DEMI-FINALE / CLERMONT-TOULOUSE J-2 ■ Entretien avec Jean-Marc Lhermet, directeur sportif de l’ASM Clermont Auvergne
« Ne pas mettre l’ASM en danger pour copierToulon »
Le directeur sportif de l'ASMClermont, qui n'est pas toujours épargné par les commentaires, notamment
sur les réseaux sociaux, lève le voile sur ses fonctions, sa façon de faire avancer son
club, sa vision du rugby par rapport à Toulon, son rival privilégié dumoment. Il revient également
sur l'échec sportif à Twickenhamet sur les sifflets tombés des tribunes duMichelin en suivant.
La vie du directeur sportif d'un club de haut niveau
qu'est la vôtre est-elle toujours facile et plaisante ?
Je ne vais pas me plaindre. L'ASM est un club stable, solide,
qui fonctionne bien et qui s'inscrit dans la durée. Donc,
j'aurais tort de faire le difficile par rapport à mon environnement
professionnel. Après, cela devient plus compliqué
qu'avant car beaucoup de paramètres ont changé qui font
que le métier est différent et plus complexe ; par rapport à
la personnalité des gens avec qui tu travailles, d'un environnement
aussi qui évolue dans une dimension de plus en
plus professionnelle.
Qu'est-ce qui est le plus dur à gérer, les hommes ou la
pression extérieure ?
Il vous arrive d'avoir le blues ?
Comme tout le monde, dans tous les métiers, il y a des hauts
et des bas. Mais je ne me plains pas. Et cela ne dépend pas
des résultats sportifs au quotidien. Sur la performance d'une
saison, oui, ça peut jouer un peu sur le moral, mais pas sur
le résultat d'unmatch. Et puis, l'essentiel des éléments demon
activité n'est pas lié à la performance sportive sur le terrain
« Notre orientation génétique
ne changera pas. »
Le recrutement est un sujet sensible, avec de plus en plus
d'attentes des supporters. Le ressentez-vous ?
Oui, je sens bien qu'à partir de janvier, cela parle beaucoup
de recrutement. C'est le sujet favori des médias, des réseaux
sociaux, des supporters. Ce qui est compliqué pour moi, c'est
la gestion de l'effectif entre les besoins d'un recrutement
extérieur, l'intégration des jeunes de notre formation, les
fins de carrière de certains joueurs... Et puis, l'expérience
toulonnaise a changé beaucoup de choses avec une méthode
basée sur les grands noms de joueurs.
Une méthode qui n'est pas celle de l'ASM ?
On n'est pas sur le même modèle et on l'assume. Toulon est
dans une période sportive favorable et attire beaucoup de
joueurs de renom. Et notre environnement se pose des questions
sur ce qui se passe à Toulon et ici à Clermont.
Si vous deviez échouer de manière récurrente face à Toulon,
cela peut-il entraîner un changement de cap dans votre
politique de recrutement ?
Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut continuellement
se poser des questions et se remettre en cause. Je ne dis pas
que notre politique ne va pas changer, mais on ne fera pas un
copier-coller de Toulon. Nos valeurs et notre orientation génétique
ne changeront pas.
Mais pour gagner, il faut sans doute évoluer, non ?
On évolue. Mais on ne fera pas du Toulon. Copier un système,
c'est au mieux finir second, jamais premier. Alors, on peut
toujours jouer auMonopoly... acheter tel joueur, tel autre, faire
monter tous nos meilleurs jeunes, garder nos meilleurs vieux
et construire un magnifique centre d'entraînement. Mais dans
la vraie vie, ce n'est pas possible.
Par manque de moyens ?
Déjà oui. On n'a pas les moyens financiers
pour aller chercher des stars comme
à Toulon.
Vous comprenez la frustration des
supporters sur ce sujet ?
Oui, mais ma frustration c'est qu'ils n'ont
pas les bonnes informations. On connaît
notre masse salariale, on connaît les montants
des contrats des joueurs qui vont à
Toulon et on sait faire des additions... Aujourd'hui,
je ne mettrai pas en danger l'ASM
pour copier Toulon. Franchement, je pense
que l'on optimise nos ressources.
Que pensez-vous des sifflets à votre encontre
et celle de votre président le soir du dernier
match de la saison au Michelin ?
La première erreur serait de ne pas les entendre.
On a essayé de comprendre et on a rencontré les
représentants de nos supporters. Il en ressort qu'il
n'y a pas qu'une raison de leur mécontentement.
La frustration majeure est la défaite en Coupe d'Europe
contre Toulon. On peut le comprendre, sachant
qu'à la base c'est un fort amour pour le club qui, à
un moment, se transforme en frustration exprimée
un peu violemment
L'analyse de l'échec à Twickenham a-t-elle été
effectuée ?
Évidemment. Nos leaders, à certains moments
du match, n'ont pas répondu aussi présent
que les leaders de Toulon. C'est un paramètre
parmi d'autres. Notre équipe n'a pas
été à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.
Cela explique d'ailleurs une grande
partie de la frustration de nos supporters.
Mais ils doivent se rendre compte
que les joueurs sont les premiers déçus,
qu'ils étaient au fond du seau et
que c'est compliqué de remonter. Ils
ont prouvé quand même, sur les
trois matches qui ont suivi, leur capacité
de réaction.
Certes, mais les « vrais »
matches arrivent avec la demifinale
face à Toulouse ce weekend.
Cette équipe peut-elle
cette fois-ci donner le meilleur?
On va voir. C'est un équilibre
complexe. Avant la finale
de Twickenham, on avait
l'impression d'avoir tout
préparé comme il faut. Il
y a une part de mystère
dans la performance d'un
joueur et d'une équipe,
sur le rendu sur le terrain
par rapport à ce qui a été
mis en oeuvre. Je peux
dire que Franck Azéma
et son staff ont été à l'écoute
du ressenti du joueur
aussi