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RUGBY
DAMIEN CHOULY
« Pas la peine de crier à l'injustice »
CARDIFF - Après le succès sur l'Irlande (10-9), le 13 février, il n'avait pas souhaité revenir sur les critiques à son encontre lors de la Coupe du monde. « Pas encore », nous avait poliment dit Damien Chouly. Samedi soir, dans les couloirs du Millennium, sous un portrait en peinture très... britannique de la reine Elizabeth, le numéro 8 des Bleus (30 ans, 39 sélections), plutôt à son avantage malgré la défaite contre les Gallois (19-10), s'est cette fois attardé pour parler avec franchise.
« Après deux victoires, cette défaite sonne comme un coup d'arrêt...
Oui et non. Oui, parce que c'est une défaite, non, car on sait ce sur quoi on doit travailler. On n'a pas été réalistes, c'est un peu le point noir. On a eu des occasions près des lignes, mais on n'a pas su les valider. On aurait pu revenir dans le match et les faire douter. Il va falloir être plus patients peutêtre, un peu mieux organisés.
Qu'est-ce qui pèse le plus chez les Gallois : leur impact physique, leur défense ?
Un peu tout. Ils jouent de façon simple mais stratégique. Ils te remettent la pression sur du jeu au pied rasant ou des chandelles. Face à eux, il y a une rivalité mentale autant que physique. On n'a pas craqué en défense, on prend un essai en contre. Ils nous ont percés deux ou trois fois, bien sûr, mais on était en place et tout le monde a su s'employer pour boucher les trous.
Sur un plan personnel, vous sentez tout de suite que vous faites un bon match, que vous y êtes ?
Quand j'entre sur le terrain, j'ai toujours envie d'en découdre. Mais c'est vrai que réussir une première action, un premier plaquage, ça aide à entrer dans le match. C'est important de réussir le premier contact.
Vous avez encaissé beaucoup de critiques pendant et après la Coupe du monde...
Il y a à prendre et à laisser. Elles font partie du sport. Mais il y en a eu beaucoup, c'est vrai..
"Je me dis que je dois être un peu con, un peu maso, mais je n'ai pas envie de lâcher "
Vous vous êtes senti particulièrement visé ?
Vous (la presse) faites votre boulot. On peut parler autant qu'on veut, la vérité, c'est le terrain. Je pourrais râler, dire que les gens et les journalistes sont des cons, ça ne changera rien. La seule chose que je peux changer, c'est ce que je contrôle.
Mais vous auriez pu vous noyer sous les critiques...
Oui, mais moi, je ne suis pas
comme ça. Ça peut toucher par moments, faire chier, notamment par rapport à ses proches, mais je sais ce que mes coéquipiers et mes coaches pensent de moi. C'est le plus important. Le jour où un coéquipier viendra me dire : "t'es nul, tout ça", bien sûr, ce sera différent... Mais ça ne veut pas dire que je ne me remets jamais en question, au contraire.
Sincèrement, vous avez été atteint au moral après ce Mondial ?
J'essaie d'apprendre de ces déceptions, notamment la précédente dans ce même stade (défaite contre les All Blacks, 62-13, en quarts de finale de la Coupe du monde). J'ai la chance de faire partie de cette nouvelle aventure, je ne vais rien calculer. On a une équipe avec beaucoup d'enthousiasme, la volonté de déplacer le ballon et ça me convient. Clairement, je prends plus de plaisir là-dessus. Que ça continue...
Vous avez 39 sélections, connues sous quatre sélectionneurs différents (voir chiffre). C'est une fierté ?
Ma première sélection avec Bernard Laporte, ça remonte (il sourit)... C'était en 2007, pour une tournée en Nouvelle-Zélande sans les demi-finalistes du Top 14. Il y a presque dix ans... Avoir été pris par quatre sélectionneurs, ça fait quand même plaisir, je ne vais pas le cacher. Mais mon objectif est de gagner avec l'équipe de France. Quand je vous dis que j'ai la chance d'y être, c'est pour vivre une aventure plus belle que la précédente. Je ne crache pas sur celle que j'ai vécue, j'ai été là pendant quatre ans, mais j'espère être capable de m'en servir pour que la prochaine soit plus belle.
À Clermont, vous avez livré des matches moyens sur la lancée de la Coupe du monde...
Ouais... J'ai coupé dix jours, puis je suis retourné vite en club. C'est vrai que l'équipe et moi, on était sur courant alternatif.
Sur le coup, en difficulté avec Clermont après l'avoir été en bleu, vous pensiez être maudit ?
Je ne sais pas... Je me dis que je dois être un peu con, un peu maso, mais je n'ai pas envie de lâcher. Quand ça ne va pas, au contraire, je suis têtu ; à tort ou à raison.
Aujourd'hui, vous êtes dans la volonté de vous venger des critiques ?
(Il réfléchit.) J'entends. Mais ce n'est pas la peine de m'insurger, de gueuler. Je vous dis, je ne peux contrôler qu'une chose : le terrain. J'entends ce que vous dites, mais mon boulot est de jouer au rugby, et de bien jouer, pas de polémiquer sur mon cas. Pas la peine de crier à l'injustice, car je n'ai pas fait que des bons matches en équipe de France.»
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EN BREF 30 ans 1,92 m/109 kg Club : Clermont Troisième-ligne 39 sélections
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1 : DEPUIS LA BLESSURE DE LOUIS PICAMOLES, Damien Chouly est le seul trentenaire du groupe France.