a entendu les histoires racontant comment son grand-père réparait les shorts du « Stado » avec des vieux draps blancs. Et pourtant, il véhicule depuis longtemps des préceptes d’une indémodable modernité. « Je rêve d’un joueur capable de tout comprendre, de tout lire tactiquement », s’emballet-il : « On loue toujours les Blacks, mais ils jouent tout simplement au rugby ! Quand il faut faire du déployé, ils le font. Quand il faut cadenasser, ils le font. Quand il faut taper dans les côtes, ils le font aussi. Ils exploitent toutes les formes. » Romain Buros a été marqué par cette approche : « Lors d’un entraînement du mercredi au pôle Espoirs, Lucas Rey avait récupéré un ballon en fond de touche et avait mis sur le cul Manu Ordas qui jouait à l’ouverture. Pierre avait tout de suite arrêté le jeu : « Oui, tu as avancé. Mais regarde, il y avait tellement mieux à faire. » La foi de l’aventurier Pierre Perez l’avoue, sa vision l’a parfois éloigné des formes de jeu qui s’imposaient dans le rugby. « On a parfois atteint des caricatures. Comme lorsqu’on faisait jouer au centre un garçon qui pouvait disputer 12 rucks dans un match sans se préoccuper de savoir s’il pouvait faire des passes. » Le monde professionnel l’a parfois rebuté également. « J’ai entraîné Bayonne avec mon ami, aujourd’hui disparu, Patrick Perrier. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas fait pour moi. Robotiser les gens, ne prendre en compte que la performance, placer les datas au centre de tout… Je pense qu’il y a des justes milieux. » C’est pourtant à la Section qu’il a fait le choix d’ouvrir un nouveau chapitre alors qu’il aurait pu profiter de sa retraite. La présence de ses parents à Tarbes, la proximité des montagnes - « ma deuxième passion » - constituent autant d’explications à ce choix. Mais la principale se résume en un nom : Sébastien Piqueronies. « Il m’a appelé en mars dernier, on avait créé des liens d’amitié lorsqu’il était au pôle Espoirs de Jolimont, raconte Pierre Perez. Le deal est simple : le rugby nous a rapprochés, donc il ne nous séparera pas. Il faut qu’on soit clairs dans nos positionnements, solidaires dans nos décisions, transparents dans nos discordes s’il y en a. » Ce rebond inattendu pourrait être interprété comme l’expression de la peur de ressentir un manque. Pierre Perez objecte : « Je n’avais pas peur du manque parce que j’avais fait le tour : je me suis régalé ! Mais je suis comme un aventurier qui ne peut plus mettre un pied devant l’autre après avoir fait le tour du monde et qui, finalement, se rend compte qu’il peut encore découvrir des choses. Moi, je peux découvrir un nouvel horizon.
SON PROJET À PAU« UTOPIE »
Pour expliquer l’idée qu’il se fait de sa mission à la Section, Pierre Perez livre d’abord une vision : « L’une de mes utopies, c’est que tout enfant qui se lève et ouvre sa fenêtre au pied des Pyrénées puisse justement jouer au pied des Pyrénées. Je pense que c’est faisable. Et que les gens se disent que si on ne peut pas le voir jouer à Tarbes ou Oloron, alors on va faire 40 kilomètres pour aller jusqu’à Pau. C’est donner un ancrage affectif. » C’est exactement pour cela que Sébastien Piqueronies a vu dans son profil une « évidence » : « Il faut travailler sur l’identité du club. Développer le côté fédérateur. » Pierre Perez a donc vocation à prendre de la hauteur tout en ayant un œil sur toutes les catégories. « Une de mes missions, c’est de partager l’expérience, de provoquer des moments d’échange avec les entraîneurs pour que la formation de la Section soit un plus. Et que le discours ne soit pas uniquement « vient, prend des sous, tu seras champion de France ». Le club peut rayonner sur un territoire en donnant de l’appétence. Il faut qu’on soit bienveillant, que les gens se sentent bien accueillis. L’ambition, c’est que les gens se tournent naturellement vers la formation paloise. Ça ne se fera pas du jour au lendemain. C’est un travail de l’ombre. »