Top 14 : Clermont est-il déjà imbattable ?
Publié le
mardi 18 septembre 2018 à 12:20
| Mis à jour le
18/09/2018 à 12:53 dans l'Equipe par Richard Escot
Après quatre journées, le club auvergnat compte quatre victoires. Trois experts (Fabrice Landreau, Jacques Delmas et Guy Accoceberry) livrent leurs impressions sur ce début de saison sidérant de Clermont. Avant son déplacement en Gironde pour affronter Bordeaux-Bègles (samedi, 14h45), ouverture de la cinquième journée qui pourrait peut-être mettre fin à cette série.
En perdition il y a quatre mois, Clermont a lancé cette nouvelle saison sur des bases élevées. Victoire en deux temps (15-16 à la pause, 67-23 score final) contre Agen. Suivirent deux matches splendides - (40-17) au Racing 92, et 42-20 face au Stade Français (42-20) - avant de clore provisoirement cette série par un déplacement difficile à Pau, remporté (27-23) grâce à la puissance de sa mêlée et le tranchant d'un ballon porté négocié au pas de course pour l'essai de son talonneur Yohan Beheregay à la 76e.
«Je suis davantage marqué par leurs trois premiers matches et les dix-huit essais inscrits qui démontrent un jeu collectif déjà bien huilé, que par leur victoire à Pau en jouant mal, parce que sur ce coup, c'est plutôt la Section qui perd toute seule cette rencontre», précise l'ancien demi de mêlée international Guy Accoceberry (19 sélections entre 1994 et 1997), consultant pour France Inter, au moment d'évoquer le début de saison tonitruant de Clermont. «C'est vrai, ajoute Jacques Delmas, Clermont gagne en jouant mal à Pau, mais sans doute que Pau a lâché prise en fin de match et en infériorité numérique...»
Leader du Championnat quatre points devant le Stade Français, Castres et Toulouse, l'ASM semble intouchable. Voire imbattable. Même si son avance n'est pas encore substantielle. «Imbattable, non, tempère l'ancien coach de Grenoble et de Toulon, Fabrice Landreau, mais, indéniablement, Clermont va être le favori numéro un cette saison.» Jacques Delmas partage cet avis : «Clermont a été champion de France il y a deux ans et a mal géré la saison d'après, et sans doute que d'autres facteurs déstabilisants sont intervenus. Mais les Clermontois ont un fonds de commerce, reconnaît l'ex-entraîneur du Stade Français, de Biarritz et de Toulon. Ils ont tiré les leçons de leur échec. Ils se sont bien préparés à l'intersaison et visiblement, ça porte ses fruits. Mais de là à être imbattables sur la durée d'une saison, non, franchement, je ne le pense pas, assure Jacques Delmas. Car les vérités de septembre ne sont pas celles de juin.»

Face à Agen lors de l'ouverture du championnat, Toeava inscrit son premier essai sous le regard de Samuel Ezeala : deux des flèches noires de l'ASM. (Laurent Argueyrolles/L'Equipe)
«Pour les battre, il faut passer par l'axe»
«Imbattables ? non ! Même les All Blacks perdent (rires), Les Clermontois auront obligatoirement une baisse de régime, glisse Guy Accoceberry, en faisant allusion à la défaite de la Nouvelle-Zélande devant l'Afrique du Sud (36-34), samedi dernier. Mais le plus important, c'est de rester dans la continuité du projet de jeu. Ils ont retrouvé la totalité de leur effectif avec des joueurs de haut niveau en forme. On voit bien que physiquement, ils sont prêts.» Assurément, le jeu de Clermont impressionne. A commencer par l'ancien talonneur international Fabrice Landreau (4 sélections en 2000 et 2001). «On peut le définir par la fluidité des mouvements, la technique individuelle, les intentions et le projet de jeu. On peut même parler de philosophie. Et aussi capacité à commettre peu de fautes. On le voit bien, de retour après sa blessure, l'ouvreur Camille Lopez est un accélérateur de jeu, associé à deux stratégies à la mêlée, Morgan Parra et Greig Laidlaw. Quand il aura réglé ses problèmes de discipline, Sébastien Vahaamahina portera l'équipe à bout de bras. Sans parler des facteurs X, Raka et tous ces gars-là (Toeava, Ezeala, Moala)... »
«Le point fort de Clermont, ajoute Fabrice Landreau, c'est la vitesse d'exécution. Le ballon est disponible au bout de deux secondes derrière les rucks. Contre eux, il ne faut pas contester les ballons et monter vite et fort en défense pour contrarier les surnombres. Après, pour pouvoir les battre, il est incontournable de passer par l'axe, pour les franchir ou les resserrer.» Ce que personne n'est parvenu à réaliser, cette saison. Seulement quatre rencontres ont été jouées et Clermont se déplace à Bordeaux pour affronter l'UBB (samedi, 14h45) en ouverture de la cinquième journée. Avant de recevoir Toulon et se déplacer à La Rochelle avant la trêve européenne. Mais la série interpelle.

Quand Camille Lopez est à l'ouverture, l'ASM retrouve de la fluidité dans son jeu d'attaque. (Romain Perrocheau/L'Equipe)
«D'autres équipes vont monter en puissance»
Pour autant, glisse Jacques Delmas, qui a remporté trois titres de champion de France avec Biarritz (2005 et 2006) et Toulon (2014), «ce n'est pas le jeu qui fait gagner le Top 14.» Alors quel est-il donc, le jeu qui fait gagner le Bouclier de Brennus ? «L'ASM a des fulgurances mais il faut aussi peser, défier, faire mal à l'impact. Regardez La Rochelle, il y a deux ans : premier à l'issue de la saison régulière et battu en demi-finale par Toulon», répond-il. Avant de poursuivre : «Pour l'emporter en phase finale, il faut se situer dans une dynamique positive, avoir encore des ressources pour monter en puissance, et aussi être prêt à ferrailler, avec une grosse force mentale. Il n'y a pas de vérité et surtout pas celle du classement à l'issue de la vingt-sixième journée, Castres l'a prouvé.»
Guy Accoceberry prophétise : «Les Clermontois ont déjà pris un avantage au classement sur leurs principaux rivaux, Toulon, Montpellier et le Racing 92, qui font un mauvais début de championnat. Ils termineront premiers : il n'y a pas photo. En plus, ils n'auront pas la Coupe d'Europe à disputer et, franchement, qu'ils remportent le Challenge européen est de peu d'intérêt pour eux (rires).» Jacques Delmas apporte néanmoins un petit bémol à ce panégyrique. «Clermont est favori, oui, mais il sera battu à un moment ou à un autre car plusieurs équipes vont monter en puissance. Je pense en particulier au Racing 92, qui n'est pas prêt mais qui va l'être, surtout quand il aura récupéré sa charnière Machenaud-Lambie.»
«Moi, j'apprécie l'état d'esprit du Stade Toulousain insufflé par le président Didier Lacroix, qui rejaillit sur le jeu de l'équipe, renchérit Fabrice Landreau. Montpellier et le Racing 92 reviendront dans les clous, c'est certain. Quant au Stade Français, pour moi c'est une énigme. Ce qui m'inquiète, c'est la faible profondeur de son banc. Paris dispose de 23 joueurs compétitifs, mais c'est à peu près tout.» Le Racing 92, Toulouse et Montpellier : les concurrents semblent désignés.

Le demi de mêlée international écossais Greig Laidlaw perce la défense du Racing 92 à l'Arena et montre le chemin. (Photo F. Faugère/L'Equipe)
«Ce début de saison, c'est un choix psychologique»
Néanmoins, l'unanimité ne se fait pas autour de la capacité de Montpellier à retrouver rapidement le haut du classement. «J'entends dire qu'il y a deux Championnats, souligne Jacques Delmas, un à onze équipes et un autre à trois (Agen, Grenoble, Perpignan). Personnellement, je ne le vois pas ainsi. Il n'y a pas onze équipes qui peuvent viser le titre, cette saison. On voit déjà que, pour différentes raisons, Montpellier, Bordeaux-Bègles, Pau, La Rochelle et Toulon sont un cran en-dessous.»
Trois clubs en reconstruction (Bordeaux-Bègles, La Rochelle et Toulon) avec de nouveaux entraîneurs (respectivement Rory Teague, Jono Gibbes qui n'est toujours pas arrivé et Patrice Collazo), un qui semble digérer difficilement son échec en finale (Montpellier) et le cinquième (Pau) qui peine depuis trois saisons à émerger par manque de joueurs expérimentés dans toutes les lignes.
20 Le nombre d'essais inscrits par Clermont en quatre matches.
Parce que c'est le vide derrière lui, l'ASM semble promise sans trop de souci à la première place à l'issue de la phase de classement. Est-ce pour autant le bon objectif ? Pour Guy Accoceberry, la réponse est à chercher ailleurs que dans un pur bilan comptable : «Ce début de saison, c'est un choix psychologique : Clermont avait besoin de se rassurer, de montrer que la saison dernière était un accident. Les Clermontois envoient un message : «Nous sommes là et nous voulons être champions de France». Même si on sait bien que le classement des six premiers n'a pas beaucoup d'impact sur la phase finale.»
Pas beaucoup d'impact, c'est vite dit. «Premier ou deuxième, c'est toujours bien, souligne pour sa part Fabrice Landreau. Ça te donne du confort pour préparer ta demi-finale, parce qu'il y a trente-six matches dans la saison, sans compter les tests internationaux. Une semaine en fin de saison, ça permet de régénérer les organismes, de partir quelques jours en stage et de réintégrer certains convalescents.» Mais nous sommes loin encore de cette conclusion. Laquelle n'est pas toujours heureuse. Dans l'histoire du Top 14, Clermont (déjà) lors de l'édition 2011-2012 puis Toulon, la saison suivante, avaient additionné quatre victoires d'entrée. Ce qui ne leur avait pas pour autant porté chance : les Clermontois s'étaient inclinés en demi-finales face à Toulon (15-12) et, la saison suivante, Toulon avait perdu en finale devant Castres (19-14).