À chaud, les Bleus n'avaient pas le coeur à analyser en profondeur les raisons de cet échec face à l'Afrique du Sud (28-29). Il a été surtout question d'arbitrage dans l'immédiat après-match à partir du moment où Antoine Dupont s'est lâché sur le sujet. Mais les décisions de Ben O'Keeffe n'expliquent pas tout, loin de là. Les Bleus ont beaucoup d'autres motifs de regrets sur ce choc.
Un coup d'oeil aux statistiques à la mi-temps tranchait avec la légère avance des Bleus au score (22-19). 68 % d'occupation, 59 de possession, 6 franchissements à 3, 15 défenseurs battus à 7... La France a nettement dominé le premier acte. Cette équipe est pourtant bien placée pour le savoir : posséder n'est pas gagner, surtout quand les temps forts ne sont pas convertis en points.
De ce coup de pied en coin de Dupont où Bielle-Biarrey est devancé de peu dans l'en-but par Arendse (2e) à ce dernier ballon perdu en contact par Wardi (80e+1), les Bleus n'ont pas concrétisé... quatorze temps forts dans le camp sud-africain. Sans un Fickou un poil gourmand à l'approche de la ligne (6e) puis l'intervention d'Etzebeth jugée licite par l'arbitre, les coéquipiers de Dupont auraient pu mener 14-0 à ce moment-là, ce qui aurait évidemment donné une autre tournure à la rencontre.
Il faut ajouter à ce triste constat comptable cinq points perdus au pied par Thomas Ramos dont cette transformation contrée par Kolbe (23e) et surtout cette incapacité à marquer pendant le carton jaune d'Etzebeth (40-50e). Là où les Sud-Africains ont marqué quatre fois pour sept entrées dans les 22 mètres français, les Bleus ont fini à un ratio de trois sur... treize.
Signe que la transition opérée vers un jeu de repossession - élément de langage dégainé avant le Tournoi des Six Nations 2023 - n'a pas rimé avec efficacité. Avec 166 passes, les Bleus ont atteint dimanche soir le deuxième plus haut total du mandat de Fabien Galthié après le match en Irlande en février (19-32). Avec 60 % de possession, c'est la même place sur le podium, derrière l'Écosse dans le Tournoi 2020. Deux autres matches ratés stratégiquement, et perdus, dans le mandat de Fabien Galthié.
La large victoire contre l'Australie lors du dernier match de préparation à la Coupe du monde (41-17) n'avait pas masqué les difficultés (récurrentes) des Bleus sous les ballons hauts, qui avaient coûté deux essais ce soir-là. Les adversaires des Bleus s'en nourrissent stratégiquement, les Sud-Africains s'en sont gavés dimanche soir. Les essais d'Arendse (8e) et De Allende (18e) sont consécutifs à des trous d'air sur une zone entre les 40 et les 50 m français clairement visée par les botteurs boks.
Visiblement pas préparés aux duels aériens dans cette zone, les Bleus ne se sont soit pas entendus (Fickou, Ollivon et Bielle-Biarrey ne communiquent pas sur le premier essai encaissé), soit emmêlés les pinceaux comme Woki sur le deuxième.
Dans la même zone, Jalibert a été battu par Du Toit (34e) et Bielle-Biarrey par Arendse (46e). Sans conséquence si ce n'est celle de ramener le jeu dans le camp français à moindre effort, un axe stratégique où les Bleus sont pourtant passés maître ces dernières années mais où le boomerang leur est revenu à la figure. Même sensation sur le troisième essai sud-africain (26e), exemple parfait de turnover où, en une passe et un coup de pied offensif, Kolbe a puni un ballon perdu par les Bleus au milieu du terrain dix secondes plus tôt. Comme si les Français avaient vécu par moments les malheurs qu'ils infligeaient souvent aux autres...
Nouvelle-Zélande 2023, Afrique du Sud et Australie 2022, Galles 2021... Ces Bleus-là nous ont habitués aux fins de matches marquées par les entrées déterminantes des remplaçants et/ou aux renversements de dernière minute, les idées claires et le sang froid. Si la dernière séquence face à l'Afrique du Sud a entretenu ce fol espoir, il s'est dégagé de la fin de match une forme de fébrilité.
Comment expliquer autrement cette pénaltouche dévissée par Jalibert (57e) ou ce renvoi aux 22 mètres direct en touche de Ramos (75e) qui ont coincé les Bleus dans leur camp pendant de longues minutes ? Il y a aussi ces attitudes bras en l'air et ces réclamations envers l'arbitre qui témoignent d'une certaine nervosité dans les dernières minutes.
Sans oublier les fameux « finisseurs » qui n'ont pas réussi à conclure proprement, à l'image d'une première ligne Aldegheri-Bourgarit-Wardi secouée en mêlée, ce qui a eu son importance sur le scénario de fin. Le banc en 5-3 des Sud-Africains, annoncé vendredi à la surprise générale et dégainé très tôt dimanche soir, a eu un tout autre impact. Dans un match aussi crucial perdu d'un point, c'est une autre bataille stratégique que Fabien Galthié et son staff ont clairement perdue dimanche soir. Au plus mauvais moment.