Frédéric Michalak, torse nu, a l’épaule gauche comme ficelée, dans une attelle. Drew Mitchell tire la valise de « Fred », lui ouvre la portière droite de sa voiture. Il est 9 h 45, les deux hommes quittent le centre d’entraînement du RC Toulon, où Bernard Laporte avait convoqué son équipe à 9 heures, hier, pour une séance vidéo imprévue. Elle a duré à peine trente-sept minutes.« C’était très calme », jure Mourad Boudjellal, le président du RCT, lorsqu’il sort à son tour du stade Ange-Siccardi, à 10 h 45. Les Toulonnais se sont inclinés face à Paris (28-24) samedi soir, mais ont aussi perdu deux nouveaux joueurs : Romain Taofifenua, touché au ligament latéral interne du genou droit. « Tao » passera un examen aujourd’hui. Il grimace : « J’ai eu la même chose à gauche, il y a trois ans .» Une longue cicatrice le rappelle…
Et, bien entendu, Frédéric Michalak a vu son épaule – déjà touchée à deux reprises en mars et juin 2013, opérée en juillet de cette année-là – céder de nouveau. Sans attendre les résultats de l’IRM, le RCT s’est mis en quête d’un joker médical à l’ouverture. « Il nous faut trois 10 », affirme Boudjellal. Avec Matt Giteau – touché aux adducteurs et forfait lors des deux dernières journées –, ça fait un. Et pis c’est tout.
Alors, Mourad Boudjellal a enfin officialisé hier matin la signature de Juan Hernandez (32 ans) : « Mais il n’arrivera qu’après le départ d’O’Connor pour les Queensland Reds, en janvier. » Toulon resterait avec le génial Giteau comme unique barreur jusqu’en début d’année ? Non. Boudjellal s’est fixé un objectif impossible : faire sortir Jonny Wilkinson de sa retraite.« Sa décision est définitive, mais je n’ai pas encore enlevé les gants et j’espère encore convaincre Jonny (…). Mais pour l’instant, il arrête », confiait-il dans ces colonnes le 3 juin, trois jours après que l’Anglais eut ramené le bouclier de Brennus à l’issue de son dernier match.
Hier matin, tôt, Boudjellal – en présence de Bernard Laporte – a joint Laurent Quaglia, l’agent de Wilkinson. Demande limpide : qu’il reprenne le fil de sa carrière toulonnaise, débutée à l’été 2009. En 2010, le patron du RCT avait convaincu, prié, pressé Tana Umaga (36 ans à l’époque) de redevenir joueur. Plus tard dans la matinée c’est Pierre Mignoni, entraîneur des lignes arrières de Toulon, et ancien demi-de mélée de Wilkinson, qui a joint l’Anglais au téléphone pour lui proposer le projet. Alors, après la légende All Black, l’icône anglaise? Les cas de figure sont très différents. Umaga avait été dégradé, de manager à adjoint de Philippe Saint-André. Wilkinson, lui, est parti sur un doublé Coupe d’Europe-Top 14, à trente-cinq ans, après avoir longtemps réfléchi. Dans son entourage, on estime que c’est un« pur fantasme » de l’imaginer rejouer. Il s’entraîne physiquement à fond parce que son corps est en manque, mais a fermé ce livre-là. Et, selon nos sources, l’Anglais, qui n’a pas pour habitude de revenir sur ses décisions, n’aurait aucunement l’intention de reprendre sa carrière de joueur, même s’il n’est insensible à la situation de son club de coeur.
BOUDJELLAL A APPRIS LA PATIENCE AVEC CET ANGLAIS
Il vit désormais à Ascot, près de Londres, est redevenu très anglais. Ambassadeur officiel de la Coupe du monde 2015 auprès de sa Fédération, il participe à de nombreuses opérations de promotion, consacre du temps à ses sponsors, à Fineside, sa marque de vêtements. Il prépare avec soin son « testimonial », le 24 septembre dans un grand hôtel de Londres. Cette soirée caritative est hyper importante pour un rugbyman britannique. Alors, songez, pour Jonny Wilkinson, l’homme qui a offert à l’Angleterre sa seule Coupe du monde (2003)… Il y a convié Mourad Boudjellal et Bernard Laporte. Si les deux hommes répondent à l’invitation, ce n’est sûrement pas l’endroit où on discutera l’idée d’un retour sur la Rade. En revanche, Jonny – que son agent devait avertir des intentions du RCT hier soir – devrait en entendre parler dès aujourd’hui. Il est en effet attendu à Ange-Siccardi pour animer des séances de technique individuelle et de jeu au pied, une semaine par mois, comme le stipule son contrat. En revanche, selon nos informations, Wilkinson ne possède aucune licence de joueur, même amateur, au RCT.
Boudjellal wants Jonny (*), O.K., mais ne doit surtout pas le brusquer. En cinq ans, les deux hommes ont appris à se connaître, s’apprécier. Boudjellal, souvent très pressé, a appris la patience avec cet Anglais qu’il vénère, on n’exagère pas. Il ne lui a jamais forcé la main, pour quoi que ce soit ; ça tombe bien, Jonny déteste ça et c’est le meilleur moyen pour le perdre. On l’imagine assez demander à Jonny de réfléchir, prendre son temps. Boudjellal doit, également, espérer une pression populaire, à Mayol ou dans la rue, tant les Toulonnais sont devenus fadas de l’Anglais et rêvaient déjà, hier, sur les plages ou dans les restaurants, de le voir reprendre « son » numéro 10.