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mercredi 3 août 2005
par Mouky

Nicolas Nadau le 12 avril 2001

Présentation de Nicolas Nadau

Nadau Nicolas
né le 09 Mars 1970 à Fontenay.
1m82 - 86 kg.
Poste : arrière.
Professionnel
Club précèdent : au club depuis 1996.
Sélections : -21ans, U.

Interview de Nicolas Nadau

Avant ASM-Colomiers, La Montagne avait fait une petite interview de toi ou tu pouvais enfin dire ce que tu ressentais...

En fait, on m’a fait dire certaines choses ce qui est totalement différent. Jean Marc Lhermet (qui s’occupe de tout ce qui est communication) m’a appelé la veille en me disant qu’un journaliste voulait me rencontrer pour parler de la venue de Colomiers donc je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il me parle de ça. Et puis vu les états d’âme que j’avais à ce moment là, c’était facile pour moi d’exprimer ce que je ressentais.

Et quel est justement ton état d’esprit actuellement ?

C’est de me dire que c’est une réalité tous les week-end : t’as des supporters qui sont là vraiment pour venir encourager leur équipe et d’autres qui sont là pour venir se défouler sur nous. C’est un peu lamentable. Et ça c’est d’ailleurs confirmé ce week-end (demi finale de coupe de la ligue ASM-Pau, remportée brillamment par l’ASM), je ne jouais pas mais j’étais dans les tribunes et t’as bien une dizaine d’énergumène qui sont derrières pour vraiment insulter certains joueurs, ils sont là pour se défouler dessus. Et puis ils savaient que l’on était 2,3 joueurs les uns à cotés des autres et puis ils se sont pas gênés au contraire, ils ont enfoncé les mecs sachant qu’on allait répéter ce qui se disait... On s’entraîne tous les jours mais les gens n’arrivent pas à comprendre ça. C’est comme ça... J’apprends à vivre avec, je me fais critiquer. Le plus malheureux, c’est pas pour moi à l’arrivée, c’est quand le week-end, ma copine est avec ses parents dans les tribunes et que t’as 3-4 gars dès que je touche le ballon qui disent "quelle connerie il va faire", "il est nul à chier"... Dans son amour propre ça la blesse aussi, elle est pas là pour vivre ça et pour entendre ça tous les jours, pour elle c’est démoralisant. Quand déjà je rentre à la maison sans avoir le moral et qu’elle aussi elle est touchée, c’est un calvaire pendant un certain temps.

Ces gens là n’ont vraiment pas de mémoire, ta saison l’an dernier était quand même très bonne

Si ils en ont mais ils n’hésitent pas à te rappeler ces moments là. Quand tu leur marques un essai en 1/4 de finale ou en finale, ils s’en souviennent très bien mais ils se souviennent aussi de la finale du Bouclier Européen où je n’avais pas été extraordinaire et ils se souviennent de ces moments là aussi et c’est plus souvent ces souvenirs négatifs qui ressortent.

Est-ce que tu as quand même été soutenu par quelques supporters  ?

Oui, à part ça c’est sur que t’as des clubs de supporters qui ont fait énormément de choses déjà ne serait-ce que pour moi avec tout ce qu’il s’est passé lorsque je me suis fait sifflé, ça a été des gestes qui m’ont vraiment touché.

Quels étaient tes objectifs en début de saison ?

De faire aussi bien que l’année dernière parce que j’estimais que c’était l’une des meilleures saisons que j’avais fait depuis mon arrivée à l’ASM : j’avais fait toute la Coupe d’Europe, chose qu’on m’avait dit que je ne ferais pas et puis que j’ai finalement faite. Au final, tout le monde était content de moi et ça s’est concrétisé par une sélection en France A qui a bien prouvé que le travail que j’avais fourni avait payé.

Tu étais déjà le remplaçant à tout faire derrière (à l’aile, au centre, à l’arrière) et depuis peu, tu es même le remplaçant à l’ouverture. Comment c’est venu ?

Les anglosaxons ont l’habitude d’avoir un joueur derrière et un devant qui soit capable de jouer à tous les postes et il s’est trouvé que c’est moi qui ai été désigné. Alors c’est peut-être puisque Jean-Pierre Laparra me connaît depuis un moment et qu’il voulait déjà me tester à l’ouverture car c’est sans doute un de mes postes à venir.

Et c’est un honneur d’être cet homme polyvalent ?

Oui et non. Quand tu es dans mon cas, tu es presque sur de faire parti des 22 mais tu es jamais sur de jouer. T’es pas un titulaire en puissance, t’es le gars qu’on trimballe un peu partout. Donc j’essaye de faire les efforts pour retrouver une place de titulaire à l’arrière mais en ce moment Sébastien Viars est un ton au dessus de moi et il faut savoir le reconnaître. Et il faut travailler en conséquence pour que je le dépasse un jour.

Et comment arrives-tu à concilier tout ça pour t’entraîner ?

Justement, c’est un peu dur, on te fait passer à tous les postes. Par exemple, à l’entraînement du capitaine, on répète nos gammes à vide : je commence en prenant la place à l’arrière et je finis à l’ouverture. Et justement, quand tu passes de l’un à l’autre, ça change du tout au tout, à l’ouverture on te demande plus de responsabilités.

Tes sensations sur le match à Biarritz (Nicolas était rentré pour remplacer N’Gauamo blessé) ?

Ca a été génial !! Quand tu joues à coté d’un mec comme Tony, tout est facilité. En plus, on a joué avec énormément d’envie et c’est surtout ça ce qui nous a fait gagné : l’envie et le physique que l’on avait sur la fin.

Ton opinion sur l’effectif actuel de l’ASM ?

C’est un effectif monstre.

Et c’est pas trop justement ?

C’est pas à moi de le dire mais aux entraîneurs. Tu sais, moi je suis la pour jouer et pour essayer de gagner une place comme tous les autres. Après c’est sur que quand tu as 40 joueurs à gérer, il y a forcément des tensions un jour ou l’autre, forcément des choix qu’il faut faire. Ils ont voulu un effectif riche, ils l’ont et maintenant, il faut le gérer.

Quels ont été les plus grands changements apportés par cette arrivée du professionnalisme ?

Tout. La façon de se comporter en dehors du terrain. La médiatisation est quelque chose qui est devenu de plus en plus monstrueux. Déjà quand je suis arrivé, ça commençait un petit peu, il y avait Canal + qui commençait à s’intéresser et maintenant ils diffusent 2 matchs par journée. Et petit à petit, c’est toutes les télévisions, c’est toutes les radios, ça intéresse de plus en plus. Et puis après, les entraînements, depuis l’âge de 15 ans en sport-étude je m’entraîne et j’avais pour habitude de m’entraîner 4 à 5 fois par semaine.

Oui mais ce sont quand même des entraînements extrêmement sollicitant, non ?

Oui mais c’est parce que les entraîneurs ont voulu changer la façon de faire avec nous et puis nous la façon de faire aux entraînements, on a plus le même investissement.

Dans le jeu, qu’est-ce qui a changé ?

L’engagement physique énorme. Je me souviens de l’époque ou je suis arrivé ici, il y avait quelques matchs pour lesquels tu étais presque sur de faire un match "tranquille" sans trop de placages mais aujourd’hui, celui qui loupe son placage, celui qui loupe une passe le paye cash. Ca va de plus en plus vite et ça se renforce de plus en plus.

Et on a pas perdu certaines valeurs ? On ne verra plus un joueur porter 10 ans les mêmes couleurs ?

Ca, c’est le problème du professionnalisme car il y a de l’argent qui est investi sur des joueurs. Aujourd’hui, tous les joueurs sont contactés et ils changent de clubs. C’est comme ça. C’est l’ère professionnelle, c’est tout.

Et tu le regrettes ?

Un petit peu oui. J’ai passé 15 ans dans un club avant de venir ici et c’est pour l’amour du maillot que j’étais là-bas.

Qu’est-ce que tu penses de l’augmentation du nombre de joueurs étrangers dans le championnat ?

On a un entraîneur en équipe de France qui se plains qu’il n’y a pas de centres alors que c’est le premier à avoir fait venir des néo-zélandais. Et je pense que ce n’est pas comme ça que l’on va former une équipe de France, c’est pas comme ça que l’on va sortir des joueurs et puis après, quand tu vois les résultats en équipe de France, ça se confirme.

Et le rugby dans 5 ans, comment tu le vois ?

De plus en plus professionnel, de plus en plus de médias et des joueurs de moins en moins approchables. Le contact avec les supporters n’est plus du tout le même aujourd’hui. Il y a 5 ans, avec Darlet, le Goret et tout ça, le passage aux Bar des Vignerons était obligatoire avant de débuter une saison et puis on y allait 1 ou 2 fois dans la saison.

Qu’est-ce que les australiens t’ont apporté précisément  ?

La rigueur que je n’avais pas du tout auparavant même si les gens ont toujours l’impression que je n’en ai pas du tout.

Comment tu vis le fait que ton jeu soit maintenant étudié très pointilleusement (nombre de placages manqués, réussis, nombre de passes...)  ?

Sur le terrain, tu l’oublies complètement mais c’est vrai qu’une fois qu’on est sorti, on se dit, tiens c’est vrai que j’ai loupé 2 placages, j’ai loupé 1 touche... Mais bon, c’est aussi ce qui fait avancer donc il ne faut pas non plus dénigrer tout ce qui est fait. Si t’as loupé quelque chose, c’est qu’il y a eu un problème quelque part donc c’est ce qu’il faut travailler.

Au niveau relationnel, comment ça se passe avec les coachs ?

Très chaleureux, conviviaux, ils aiment bien s’amuser mais une fois que le match arrive, ce n’est plus du tout pareil : on se concentre pour le match, on est la pour avoir des victoires et peu importe la manière et la façon dont on y arrivera mais il faut gagner absolument.

Comment tu sens ce groupe justement ?

Motivé. Bien. Bien structuré. C’est vrai qu’il y a eu des problèmes au départ dans la communication mais petit à petit, on sent que ça se ressoude de plus en plus.

Justement, ce premier match face à Aurillac...

C’est un cauchemar, tu prends 40 points ici : t’es déshonoré, t’es touché dans ton orgueil et encore une fois, on se fait siffler mais ils ne se rendent pas compte à quel point c’est dur déjà de se faire marcher dessus chez soi. En plus, à peine tu as fini ton match, le lendemain tu rattaques une séance de physique, et ça, les gens ne se sont pas rendus compte que pendant 2 mois, on en a chié comme jamais : ça fait presque 20 ans que je joue au rugby et c’est vraiment la 1ere année où j’en chie physiquement comme ça, c’est super dur. Ma copine ne me reconnaissait pas : quand je rentrais le soir, à 21h j’étais au lit alors que je me couche en général pas trop tôt. Après, tout le mois de Décembre, quand tu vois qu’on est en pleine bourre : physiquement on était un ton au dessus et puis techniquement aussi puisqu’on a aussi progressé énormément.

Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans le rugby ?

Le manque de convivialité. J’ai toujours eu en tête cet esprit de groupe, cette camaraderie mais petit à petit, on perd ça. Ca s’individualise, on commence à devenir un sport collectif avec des individualités.

Ton meilleur souvenir ?

Quand je marque avec l’ASM contre Dax en 1/4 de finale en 1997 car c’était un contexte particulier : j’étais en concurrence avec Gilles Darlet et Jimmy Marlu, Jimmy n’avait pas été pris dans le groupe, Gilles n’avait pas joué donc les 2 m’étaient plus ou moins tombés dessus parce que c’était moi qui jouait. Donc il y avait une pression supplémentaire, mais lorsque plus la semaine avançait et le match approchait, Gilles, avec qui ça avait été très tendu au départ, avait petit à petit compris qu’il fallait m’aider. Jusqu’au jour du match où il m’a vraiment soutenu et poussé. C’est pour ça que je lui ai dédié ce match et que je lui ai remis mon maillot car tout ce qu’il avait fait me touchait au cœur alors qu’en début de semaine, ça avait été tout le contraire.

Et ton pire souvenir ?

A l’ASM aussi. Le jour de ASM-Dax : je suis sorti à la mi-temps et Seb est rentré après 6 mois d’absences. Je me suis fait siffler au moment ou il annonçait mon nom et lui il s’est fait applaudir. C’est là que j’ai été le plus blessé et c’est à partir de là que j’ai commencé à fléchir un peu.

Si tu devais choisir entre l’équipe de France et le Brennus ?

(Rires)
Actuellement, je choisirai plus le Brennus, y a pas photo. Mais tout joueur joue pour être un jour en équipe de France donc c’est un rêve pour tous. Ce sont 2 choses totalement différentes : le Brennus, tous les gens qui sont autour de toi te connaissent et tu les côtoies régulièrement (supporters et joueurs) alors qu’en équipe de France, tous les gens qui sont au stade, tu ne les connais pas donc c’est un parfum totalement différent je pense. Ca doit se ressentir dans l’approche du match et si tu gagnes... Déjà en 1998 ça avait été extraordinaire, le match même si on perd, les gens après le match : des gens nous attendait devant l’hôtel ou on dormait à Paris. Le lendemain avec près de 5000 personnes place de Jaude. C’est des moments très touchant.

Si tu devais parler d’un joueur à l’ASM ?

Tony Marsh, y a pas photo. C’est le mec vraiment bien dans sa tête, bien dans son corps et puis il est exemplaire tous les week-end. Il est irréprochable et puis même il est abordable, il est facile d’accès. C’est un gars qui a l’esprit vachement ouvert même s’il paraît très timide et très sauvage. Moi je sais que les 1eres fois qu’il est arrivé ici, les 1eres impressions c’était il est sauvage, il parle à personne. Alors qu’il a toujours toujours toujours une attention pour les mecs qui viennent le voir et c’est pour ça que c’est un mec que j’apprécie vraiment.

Si t’avais un mot à faire passer aux supporters du forum ?

Je remercie tous ces gens qui aiment ce club et qui nous aiment, et il faut qu’il continuent à nous encourager.

Merci Nicolas

Cette interview a été réalisée par Pierre Joly le 14 avril 2001.


Mouky | 2005.08.03 @ 13:33 retour au début de la page


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