Le sujet n'a même pas été évoqué en Comité directeur. Ce premier engagement posait d'emblée deux questions :
1. Est-ce cohérent pour une équipe voulant « réinstaurer la démocratie » de proposer comme première mesure d'éliminer le pluralisme ?
2. Comment destituer une entité élue ? À l'époque de la campagne, Bernard Laporte parlait du CNSR comme d'une assemblée devant regrouper les 13 présidents de Ligues (ou représentants). Pour information, les 13 présidents de Ligues n'ont eu droit qu'à une seule réunion, ce qui montre le peu d'intérêt pour les « corps intermédiaires ». Le CNSR revient plusieurs fois au fil des 44 engagements mais comme il n'a jamais existé, la lecture s'en trouve gênée.
Oui : n° 2 : le vote décentralisé.
Cette réforme a été actée mais il n'est possible de voter à distance que pour les assemblées électives. Pourquoi ne pas l'utiliser davantage ? Par exemple pour l'Assemblée générale financière du 1er décembre. Pour rappel, la participation à l'AG de fin de saison dernière, à Perpignan, était faible : 30 % des voix théoriques ont pu s'exprimer et à peine 20 % des clubs étaient représentés.
OUI : n° 3 : limitation du nombre de procuration à une par club.
OUI : n° 4 : un président est limité à deux mandats maximum.
NON : n° 5 : création du Conseil de surveillance financière.
Depuis l'élection, cette promesse s'est perdue dans un couloir du temps. C'est très regrettable quand on sait le dernier résultat financier annuel (-7,35 M€) et quand on pense qu'il manquait vingt pages dans les documents financiers transmis à l'opposition la veille du Comité directeur. Cette notion de transparence fait sourire dès lors qu'on recense le nombre de décisions importantes prises sans passer par le Comité directeur (convention avec le Stade de France, cession des droits marketing de la Coupe du monde 2023, garantie financière pour World Rugby...)
NON :n° 6 : création d'une Haute autorité médicale.
Inconnue au bataillon. L'Observatoire médical du rugby, qui existait déjà avant l'élection de Laporte, fonctionne. Nous avons déjà observé ce phénomène avec la création de la Haute autorité pour la transparence et l'éthique, qui avait été annoncée pour faire diversion au début de l'affaire de la commission d'appel et qui, bien sûr, n'a jamais vu le jour.
OUI : n° 7 : création des 13 Ligues.
Nées d'une obligation légale, les Ligues existent. En revanche, il y a beaucoup à redire sur l'élection régionale de décembre 2017 (L'Équipe a publié un document démontrant que l'équipe Laporte a échafaudé une organisation, prévoyant d'utiliser des salariés de la FFR, pour remporter ces scrutins) et sur le fonctionnement de ces nouvelles entités. Les clubs ont perdu en proximité. Certains bénévoles des Ligues font un kilométrage insensé et finissent par se décourager. Les salariés des anciens Comités se retrouvent dans des bâtiments vides où ils ne voient presque plus personne. Certains élus de ces Ligues commencent à demander des frais... Récemment, l'ARA (association pour le rugby en Auvergne-Rhône-Alpes) a tiré la sonnette d'alarme, annonçant un budget prévisionnel en déficit de 200 000 €. « Une grande première à notre connaissance, a-t-elle fait savoir. Un déficit a succédé à la consolidation du budget de quatre comités territoriaux bien dans leurs finances auparavant. La FFR et la Ligue ne pourront pas vivre impunément plusieurs années au-dessus de leurs moyens. »
NON : n° 8 : création du Fonds national de développement du rugby (FNDR).
Il doit être financé par les recettes sponsoring du maillot de l'équipe de France, complétées par d'autres opérations marketing. Ce fonds doit accorder des aides financières à des clubs pour des projets innovants ou axés sur la formation. Nous en avons vaguement entendu parler mais alors très vaguement. Rien de concret n'a été annoncé.
NON : n° 9 : revalorisation de l'arbitrage. Augmentation des salaires, à rapprocher du salaire moyen des joueurs pros.
R.A.S. Nous n'avons pas pu trouver trace d'une augmentation salariale des arbitres.
NON : n° 10 : instauration des contrats fédéraux pour les internationaux.
Février 2017 : « Il nous faut 40 joueurs sous contrat », assène Laporte sur le plateau de Stade 2. Il précisait ensuite que les joueurs du XV de France avaient signé un document en faveur de cette réforme. Laporte avait simplement omis un détail : la convention des joueurs professionnels leur interdit d'avoir deux employeurs. Autre détail : la FFR n'avait pas non plus les moyens d'assumer les salaires élevés des meilleurs joueurs français. À la télé, Laporte croyait pourtant avoir résolu ce problème : « Aujourd'hui, nous donnons 5 M€ à la Ligue. Si on veut une quarantaine de joueurs sous contrat, ça va coûter 12 M€. Un match supplémentaire contre les Néo-Zélandais, contre l'Afrique du Sud, c'est entre 6 et 8 M€. C'est fini, c'est financé. » On sait depuis que le match supplémentaire contre les All Blacks bis l'an dernier n'a rien rapporté puisque Serge Simon avait décidé de le programmer à 19 h 30, rendant les droits télés invendables.
OUI : n° 12 : limitation de joueurs non sélectionnables chez les pros et en élite amateur.
NON : n° 13 : réforme du calendrier pro. Le calendrier de la LNR sera soumis à l'approbation du Comité directeur de la FFR.
Comme avant Laporte, la LNR envoie ses calendriers à la FFR. Auparavant, leur approbation était déjà soumise au Comité directeur de la FFR. Donc, rien de neuf. La nouvelle convention signée est même moins ferme sur le sujet que la précédente.
NON : n° 14 : mutualisation des droits commerciaux. Création d'une Task Force commune LNR/FFR.
La vente des droits commerciaux devait faire l'objet d'une concertation préalable entre la FFR et la LNR. Et l'appel d'offres d'un prestataire commercial unique devait être mis en place dès les contrats en cours purgés ou renégociés. À peine élue, l'équipe Laporte a voulu mettre au pas la Ligue avant de perdre un procès contre elle à Versailles et de redevenir tout miel. Moins vindicatives, les huiles de la Fédé ont ainsi pu signer une nouvelle convention, source de recettes importantes pour la FFR.
NON : n° 15 : mutualisation des recettes de la LNR et la FFR.
Voir ci-dessus.
NON : n° 16 : suppression du match pro télévisé le dimanche après-midi.
Regardez dans Télé Z ou Télé 7 jours et vous verrez que cet engagement n'est pas tenu. Seul l'horaire a évolué, passant de 16 h 15 à 17 heures, selon un accord passé en janvier 2017 entre la Ligue et la Fédération. Depuis, le match du dimanche se joue à 16 h 50.
NON : n° 17 : Indemnité formation. Le club pro recruteur devra reverser chaque année pendant trois ans 20 % du salaire brut du premier contrat pro au (x) club(s) formateur(s).
Cette taxe n'existe pas. En revanche, la Ligue est en train de finaliser le versement de 3 M€ jusqu'en 2023 au titre d'indemnité de formation.
OUI : n° 19 : sécuriser les 70 postes de CRT (conseillers techniques régionaux) dont le financement fédéral, supprimé au cours des dernières années, a été pris en charge par les Comités territoriaux ou coll
Repoussée plusieurs fois, floue à force de déclarations contradictoires (sur CNews, Laporte avait annoncé l'embauche de 260 formateurs !), cette réforme met du temps à se concrétiser. Au départ, c'est la FFR qui devait recruter les conseillers techniques de Ligue et de clubs. Désormais, ce sont les Ligues qui doivent s'y atteler, avec le risque social qui va avec. Ce sont finalement les Ligues qui devront payer les frais (km, téléphone...). Ce coût non prévu entre en contradiction avec le « financement fédéral » promis dans l'intitulé de l'engagement.
NON : n° 20 : e-Université du rugby français.
OUI : n° 21 : création de 1 000 classes Rugby d'ici 2 020.
Le projet a l'air d'exister mais il n'est pas dans sa phase active.
OUI n° 22 : réforme des couleurs de licence.
OUI n° 23 : réforme des championnats. Fédérale 2 et 3 en poules de douze clubs.
C'est réalisé et cela soulève une question : ne fallait-il pas dans le même temps raccourcir les phases finales pour ne pas augmenter autant le nombre de matches ? En Fédérale 1, le budget de certains clubs souffre des doubles déplacements (équipe première/réserve) instaurés par cet engagement.
NON : n° 25 : révolution numérique : licence et feuille de match dématérialisées, une tablette par club « RugbyPad ».
Le processus est en cours (il avait été lancé par l'équipe Camou). En revanche, si quelqu'un a aperçu une tablette « RugbyPad », merci de nous contacter.
NON : n° 26 : création d'une Centrale d'achat FFR pour les clubs amateurs.
NON : n° 27 : diminuer de 10 % les frais de fonctionnement de la FFR (économie chiffrée à 3M€).
Deux choix : en rire ou en pleurer. Non seulement cet engagement n'a pas été tenu mais c'est le contraire qui s'est passé. La rémunération allouée aux hauts dirigeants a explosé depuis l'arrivée de Laporte (+447 % en deux ans) pendant que les charges de personnel augmentaient de 31 %. Peu après l'élection, en décembre 2016, Alexandre Martinez, le trésorier de la fédération, affirmait sur le site de la FFR : « Il y a quelques engagements auxquels je suis particulièrement sensible comme la mise en place du Conseil de Surveillance financière pour s'assurer que chacun joue bien son rôle, et je m'inclus dedans, et que les ressources qui nous sont confiées sont utilisées pour organiser la pratique pour tous sur l'ensemble du territoire. Je suis attaché aussi à l'engagement 27 qui entend diminuer de 10 % les frais de fonctionnement de la FFR. Cela se chiffre aux alentours de 3M€. Nous avons fait cette promesse aux clubs et je serai vigilant à ce que nous respections nos engagements. » Deux ans plus tard, curieusement, on n'a plus jamais entendu parler de ces deux promesses.
NON : n° 29 : création de 30 sections féminines dans les 30 clubs pros.
OUI : n° 32 : création de contrats fédéraux pour les filles à 7 et à 15.
Les résultats et l'image de fraîcheur des équipes de France féminines sont indéniables. Laporte a bouleversé l'encadrement et ça a donné le contraire de l'effet Brunel.
NON : n° 34 : création d'un poste de DTN adjoint dédié au 7.
NON : n° 37 : arrêt du projet Grand Stade. Cela permettra de faire une économie immédiate de 7 M€ sur les 2 années budgétaires à venir.
Laporte a effectivement arrêté le projet de Grand Stade dans l'Essonne. En revanche, pour la rentrée d'argent de 7 M€, personne n'a rien vu venir. Si c'était le cas, l'engagement n° 37 compenserait les dérapages budgétaires du moment. La gouvernance pouvait sortir du dossier Grand Stade plus finement et faire jouer des clauses de dédit. Laporte et ses lieutenants ont choisi la manière forte et se trouve obligés de provisionner 2,50 M€. Cette gestion ressemble à celle du cas Guy Novès, qui sera examiné le 14 février par les prud'hommes de Toulouse et qui risque fort de coûter cher à la FFR.
OUI : décentraliser les matches de l'équipe de France.
VERDICT
Le résultat est édifiant. Contrairement à ce qu'il prétend, Laporte a déjà renoncé à plusieurs engagements ou ne les a pas initiés. Et contrairement à ce qui a été affirmé devant l'ensemble du rugby français à Perpignan, il est faux de dire que « 26 engagements ont été tenus et 12 sont en cours de réalisation ».