Sous le soleil d'Alicante, Clermont prépare son déplacement de dimanche à Bordeaux dans une belle sérénité. Seul leader du Top 14, le club auvergnat peut s'offrir le luxe de regrouper ses troupes, éparpillées par le Tournoi des Six-Nations, dans un stage de cohésion. Mais ce n'est pas son seul confort. À l'heure de choisir son équipe pour affronter l'UBB, Franck Azéma, le manager, pourra sans doute se permettre de laisser ses deuxième ligne internationaux Paul Jedrasiak et Sébastien Vahaamahina souffler en tribune s'il le souhaite.
Il pourra alors choisir d'aligner Loïc Jacquet et Flip Van der Merwe, à défaut de Jamie Cudmore, toujours blessé, mais surtout tricard depuis qu'il a critiqué son club publiquement (1). Mais Azéma pourrait surtout offrir une nouvelle occasion à Arthur Iturria (21 ans, 1,98 m) de s'aguerrir en Top 14.
Iturria ? Le patronyme respire le Sud-Ouest (mais n'a rien à voir avec le célèbre dessinateur du journal), et vient tout droit de Bayonne, dont Peio, le paternel, est originaire. En réalité, Arthur Iturria a grandi à Morlaas, en Béarn, où il a découvert le rugby après avoir tâté avec succès de la pelote. Julien Lortet l'a entraîné dès l'école de rugby jusqu'en cadets et avait rapidement décelé un talent hors-normes. « Arthur a toujours été plus costaud que les autres, mais en plus, il était adroit de ses mains. Vraiment pas le deuxième ligne bourrinasse… Il a tout de suite été un joueur moderne. Quand il était gamin, il traversait le terrain, mais il faisait jouer les copains. C'était tellement facile pour l'équipe, qu'on le mettait parfois sur le banc pour montrer aux autres qu'ils pouvaient gagner sans lui. »
Un match, 17 plaquages
Ces qualités « hors-norme » n'ont échappé à personne dans le rugby du Sud-Ouest et d'ailleurs. Clermont a tenté d'attirer le gamin dès ses 16 ans, en vain. « Je suis allé visiter le club pour le fun, mais c'était un peu tôt pour partir », se souvient le grand blond à la bouille encore juvénile, qui a finalement opté pour le pôle espoir de Bayonne et les conseils sages et avisés de son directeur, Pierre Perez, formateur de plusieurs générations de grands joueurs (Magne, Betsen, Beauxis, Viars etc.).
"C'est le futur Retallick. Si ça ne tenait qu'à moi, il serait déjà international" - Olivier Magne
« Arthur, je l'ai eu pendant trois ans et je l'ai vu commettre deux fautes de mains ! C'est un des joueurs les plus doués qu'il m'ait été donné d'entraîner. Chez nous, il a trouvé un équilibre et s'est mis à beaucoup travailler. Pour moi, c'est un futur grand, il pue le rugby. Hélas, il n'est pas Australien ou Sud-Africain, sinon, il jouerait… » Pierre Perez le dit avec humour, mais le sujet l'agace. « C'est le problème du rugby français aujourd'hui. À l'âge d'Arthur, Olivier Magne avait déjà au moins 30 matches d'élite derrière lui. Mais dans ce Top 14, on ne fait pas assez confiance aux jeunes. Et Arthur symbolise tout à fait cela. J'espère qu'on ne passera pas à côté… »
A priori, le risque est mince. Car Clermont n'a pas lâché la pépite, durant ses trois ans à Bayonne, histoire d'être sûr de l'attirer dès ses 18 ans dans son centre de formation. Mais l'ASM prend désormais tout son temps et (sur) protège son espoir. Iturria n'est apparu cette saison qu'à cinq reprises en équipe première, pour une seule titularisation. C'était à Brive le 6 décembre dernier et ce jour-là, l'ASM avait remporté un terrible combat sur son rival, jusque-là invaincu à domicile. Et le jeune Iturria, sérieusement « testé » par les Brivistes, n'avait pas flanché. Auteur de 17 plaquages, examen de passage réussi. Mais depuis, celui qui peut aussi évoluer en troisième ligne n'est entré que trois fois en jeu.
« C'est du gâchis, s'emporte Olivier Magne, entraîneur des avants en équipe de France des moins de 20 ans. Arthur, c'est le futur Brodie Retallick (deuxième ligne star des All Blacks) français. Il sait tout faire. Il a tout compris sur la conquête, c'est un formidable tacticien en touche. Je pourrais vous en parler pendant des heures. Honnêtement, je ne lui connais pas de défaut, à part peut-être dans les tirs au but de loin, rigole l'ancien flanker des Bleus. » Car Iturria bute, « mais juste pour m'amuser », sourit-il.
« On perd trop de temps »
En attendant, il ne joue pas trop, et Magne n'en démord pas, c'est une erreur. « Il faut qu'Arthur joue, on a trop perdu de temps avec lui ! Il est déjà prêt pour le haut niveau. Si ça ne tenait qu'à moi, il serait déjà international. Et de toute façon, il le sera. Dans mes rapports au staff du Quinze de France, il a toujours figuré en tête de liste », s'enthousiasme encore l'ancien Dacquois et Briviste.
L'intéressé, lui, prend son mal en patience. « Je dois encore travailler mon physique, prendre du volume, bosser les rucks et la poussée en mêlée. » Pour qu'enfin il puisse se mesurer à la concurrence et offrir une option de plus à Guy Novès, qui ne peut pas compter avec les Bleus, sur la même opulence que Clermont…
(1) Après la défaite de l'ASM face à Bordeaux (28-37), synonyme d'élimination en Coupe d'Europe, le deuxième ligne canadien avait appelé à « un coup de balai dans les bureaux » et lâché un « rendez-nous Vern (Cotter) » sur son compte twitter. Sortie très peu appréciée par la direction du club…
, c'est allez
