Publié le
mardi 19 février 2019 à 14:17
| Mis à jour le
19/02/2019 à 19:12
Alors que son avocat vient de déposer une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d'autrui », Jamie Cudmore (40 ans), victime de trois commotions en 2015 alors qu'il jouait pour Clermont, explique les raisons de sa démarche devant la justice et sa position compliquée.
Dominique Issartel
« Quand avez-vous décidé de porter plainte ?
J'ai pris ma décision il y a une dizaine de jours, après avoir beaucoup réfléchi avec mon épouse, ma famille et quelques amis proches. Il m'a semblé que si je ne le faisais pas, si les clubs professionnels ne se font jamais taper sur les doigts, il y aura toujours des problèmes dans les catégories de jeunes qui prennent exemple sur les joueurs de haut niveau.
Le protocole commotion est pourtant mieux respecté depuis près de deux saisons...
Beaucoup de choses ont été mises en place, c'est vrai, en particulier le système de vidéosurveillance (un membre du staff médical de chaque équipe de Top 14 et de Pro D2 a accès à tous les ralentis nécessaires en cours de match). Cela ne suffit pas. En réalité, je suis un militant de la sortie définitive au moindre doute mais malheureusement, ce n'est pas le règlement. Alors, au moins, le protocole doit être respecté à la lettre. Les derniers chiffres de World Rugby montrent une amélioration : avant le protocole, 56 % des joueurs restés sur le terrain après avoir été évalués en cours de match déclaraient une commotion dans les heures suivantes. C'est-à-dire qu'ils avaient joué commotionnés. Aujourd'hui, ce chiffre a été divisé par deux. On est entre 25 et 28 %. C'est quand même trop il me semble.
« Au lieu de me dénigrer, ils devraient rester sur les faits »
Après la publication des conclusions de l'expert, le mois dernier, le président Eric De Cromières avait souligné vos contradictions, déclarant : ''Personnellement, je reste persuadé que des commotions, Jamie Cudmore n'en a pas fait qu'au rugby. Quand il était bûcheron, quand il était boxeur...''
Je ne souhaite pas parler de ce genre de réactions. Selon moi, au lieu de me dénigrer, ils devraient rester sur les faits et sur le contenu du rapport. L'expert estime que je n'aurais pas dû continuer à jouer après le deuxième choc subi en finale (de la Coupe d'Europe, le 2 mai 2015) et que l'ASM n'a pas respecté le protocole commotions. Point. Ma réponse, c'est de déposer plainte contre X.
Beaucoup de clubs ne respectent pas le protocole commotions à votre avis ?
Je pense que cela va beaucoup mieux mais, en France particulièrement, de vieilles habitudes persistent et il y a toujours quelqu'un pour essayer de contourner la règle. La pression est telle que la tentation de laisser un joueur sur le terrain pour un match important est grande, surtout que le joueur est le plus souvent d'accord... Et puis il y a plusieurs exemples de cas où le protocole commotion a clairement été détourné, juste pour permettre un remplacement. On ne peut pas jouer avec les règlements qui concernent la santé.
« Je sais que je vais être seul dans ce combat »
Depuis le début de cette affaire, en 2015, vous saviez que cela finirait par une plainte en justice ?
Non. Mon but n'était pas d'attaquer Clermont. J'avais même écrit une lettre recommandée en novembre 2015 (voir document) pour leur signaler la façon dont mon cas avait été traité, pour leur dire que cela n'allait pas et qu'il fallait faire quelque chose. Je pensais qu'ils réagiraient posément et qu'ils resteraient sur la ligne dont ils se prévalent depuis des années : la prévention des commotions. Au lieu de cela, ils ont été dans la réaction et m'ont accusé de trahison. Le reste a découlé de cette attitude mais ce n'est pas une chose facile d'avoir déposé cette plainte. Depuis ce matin, à cause de cela, mes mains n'arrêtent pas de trembler.
Cela vous fait peur ?
Non mais ma position est compliquée, pas facile. Je me dresse contre tout un fonctionnement, contre des institutions et je sais que je vais être seul dans ce combat. À mes côtés, il y aura ma femme et mes amis proches, ceux qui me comprennent, ceux qui me croient quand je dis que je mène ce combat pour ne pas que cela continue. »
La lettre de Jamie Cudmore
L'Équipe s'est procuré la lettre envoyée par Jamie Cudmore au manager général de l'époque Jean-Marc Lhermet dès le 9 novembre 2015. Un courrier rédigé au retour de la Coupe du monde où il listait les dysfonctionnements qui avaient conduit à son retour sur le terrain à trois reprises malgré des chocs à la tête lors de la demi-finale et de la finale de Coupe d'Europe.Un document où l'ex-international canadien demande à l'ASM Clermont-Auvergne « de rappeler au staff sportif et médical les graves dangers de la commotion cérébrale ».

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