"Quand je suis en repos du rugby, je suis bien ici" : Christophe Urios (ASM) ouvre les portes de son domaine viticole
On connaissait Christophe Urios, le truculent entraîneur de rugby. On savait son goût et on devinait sa passion pour le vin. On a découvert, chez lui dans le Minervois, le propriétaire d’un domaine viticole, qui occupe le reste de sa vie en dehors de son métier à l’ASM Clermont.
De Pépieux, au cœur du Minervois dans l’Aude, au salon Vinidôme (ce week-end à la grande halle d’Auvergne à Cournon), le manager de l’ASM Clermont profite de la trêve du Top 14, pour changer de peau et de casquette. Propriétaire depuis cinq ans du domaine Pépusque, là où son père était régisseur, là aussi, où en culottes courtes, il a découvert le milieu du vin et de la vigne, Christophe Urios dirige une équipe (essentiellement familiale) pour donner ses lettres de noblesse à un breuvage qu’il veut à son image. Un vin qualitatif, éloigné des standards du terroir du Minervois, et plus particulièrement celui de La Livinière, une des toutes premières AOC du Languedoc.
L’histoire d’Urios avec le vin ne date pas d’aujourd’hui, mais elle fait parler depuis l’acquisition de son domaine en 2020. « Je ne perds pas de vue que mon premier métier est le rugby. Même si à Bordeaux, à un moment donné, on m’a fait comprendre que je faisais trop dans le vin. »
Des vins siglés Urios !
Quand on a évoqué avec lui, en découvrant son domaine, la passion et l’engagement qu’il mettait dans le rugby et le vin, Christophe Urios a d’emblée posé le cadre. La petite musique entendue quand il était à l’UBB trouve aussi de l’écho à Clermont, notamment chez certains supporters, qui tiquent un peu de le voir investi, ailleurs que dans l’ASM.
Le manager clermontois ne semble pourtant pas mélanger les genres et une activité ne paraît pas déborder sur l’autre. Cependant, il se sert de sa notoriété dans le monde de l’Ovalie pour vendre son château Pépusque. Et il ne s’en cache pas. Son vin est une signature, chaque bouteille porte son nom, tout ce qui sort du domaine est estampillé. « C’est une responsabilité, pas un signe d’ego de ma part », glisse l’intéressé.

Depuis ce vendredi, le public amateur de vins de la région clermontoise peut trouver Christophe Urios au salon Vinidôme à la grande halle d’Auvergne. Il y tient, avec Isabelle sa femme, son associée à Pépusque, un stand qui raconte l’histoire de ses 14 vins : 8 rouges, 5 blancs et 1 rosé.
On l’a donc compris, l’entraîneur clermontois a deux passions chevillées au corps, « et une troisième qui est le management des hommes », précise-t-il. L’une est-elle plus prégnante que l’autre?? « (longue réflexion)… Non… Enfin, le rugby, quand même, c’est ma vie. Le vin, ce n’est pas tout à fait pareil. Même si c’est ma formation (BTS de viticulteur), ma vie n’était pas centrée sur le vin. Je suis d’ailleurs plus à l’aise à parler de rugby que de vin. Mais j’aime parler du Minervois, de chez moi ».
Dans la construction de ses vins, Christophe Urios aime poser sa patte, quitte à déranger. Sur un terroir réputé pour des vins denses, charpentés et taniques, le Pépusque se démarque et n’hésite pas à casser les codes. Des vendanges à la vinification, Urios et son équipe bousculent les habitudes. « De toute façon, Christophe, faire comme les autres, c’est compliqué, ce n’est pas son truc », nous glisse Matthieu, le commercial du domaine.
Des projets plein la tête
Le coach de l’ASM n’a sans doute pas plus de (vrais) copains dans le milieu du vin que dans le rugby et il s’en moque. Sa quête est ailleurs. « Ce que je fais, ce n’est pas pour moi. C’est pour laisser quelque chose à mes enfants. Et ce que j’aime par-dessus tout, dans le monde du vin, c’est le partage. Quand je suis en repos du rugby, je suis bien ici. Si j’y passe plusieurs jours, je ne suis pas le même homme. Je suis plus naturel. Mais attention, je le répète, ma passion première et mon métier, c’est le rugby ».
L’analogie entre les deux est évidente dans son esprit. Il n’hésite pas à dresser des parallèles entre ses deux activités.
« Préparer la saison avec mes joueurs, c’est planter la vigne ; choisir les cépages, c’est le recrutement ; quand je décide quel vin je veux faire, c’est quel jeu j’aimerais que mon équipe pratique ; les vendanges et l’assemblage, c’est la construction de l’équipe. Voilà, c’est aussi de la compétition. Pour moi, c’est un peu la même chose et j’y prends le même plaisir. »
Christophe Urios parvient à s’investir dans ses deux passions, déjà parce que c’est un lève-tôt et que son désir d’entreprendre confine à l’obsession. « Ma hantise absolue, c’est de me réveiller un jour et me dire que je n’ai plus assez de temps à vivre pour tout ce que j’ai envie de faire. J’aimerais entreprendre plus de choses : avoir un resto, un bar à vins, acheter un autre domaine… Je ne ferais pas tout, je le sais, mais je dis souvent à mes joueurs, ne perdez pas de temps, montez des choses, visitez des entreprises, soyez curieux, construisez-vous tant que vous êtes jeunes. Moi, j’ai perdu beaucoup de temps, 10 ans de ma vie, je pense. Mais c’est ma construction personnelle. Je ne pourrai pas faire de marche arrière ».
Homme entier, que l’on peut aimer ou détester, Christophe Urios ne fera jamais les choses à moitié. Quel métier passion l’animera le plus longtemps ? « Le rugby, je n’arrêterai pas. En revanche, à un moment, le métier de coach s’arrêtera. Le contact au quotidien avec les joueurs, ça pompe ton énergie. J’aimerais devenir directeur sportif dans un joli club, m’occuper de la formation, du recrutement, de l’identité et du territoire. Et puis, le monde des médias m’attire ».
Il y a quelques années, le manager actuel de l’ASM a intégré les « grandes gueules du sport », chez notre confrère RMC Sport. « Ça me plaisait, j’étais à l’UBB, mais ce n’était pas compatible avec mon métier de coach. Et ça m’a coûté cher. Quand j’aurai tourné la page d’entraîneur, ça pourrait m’intéresser. J’aurai des choses à dire… ».
Dans le monde du rugby, comme dans celui du vin et plus particulièrement ceux de son domaine, Christophe Urios aura toujours un avis (tranché) à donner. À chacun, de boire ou pas ses paroles…
Le manager de l’ASM nous a fait découvrir son domaine, lundi dernier, ainsi qu’à nos confrères de France 3 Auvergne. « Christophe Urios sur ses terres » sera le grand format dans le journal des sports, télévisé ce dimanche à 19 h 15, présenté par Jean-Luc Roussilhe sur des images de Mathieu Verlaine.
Lors de l'assemblage des cépages,
le rugby n'est jamais très loin

Assister à une séance d’assemblage des cépages du domaine de Pépusque avec Christophe Urios, aux côtés de Claude, son œnologue, et Tony, son maître de chais, est un moment délicieux de références liées au vin, où le rugby n’est jamais très loin.
Depuis qu’il a repris le château Pépusque, le manager de l’ASM n’a jamais raté la journée consacrée à l’assemblage des différents cépages. Deux jours après la défaite de son équipe, à Pau, il observe déjà le « manège » de son œnologue et de son maître de chais. « Attention, ce n’est pas de la tambouille de cuisine. C’est pointu. Notre but est d’égaliser la qualité de chaque millésime. »
Les bouteilles de tous les cépages sont ouvertes. Commence alors la dégustation, avant de fixer les proportions d’assemblage.
« C’est le moment officiel, glisse Urios. Le millésime 2024 se joue là. C’est un peu comme en rugby la fin de la présaison… le moment où tu sens si les mecs ont adhéré. »
« On est sur un très bon grenache avec un bel équilibre. Il y a beaucoup de souplesse, de la délicatesse aussi. C’est un millésime assez frais, avec de la texture », lâche l’œnologue. « Le mourvèdre a des notes fraîches. Il n’y a pas beaucoup de densité, mais beaucoup d’élégance. Le carignan s’affirme à merveille avec son côté croquant », poursuit le maître de chais qui dirige la séance.
Dans son coin, Christophe Urios participe, un peu en retrait, même s’il goûte (et recrache) lui aussi à tout. « Je suis comme face à un entraîneur en mêlée. Je ne suis ni expert en mêlée ni en vin, donc j’apprends. Mais je valide. Ça se fait facilement parce que nos vins vont dans le sens que l’on veut, sur le fruit, gourmand. C’est le produit qu’aime aussi aujourd’hui le public. Moi, j’aime ce type de vin. »
Claude, l’œnologue, s’adresse au boss :
« Christophe, c’est ton vin aussi, il faut que ton ressenti soit bon. Il faut que tes vins te ressemblent. » Et Urios de répliquer : « Oui, des vins qui ont de la rondeur », se marre le coach clermontois.
L’assemblage dure deux heures, il a commencé par le haut de gamme, le Trésor de Pépusque. « On débute par le meilleur, parce que c’est le plus facile à assembler », précise le maître de chais. Urios revient inévitablement au rugby : « Le recrutement, c’est pareil, tu commences par le meilleur joueur. »
C. Buron (LM - 01/02/25)