Les américains ne se relâchent pas et poursuivent dans la jungle les restes des troupes de Kawaguchi. Mais ils sont repoussés après une série de raids le long de la rivière Matanikau qui devient la ligne de défense américaine à l’Ouest de la première position autour d’Henderson Field. Jusqu’au 27 Septembre, malgré un assaut combiné terre/mer, les japonais résistent. Les américains se rassemblent donc et relancent leurs offensives à partir du 6 Octobre.
Cette fois, c’est payant. La rivière est franchie et les japonais souffrent de lourdes pertes. Ils doivent battre en retraite et abandonner une sérieuse attaque prévue contre Lunga Point. A l’Est, les Marines américains progressent malgré de lourdes pertes et conquièrent des avants postes à près de 50 km à l’intérieur des terres.
Dans le même temps, sur mer, la bataille du Cap Espérance, au Nord de Guadalcanal, fut finalement l’enjeu majeur. Quoiqu’il se passe sur terre, les Marines comme les soldats japonais étaient dépendants de ce qui se passait sur mer. Là était leur survie. Grâce au Tokyo Express, les japonais continuaient de déverser renforts et matériel sur Guadalcanal.
Les américains prévoyaient aussi d’envoyer des renforts fortement escortés depuis la Nouvelle-Calédonie. Mais l’état-major nippon voulait se débarrasser de la force aérienne d’Henderson Field qui obligeait les japonais à se déployer de nuit et limitait l’envoi de matériel lourd.
Une escadre équipée d’obus spéciaux fut envoyées pour bombarder l’aérodrome et détruire les appareils américains. Trois croiseurs lourds et deux destroyers sous le commandement du contre-amiral Aritomo Gotō furent envoyés. Mais ils furent détectés.
Les navires américains purent barrer le T pour l’une des dernières fois de l’histoire de la marine militaire. Ouvrant le feu, les navires américains coulèrent un croiseur et un destroyer japonais et causèrent d’importants dégâts à un autre croiseur. L'amiral Gotō fut également mortellement blessé et le reste des navires de guerre japonais dut renoncer à la mission de bombardement pour battre en retraite. Durant l'échange de feu, un destroyer américain fut toutefois coulé tandis qu'un croiseur et un autre destroyer subirent de lourds dommages.
Ce faisant, le convoi d'approvisionnement japonais parvint, quant à lui, à remplir avec succès sa mission de débarquement à Guadalcanal et entama son voyage de retour sans avoir été découvert par la force de Scott145. Plus tard dans la matinée du 12 octobre, quatre destroyers japonais du convoi d'approvisionnement revinrent cependant pour prêter main forte à la retraite des navires endommagés de Gotō. Deux de ces destroyers furent coulés plus tard dans la journée par des avions de la Cactus Air Force partis de Henderson Field. Le convoi de l'armée américaine parvint à Guadalcanal comme prévu le jour suivant et livra avec succès sa cargaison de matériels et d'hommes.
Mais les japonais n’abandonnèrent pas leur plan de détruire les avions d’Henderson Field et réussirent à bombarder lourdement l’aérodrome le 14 Octobre, détruisant 48 des 90 appareils, endommageant les pistes et détruisant la majorité des réserves de carburant.
Cependant, les américains avaient des réserves. L’aérodrome fut remis en état en quelques heures, des avions furent acheminés en urgence tout comme le carburant et les avions de la Cactus Air Force purent détruire 3 cargos d’un convoi japonais qui était en court de déchargement de renforts.
15 000 japonais furent néanmoins débarqués dans la première semaine d’Octobre. L’état-major japonais avait donc sous son contrôle plus de 20 000 hommes, suffisamment pour envisager l’attaque décisive pour reprendre Henderson Field.
Ayant perdus leurs positions à l’Ouest le long de la rivière Matanikau, tout comme à l’Est, les japonais n’avaient d’autre choix que d’attaquer par le Sud, d’une manière quasi frontale. 7 000 hommes de la 2e division furent chargés de l’attaque le 23 Octobre. 3 000 hommes furent chargés de faire division le long de la côte au Nord-Ouest.
Mais en face, les américains n’avaient pas chômé. Alors que le commandement nippon estimait les forces américaines à 10 000 hommes, ceux-ci étaient en réalité plus de 25 000 sur l’île et il en arrivait toujours plus tous les jours.
Une piste fut ouverte par le génie japonais à travers la jungle et les crêtes pendant près de 10 jours. Mais au dernier moment, l’attaque fut repoussée au 24 Octobre. Mais on ne put prévenir à temps l’offensive au Nord-Ouest. Les japonais se firent tailler en pièces, laissant tous leurs chars et de nombreux soldats sur le terrain…
Le 24 Octobre, l’attaque se déclencha. Violente, frontale, ce fut un nouveau carnage. 2 jours durant, les Marines repoussèrent les vagues japonaises, qui malgré quelques incursions derrière les lignes américaines, furent toutes anéanties (voir le passage sur John Basilone dans la série « The Pacific » action au cours de laquelle il reçut la Medal of Honor).
Au total, sur ces deux attaques, 3 500 japonais perdirent la vie, contre moins de 100 américains. L’échec était total. La terrible armée impériale avait à nouveau perdue pour la 3e fois en moins de 3 mois…
Dans le même temps, au large de Guadalcanal, eut lieu la bataille navale des Îles Santa Cruz au cours de laquelle les japonais remportèrent une victoire tactique mais durent se replier du fait des avaries sur leurs navires. Les américains perdirent le porte-avion Hornet tandis que l’Enterprise fut fortement endommagé. Malgré tout, ça restera une victoire stratégique américaine. Les japonais perdirent là leurs derniers meilleurs pilotes et chaque perte ne pouvait pas être remplacée comme côté américain…
Sur Guadalcanal, l’offensive se poursuivit vers l’Ouest. Peu à peu, les japonais étaient repoussés un peu plus loin dans l’île au prix de très lourdes pertes. Des 3 000 hommes qui s’échappèrent dans la jungle suite aux raids américains, seuls 800 parvinrent à rejoindre les garnisons du Mont Austen et de la haute vallée de la rivière Matanikau. Les autres furent tués soit par des commandos américains mais surtout par les ravages de la malaria et de la dysenterie.
L’échec était total. Par la suite, les japonais tentèrent à nouveau d’apporter des renforts, notamment 7 000 hommes à bord de transport lors de la bataille dites de Guadalcanal (bataille navale).
Mais le porte-avion Enterprise, après un mois de réparation en Nouvelle-Calédonie, était à nouveau disponible et ses avions, en plus de ceux d’Henderson Field, firent des ravages sur les navires de ligne japonais. Au total, seuls 3 000 des 7 000 hommes parvinrent en vie sur Guadalcanal. C’était beaucoup trop peu pour contrer des américains toujours plus nombreux.
Dans le même temps, une offensive Australo-américaine en Nouvelle-Guinée contre Buna changea les priorités nippones. On ne pouvait plus considérer Guadalcanal comme la seule menace. Beaucoup des hommes qui étaient destinés à partir à Guadalcanal furent stoppés.
Une dernière tentative de ravitaillement à Tassafaronga échoua à nouveau. Malgré de lourdes pertes côté américains (un croiseur coulé, et 3 autres fortement endommagés), les japonais durent rebrousser chemin alors que sur Guadalcanal, chaque jour Hyukutake perdait 50 hommes à cause des maladies, des combats ou de la malnutrition.
Des nouvelles tentatives de ravitaillement les 3, 7 et 11 Décembre échouèrent. Il fut décidé, devant l’impossibilité de ravitailler les troupes sur place, d’abandonner Guadalcanal le 12 Décembre 1942.
Mais cela pris du temps. La 1ere division de Marines, épuisé, fut remplacée sur le front par la 2e division de Marines, la 25e division d’infanterie US et la division Americal formée des gardes nationaux notamment. Après de très durs combats contre le Mont Austen et les deux crêtes dites du Cheval au Galop et de l’Hippocampe, les japonais, au prix de 3 000 morts (contre 250 aux américains) cédèrent encore du terrain.
Alors qu’un groupe naval américain fut pris à parti par une force japonaise venue en soutien pour rembarquer les soldats japonais, les américains se replièrent, ignorant totalement les intentions japonaises. Frileux sur mer comme sur terre, les américains laissèrent échapper près de 11 000 japonais de Guadalcanal jusqu’au 7 février. Les américains ne se rendirent compte de rien jusqu’au 9 février, date de la fin de la bataille de Guadalcanal.
Quelles conséquences ?
Guadalcanal fut la première offensive terrestre américaine dans le Pacifique. Après des débuts catastrophiques, où les Marines furent encerclés, sans ravitaillement, sans matériel lourd, sans soutien naval et aérien, souffrant des maladies tropicales et de dysenterie, ils réussirent à inverser la tendance et à conquérir petit à petit l’ensemble de l’île de Guadalcanal ainsi que les îles Tulagi et Florida. Ces îles furent le point de départ vers la conquête de la Nouvelle-Guinée, la reprise de Rabaul et la stratégie de saut d’île en île dans le Pacifique central.
Les japonais perdirent 30 000 hommes donc 4 500 marins là où les américains dénombrèrent 7 000 morts dont 5 000 marins. Si les pertes navales américaines et japonaises furent équivalentes, jamais le Japon ne parvint à récupérer ces pertes alors que la machine industrielle américaine venait à peine de se mettre en branle.
Les américains subirent néanmoins un coup d’arrêt. A l’issue de cette immense bataille, seul le porte-avion Enterprise est encore opérationnel. Et il faudra plusieurs mois aux américains pour être capables de reprendre l’offensive de manière efficace.
Mais, si Midway avait mis fin aux initiatives japonaises, c’est bien Guadalcanal qui permit définitivement d’enrayer l’expansion territoriale japonaise. Avec la reprise des îles Salomon orientales, les américains sécurisèrent les lignes de communication vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie et donc vers Hawai et la côte Ouest des Etats-Unis.
Guadalcanal permit également de mettre en avant le théâtre Pacifique, jusqu’alors inférieurement traité par rapport au théâtre européen. Les meilleures forces terrestres, navales et aériennes japonaises avaient été vaincues et ne pouvaient être remplacées. A contrario, la marine américaine, malgré des pertes si terribles que les chiffres humains furent d’abord cachés, parvint à remplacer chaque perte à partir du mois de Novembre 1942, se renforçant irrémédiablement à partir de l’année 1943.
Guadalcanal est clairement le tournant de la guerre dans le Pacifique. La bataille ultime où les meilleures forces japonaises sont anéanties et repoussées par une task force inexpérimentée mais courageuse.
Forts de l’expérience du terrain, les américains vont conquérir toutes les îles Salomon pour remonter jusqu’au Japon en Août 1945.