Je l'ai mis dans le topic "Urios", mais pour te faire plaisir je le mets ici aussi... 
La vie d’un président de club du Top 14 n’est pas un long fleuve tranquille. Celle de Jean-Michel Guillon, depuis plus de deux ans maintenant, n’a jamais ressemblé à une mer calme. Elle a même donné lieu à une sacrée tempête au début de l’hiver. Après un début de saison pourtant prometteur, conforme aux ambitions affichées, la machine clermontoise va dérailler.
« La première bascule intervient lors du match contre Bayonne à domicile », souffle le président, qui va vivre, ce jour-là, son premier moment difficile. « Avec le nombre de blessés et d’absents, je mesure le risque de l’échec. Après la défaite, j’espère juste que ce match ne va pas nous couper les pattes. Ceci dit, avec Jono (Gibbes), en ce début novembre, on est encore ensemble… »
Prémonition ou pas, l’ASM ne sera plus jamais la même à partir de ce faux pas à la maison. L’équipe de Gibbes va vivre alors d’inconstance, de rendez-vous ratés, teintés d’incompréhensions. À l’image d’une défaite dans les grandes largeurs au Racing. « Les gens n’ont pas compris la stratégie de Jono dans sa composition d’équipe, reconnaît le président. Il y a eu clairement un défaut de communication. »
Nuit blanche en Thaïlande
Après un léger redressement (victoires sur Montpellier et les Stormers), le pire est à venir. Le derby à Brive est programmé le 23 décembre, date à laquelle Jean-Michel Guillon a prévu de longue date quelques jours de vacances en Thaïlande en famille. C’est vers 2 heures du matin, à des milliers de kilomètres donc, entouré de ses proches, que le président assiste à une nouvelle noyade de son équipe.
« Je peux vous assurer que je n’ai pas dormi après ce match. Là, j’ai en tête les engagements pris en début de saison. J’ai aussi en tête le match suivant avec la réception de Toulouse, qui marche sur l’eau. On connaît la suite, une belle raclée. C’est la deuxième bascule. Je rencontre alors Jono, on se donne du temps et je décide de faire le point fin janvier. Mais la question d’un changement de coach commence à germer dans mon esprit. »
La victoire en tremblant face à Perpignan n’a pas rassuré le président. La sortie de l’impasse paraît de plus en plus incertaine. Le week-end suivant sera décisif. Le vendredi 13 janvier 2023, l’ASM prend la marée (44-29) au Michelin face à Leicester.
Jean-Michel Guillon entre dans un vestiaire abattu. « Tout de suite, j’ai senti une ambiance particulière. Il y a un truc qui ne passe plus. C’est pour moi le déclencheur. » Le président appuie sur le bouton et décide de se séparer de Jono Gibbes.
« Je m’étais donné le mois de janvier, si ça marchait. Sinon, je savais qu’il faudrait déclencher le changement avant. Le voyage de plusieurs jours en Afrique du Sud m’a paru idéal pour que les joueurs digèrent la nouvelle. La fenêtre de tir était là. Après, cela aurait été sans doute trop tard. »
« La notion d’exigence s’était évaporée »
Le samedi, Guillon rencontre Gibbes pour l’écarter. Dans la foulée, il serre déjà la main d’Urios. Le président avait donc déjà imaginé plusieurs scénarios avant même le match contre Leicester. La piste Mario Ledesma a été vite écartée et Christophe Urios a déjà été sondé.
Le président peut donc très vite s’approcher de l’ancien coach de l’UBB. « Ça a rapidement été le choix numéro 1 tout en éliminant d’autres appels du pied. Avec Christophe, on tombe assez vite d’accord. Pourtant, à écouter les gens et certains collègues d’autres clubs, jamais je n’aurais recruté Urios. Pas compatible avec l’ASM, me dit-on. Je ne compte pas le nombre de fois qu’on me l’a dit. »
Le président est vite séduit. « Je découvre un homme qui n’est pas celui que tout le monde connaît sur le bord de touche pendant les matchs ou lors des conférences de presse. D’emblée, je sens que c’est un vrai manager. On est d’accord ou pas d’accord avec ce qu’il dit, mais on sait où on va. Je pense, et j’ai ma part de responsabilité, que la notion d’exigence s’était évaporée dans le club et la culture anglo-saxonne n’a pas fonctionné chez nous pour la ramener. »
Deux mois après la prise de fonctions de Christophe Urios, la situation sportive n’a guère évolué. Jean-Michel Guillon ne doute pourtant pas un instant de son choix. « On attend toujours un effet positif. Dès fois, ça se matérialise, puis le feu s’éteint… Là, c’est vrai que j’imaginais un déclic plus rapide. Dès mon premier contact, j’ai indiqué à Christophe qu’il devrait travailler avec le reste du staff en place pour finir la saison. Je sais que c’était un risque, mais j’ai totalement confiance. »
Un président en fin de mandat en juin 2023
En attendant de retrouver une ASM triomphante, le président n’a pas vraiment soigné sa cote de popularité. Il se fait singulièrement tailler sur les réseaux sociaux, là où l’anonymat autorise tous les commentaires, parfois les plus abjects.
« Le plus difficile dans mon job est la remise en cause chaque semaine. »
Jean-Michel Guillon a-t-il eu à un moment la tentation du renoncement?? « Je n’avais pas de directeur général, j’avais un coach qui n’était pas médiatique, je me suis donc retrouvé en première ligne, à prendre les coups. La question clé pour moi, c’est le club. Ma propre personne, c’est secondaire. Et je sais que tant qu’on ne gagnera pas, il faudra que j’absorbe la frustration des gens. L’essentiel, c’est de poser les bonnes fondations, de tracer une voie et de s’y tenir. Je sais que le changement d’entraîneur était la bonne décision. »
Jean-Michel Guillon a changé de bâtisseur, la ligne directrice, elle, n’a pas changé. Après le duo Fontès-Cotter formé en 2006, puis De Cromières-Azéma en 2014, avec les succès que l’on sait, l’ASM repose désormais sur Guillon-Urios. Au moins jusqu’à la fin de saison.
Christophe Buron (La Montagne - 24/03/2023)