La perspective de jouer les All Blacks renvoie souvent à des souvenirs d’enfant. À quoi rêvait Théo Attissogbe lorsqu’il a débuté le rugby à Peyrehorade ?
J’ai commencé le rugby à Peyrehorade quand j’avais 7 ans. J’ai pratiqué beaucoup d’autres sports, mais ça a toujours été mon sport favori. Mon père y avait joué à Sainte-Livrade (47) en tant qu’ailier : pour ceux qui le connaissent, il a un peu évolué (sourire), mais il courait très vite paraît-il. Il m’avait emmené tout jeune voir des matchs. Le tout premier auquel j’ai assisté, il me semble que c’était au Stadium municipal de Brive. Je ne me rappelle plus contre qui, mais c’est mon tout premier souvenir rugbystique. On regardait aussi souvent les matchs à la télé. Mon rêve enfant ? Je voulais être pilote de ligne et voyager. En ce qui concerne le rugby, ça a été un long débat avec mon père, de longues négociations pour le convaincre de me laisser m’inscrire en club. Il voulait que je commence plus tard.
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En raison de la dangerosité de ce sport ?
Oui. Il voulait aussi que je me forme avec d’autres sports. Il m’avait poussé à faire du judo et de l’athlétisme. Il a toujours été très protecteur. Quand j’étais petit, je jouais avec un casque, parce qu’il voulait que je me protège au maximum. Ça a d’ailleurs été un long débat aussi, parce qu’avec mes cheveux qui commençaient à ressembler ce qu’ils sont aujourd’hui, c’était compliqué de le mettre. On était convenu que je ne commencerais le rugby qu’à 12 ans. Heureusement, à force de négociations, il a fini par craquer.
Sur le site de la Section Paloise, les mensurations qui vous sont attribuées sont 1,81 m pour 79 kg. Sont-elles exactes ?
Ça a évolué : je fais 1,82 m pour 84 kilos environ. Je suis un peu obligé. La musculation n’est pas ma partie préférée, mais c’est important, j’essaie de m’y filer au max. Même si c’est sur le terrain que je prends le plus de plaisir.
Vous étiez plus frêle dans votre enfance. Est-ce cela qui vous a poussé à développer votre sens de l’évitement ou est-ce la pratique d’un sport tel que le judo ?
C’est un peu des deux. Je n’ai jamais été le plus costaud de l’équipe. À mes yeux, le rugby est un sport d’évitement même s’il y a une part de combat. Le judo m’a aidé, je pense, dans la connaissance de mon corps et dans ma façon de le faire bouger. J’essaie de le cultiver, c’est ce qui m’aide à performer à haut niveau. C’est un aspect de mon jeu très important.
« J’ai aussi un nom togolais : Amwoto Amemoyoto. Mes amis proches à Mont-de-Marsan m’ont d’ailleurs surnommé Amemo »
Vous avez baigné dans une forme de culture rugby ?
D’une certaine manière, oui. Grâce à mon parrain, j’ai assisté à plusieurs finales de Top 14. En 2012, j’étais allé voir celle de Toulouse (NDLR, contre Toulon). J’avais eu la chance inouïe d’aller dans les vestiaires, j’avais pu faire une photo avec tous les joueurs un par un. C’est un souvenir qui restera pour toujours. J’étais aussi allé voir beaucoup de matchs à Biarritz ou à Toulouse. Le rugby a toujours été très ancré.
Votre père y a-t-il contribué ayant joué ?
Je ne l’ai jamais vu jouer. Aujourd’hui, quand on en parle, on ne rentre pas dans l’aspect technique ou tactique. La seule chose qu’il me dit avant les matchs, c’est « ne te blesse pas et ne blesse personne ». Avant, il me demande juste si le corps va bien.
Il est né au Togo : par quel biais a-t-il découvert le rugby ?
Il est arrivé en France à l’âge de 9 ans. C’est ici qu’il s’est construit. Il a été amené à aller travailler vers 18 ans dans une pépinière à Sainte-Livrade. De fil en aiguille, il s’y est mis. Je pense que ça lui a aussi permis de s’intégrer.
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Quel lien entretenez-vous avec le Togo ?
J’ai eu l’occasion d’y aller à plusieurs reprises, même si c’est plus compliqué avec le rugby. Mon père y était avec ma sœur au début du mois de juin. Mon père a une association pour aider son village d’enfance (NDLR, un Regard vers le sud). On entretient des liens très étroits avec le Togo.
Pour vous, est-ce de la curiosité ou le besoin de renouer avec les origines familiales ?
C’est un tout. Jeune, j’y suis allé trois fois, j’ai un petit peu vécu là-bas. Depuis tout petit, je vois mon père donner du temps et tout ce qu’il a pour aider au mieux son ancien village. Ça fait partie de mes racines, c’est important de savoir d’où on vient. Ça me tient à cœur, c’est le pays de mon père et je porte un nom d’origine togolaise. J’ai aussi un nom togolais : Amwoto Amemoyoto. C’est aussi inscrit sur ma carte d’identité. Mes amis proches à Mont-de-Marsan m’ont d’ailleurs surnommé « Amemo ».
« Petit, j’étais presque imbuvable (sourire) : je râlais tout le temps après l’arbitre. C’était presque maladif : dès qu’il y avait de l’enjeu, j’étais « un peu beaucoup » râleur. »
Un de vos anciens éducateurs à Peyrehorade décrit un « besogneux qui savait ce qu’il voulait », un « gagneur avec un gros tempérament ». Aviez-vous déjà une vision claire de ce que vous vouliez devenir ?
Au début, je voulais surtout prendre du plaisir avec mes potes. Mais quand j’ai vu que je me débrouillais, ça m’a forcément intéressé. J’ai d’ailleurs dû me calmer en grandissant. Petit, j’étais presque imbuvable (sourire) : je râlais tout le temps après l’arbitre. C’était presque maladif. Dès qu’il y avait de l’enjeu, j’étais « un peu beaucoup » râleur. J’ai fait un gros travail sur ça. Heureusement.
Quand vous développez votre capacité à jouer à l’ouverture, à l’arrière ou à l’aile, est-ce que ça participe aussi de la vision de ce que vous voulez devenir ? Pour se faire une place en équipe de France, la polyvalence est importante…
Ça, ce n’est pas moi qui décide. Mais clairement, j’ai grandi en jouant à plusieurs postes. J’ai été formé à l’ouverture à Peyrehorade. En arrivant à Mont-de-Marsan, j’ai joué la moitié de la saison au centre avec Léon Darricarrère. Je suis ensuite passé à l’arrière avant de glisser à l’aile en arrivant à Pau. Cette polyvalence fait partie de mon parcours, j’ai envie de la cultiver. Je suis très content d’avoir alterné entre le poste d’ailier et d’arrière cette saison. En ce qui concerne le numéro 10, j’ai plus dépanné cette saison. Mais avec plus d’expérience, j’ai l’ambition de pouvoir le faire de nouveau à l’avenir. Ce n’est pas un objectif à court terme.