Des paroles fortes ont été prononcées hier, dans l'amphithéâtre où huit intervenants ont débattu autour de deux axes : la santé et les règles du jeu. Avant eux, Philippe Chauvin, le père de Nicolas, très digne, avait rappelé l'amour de son fils pour le rugby, « ce sport où, individuellement, nous ne sommes rien mais qui, comme la société, a évolué vers toujours plus de spectacle ». Il a aussi parlé des plaquages, « des règles existantes qui doivent être strictement appliquées pour garantir aux licenciés un niveau de sécurité optimal. Ce qui est arrivé à mon fils n'a rien de normal... Une fracture et un arrachement de la deuxième cervicale, ça s'apparente à un accident routier ou de parapente. Les joueurs, dans les phases de collision, doivent prendre conscience de leurs responsabilités. Aucune corporation ne peut admettre la mise en danger de ses adhérents. La vie est précieuse, elle ne peut pas être jouée. »
« Une certaine latitude est donnée par World Rugby dans le but de favoriser la notion de spectacle» Joël Dumé, directeur national de l'arbitrage
Il a beaucoup été question de responsabilités hier. Celles des médias, de tous les médias, que Bertrand Guillemin, le commentateur de Canal +, résumait ainsi : « On essaie de rester fidèle à ce qu'est le rugby, ce qui nous a bercés, les cadrages-débordements, mais on est souvent happés par le buzz permanent... Le rugby a créé un monstre, il est sorti de sa cage et on ne peut plus l'y faire rentrer. »
Celles des arbitres, représentés par leur patron, Joël Dumé, qui a fait cet aveu incroyable quand un jeune arbitre lui demandait pourquoi les joueurs qui se jettent au sol volontairement, sans être plaqués, et ceux qui déblaient violemment autour des rucks, n'étaient pas sanctionnés en Top 14 : « En Top 14 et en Pro D 2 et même au niveau international, on pratique et on arbitre un rugby particulier et ce n'est vraiment pas une école pour les jeunes arbitres... Des choses sont implicitement validées, une certaine latitude est donnée par World Rugby dans le but de favoriser la notion de spectacle. Je ne cautionne pas, mais c'est un état de fait. Cela fait partie d'un consensus... »
Tour à tour, des techniciens comme Pierre Villepreux, Marc Lièvremont, des dirigeants comme Florian Grill (président du comité Île-de-France) et le DTN Didier Retière, ont posé des constats profonds et osé montrer leurs désaccords. « On ne peut pas se contenter de mesurettes », a pesté Lièvremont, racontant que des heures de discussions au sein de l'Observatoire médical du rugby, l'an passé, n'avaient débouché que sur la seule mise en place du carton bleu (autorisant l'arbitre à sortir un joueur suspecté de commotion).
Mais les dialogues, qui ont duré près de sept heures, ont tourné, essentiellement, autour de la formation, de la philosophie du jeu proposé et comment elle était transmise ou dévoyée. « Quand on place la formation dans une continuité pertinente, on limite les dégâts, assure Villepreux. Cela implique que de l'école de rugby au niveau international, tous les entraîneurs parlent le même langage et ce n'est pas le cas. »« Les changements de règles ne feront pas disparaître la responsabilité des entraîneurs, constate Retière. On veut nous faire croire qu'un bon joueur peut devenir un bon entraîneur et c'est un vrai problème. Certains gamins sont alignés alors qu'ils ne sont pas prêts. La mission des entraîneurs est de former des joueurs. Même chez les pros, certains ne l'ont pas compris. » Arbitrage, formation, règles, esprit du jeu, le rugby est face à un chantier énorme.