Quel bilan faites-vous du tournoi des Six-Nations ?
L’évaluation de ce tournoi, on peut la faire sous deux prismes. Du point de vue du résultat pur, on termine deuxième. C’est correct mais on ne peut pas s’en satisfaire. Quand l’équipe de France aborde le tournoi des Six-Nations, c’est pour le gagner. Mais on ne peut pas s’arrêter au résultat pur. On doit regarder le déroulement et le contexte. Je pense que cette équipe de France ressort plus forte qu’au départ. Je pense que le collectif en sort plus soudé. L’équipe a fait preuve d’un fort caractère, des leaders ont émergé, de jeunes joueurs aussi. On a vu, lors du match à Lyon, l’émotion, l’engouement que cette équipe de France pouvait provoquer. Donc sous ces aspects, le Tournoi est réussi. Et la fin nous laisse espérer un avenir positif.
Est-ce que les difficultés de l’équipe de France n’ont pas fait ressurgir un sujet de fond, qui est celui de la gestion du temps de jeu des internationaux ?
On ne peut pas nier que l’optimisation de la régénération de nos joueurs, et notamment ceux que l’on appelle les joueurs Premium, c’est-à-dire les plus sollicités, est quelque chose que l’on doit regarder de près avec les clubs. Quand on se projette vers 2027, cette notion de régénération et d’accompagnement des joueurs est un sujet dont on doit parler. Ce n’est pas un sujet facile car il doit se traiter collectivement avec la Ligue et avec les clubs.
Quand il est revenu sur la Coupe du monde, Fabien Galthié a affirmé qu’il espérait emmener en Australie 80 % de la génération 2023. Avec l’expérience de ce Tournoi, est-ce envisageable ?
Dans l’analyse de Fabien, la notion d’expérience collective, de sélections partagées, est très importante pour envisager de remporter une Coupe du monde. L’idée est d’accompagner un maximum de cadres vers l’échéance 2027. Aujourd’hui, on va avoir du mal à les accompagner sur le rythme qui est celui de l’écosystème du rugby français avec un championnat de très haut niveau, une Coupe d’Europe de très haut niveau et des matches internationaux. Il faut avoir une vraie réflexion sur qui on peut amener. Le chemin vers 2027 nous conduira peut-être à établir une stratégie différente.
Durant le Tournoi, Fabien Galthié a pointé tous ses joueurs qui avaient enchaîné des saisons à trente matches et plus
C’est un fait. Ce n’est pas nouveau. On a des joueurs Premium qui jouent beaucoup plus que dans les autres nations. Mais j’ai conscience que les clubs ont aussi leurs exigences et leurs objectifs. Il faut que l’on mette en place une organisation qui préserve les intérêts de chacun. Cela passe par beaucoup de discussions, d’échanges avec la Ligue nationale de rugby comme on en a eu en décembre, et comme on en aura en avril. C’est un travail qui doit se faire main dans la main.
Vous allez partir en Argentine cet été avec une équipe jeune, sans les cadres. Est-ce que vous allez « sacrifier » toutes les tournées d’été, même celle en Nouvelle-Zélande en 2025 ?
Les tournées sont un point de passage important dans la construction de l’équipe. Là où je ne suis pas d’accord avec vous, c’est sur le terme « sacrifier ». Partir avec une équipe « adaptée », cela permet justement d’élargir l’effectif, de voir des joueurs que l’on n’aurait pas vus s’il n’y avait pas eu cette stratégie. L’équipe de France a réalisé une très belle tournée en Australie en 2021, sans ses joueurs Premium. C’est une vraie opportunité que de pouvoir travailler sur notre réservoir, de faire toucher à des jeunes joueurs ce qui est le très haut niveau et de leur faire passer des caps. Et puis à un moment, on ne peut pas tout avoir. Il faut faire des choix. Mais à partir de 2026, la Nations Cup va se mettre en place. Avec quels joueurs on la joue ? Il y aura une réflexion à mener sur nos priorités.
En juillet dernier, après le titre des moins de 20 ans, le rugby français se félicitait de l’expérience glanée en Top 14 par ces jeunes. Là, il y a eu de la friture sur la ligne avec les clubs sur la mise à disposition des joueurs de moins 20 ans.
C’est la rançon du succès. Cela veut dire qu’on a des jeunes de plus en plus performants qui deviennent des éléments indispensables en club pendant ces périodes de doubles doublons. C’est parfois difficile à gérer pour les clubs. Là aussi, ça nous oblige à réfléchir avec les clubs sur la stratégie à conduire avec l’équipe de France U20. On doit aussi poser la question à World Rugby : est-ce qu’il ne serait pas mieux de décaler le Tournoi des moins de 20 ans en avril, comme celui des filles, de façon à moins impacter les clubs ?
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Quels moyens seront donnés au moins de 20 pour les Mondiaux ? Est-ce qu’il y aura des arbitrages à faire entre la tournée en Argentine et les Mondiaux pour des joueurs comme Marko Gazzotti (UBB) ou Théo Attisogbe (Pau) qui peuvent intéresser Fabien Galthié ?
Oui, il y aura des arbitrages. Quel est l’intérêt du joueur ? Quel est celui de l’équipe de France ? Mais ça se fera en bonne intelligence. Les managers ont commencé à en discuter.