Ni élu ni salarié de la Fédération, Claude Atcher la représente pourtant depuis un an et demi au conseil des Six Nations. Une désignation non conforme aux règlements de la FFR.
Frédéric Bernès et Renaud Bourel dans l'Equipe
Le mercredi 14 décembre 2016, onze jours après l'élection de Bernard Laporte à la présidence de la Fédération française, le comité directeur se réunit pour la première fois. Ce jour-là, le collège se positionne sur de nombreux sujets, dont la représentation de la FFR dans les instances internationales. À l'unanimité, Laporte et son vice-président, Serge Simon, sont désignés pour siéger à World Rugby et au conseil du comité des Six Nations. Jusqu'ici, tout va bien. Mais ça ne va pas durer.
Nous avons appris que Laporte s'était fait remplacer au conseil des Six Nations. On ne connaît pas la raison (s'il était resté, ça aurait mis du beurre dans son bénévolat, lui qui cherchait des sources de revenus extérieures ces derniers mois) mais, depuis mai 2017, quelqu'un d'autre siège en compagnie du vice-président de la FFR. Il s'agit de Claude Atcher.
Pour une surprise, c'est une surprise. D'abord parce que cette désignation n'a fait l'objet d'aucun vote du comité directeur. L'opposition ne savait pas alors qu'il n'aurait jamais dû en être ainsi. Il aurait simplement suffi que Laporte et son état-major respectent leur propre règlement, qui n'est pas bien long.
À la quatrième page, sur six, des règlements généraux, l'article 121 traite des relations entre la FFR et les organismes internationaux. Il tient en douze lignes. On y apprend que « la FFR est membre du Comité des Six Nations » et que « deux représentants à cette instance sont désignés par le comité directeur ». On peut difficilement faire plus limpide et concis.
Le remplacement de Laporte par Atcher obéit donc au fameux fait du prince. RIP la transparence. Le sous-prince Simon était forcément au courant mais il n'a pas empêché cette situation de s'installer. C'est d'ailleurs une des facettes du problème avec cette gouvernance : aucun mécanisme de contrôle ne semble opérer.
En cachette de l'opposition
Ce n'est pas la première fois que Laporte s'affranchit des règles ou du plus élémentaire devoir de réserve. C'est arrivé lorsqu'il a téléphoné à un délégué de match pour lui demander de ne pas se conformer au règlement afin de laisser jouer Julien Ory, son associé dans une rôtisserie varoise. C'est arrivé quand il a signé son contrat personnel à 150 000 € avec Mohed Altrad, président du club de Montpellier. C'est arrivé lorsqu'il a prêté à ce même Julien Ory une BMW de la Fédération sans aucune explication à ce jour. C'est aussi arrivé la fois où il a téléphoné au président de la commission d'appel pour « qu'il en tienne compte dans sa décision » (dixit Laporte), appel qui précéda une nette diminution des sanctions au profit du club de Montpellier, celui de son associé Altrad. Et ça continue.
La nomination d'Atcher aux Six Nations, au mépris du règlement général et en cachette de l'opposition, a ceci de caustique qu'elle est intervenue sept mois avant un coup de gueule de Laporte en plein comité directeur. Le compte rendu officiel de cette réunion de décembre 2017 restitue la parole du président. Qui commence par dater la libération de la FFR (« C'était la dictature jusqu'au 3 décembre 2016 ») avant de prendre un air outré (« Le président précise qu'heureusement il existe une opposition mais il n'accepte pas que cette dernière puisse dire à l'extérieur que l'on ne leur dit pas tout, qu'on leur cache des choses, car c'est insupportable. ») On imagine. Mais passons, il y a encore à dire.
En quoi la présence d'Atcher aux Six Nations se justifie-t-elle ? Au moment où il remplace Laporte à l'international, Atcher est prestataire de la FFR. Pour 120 000 €, sa société Score XV a pour mission de bâtir le dossier de candidature pour l'organisation de la Coupe du monde 2023. Ce contrat prendra fin le 30 novembre 2017. Une entreprise ou une association nomme-t-elle un prestataire pour la représenter ? La réponse est dans la question.
« Cela démontre une fois de plus le peu de considération pour le comité directeur, qui fonctionne uniquement comme une chambre d'enregistrement et, en l'occurrence, comme une chambre de non-enregistrement », se désole Florian Grill, président du comité Ile-de-France et membre de l'opposition. Et de rappeler que la décision du rachat des droits marketing de la Coupe du monde 2023 (un investissement de 118 M€) n'est même pas passée devant le comité directeur.
Un rôle à 18 000 € par an
Si Laporte n'a pas dissous le comité directeur - c'était la promesse n° 1 de son programme -, il l'a rendu inutile. La désignation d'Atcher aux Six Nations en est la dernière illustration. Chez les Anglo-Saxons, l'usage veut qu'une fédération soit représentée dans les instances internationales par un élu et un salarié. Atcher n'est ni l'un ni l'autre à la FFR. Il n'apparaît nulle part dans l'organigramme et n'est pas membre du comité directeur. Dans la liste du candidat Laporte, il y avait trente-sept noms ; pas celui d'Atcher. Et pourtant, même l'article 121 des règlements généraux de la FFR signale que les représentants à l'international sont « membres de la FFR ». On confie pourtant à Atcher un rôle sans mandat du comité directeur, qui lui rapporte 18 000 € par an (lesquels s'ajoutent aux 220 000 € brut annuels qu'il perçoit en qualité de directeur général du GIP France 2023).
On se croirait revenu au milieu des années 1990 quand le président Lapasset avait fait d'Atcher son grand mandarin. Avant qu'un rapport des services du ministère des Sports, en 1995, contraigne la FFR à le relever de toute activité fédérale.